Caroline Fourest fait partie de la promotion du 14 juillet de la Légion d’honneur. Je voudrais compléter les éléments rapportés dans mon billet de blog du 29 décembre 2023 intitulé « Non-droit de réponse ».
Samedi 14 octobre 2023, au lendemain de l’assassinat terroriste d’un professeur, Dominique Bernard, Caroline Fourest, invitée de 8h20 sur France Inter, s’en prend à ce qu’elle appelle « la gauche Médine » : « les trous dans notre bouclier, ce sont […] tous les gens qui viennent après ceux qui défendent la laïcité. Tous les politiques qui ont essayé de défendre l’école laïque et la laïcité ont été pris en chasse. Regardez ce qui est arrivé à Jean-Michel Blanquer, regardez ce qui est arrivé à Manuel Valls, regardez ce qui est arrivé à Marlène Schiappa. »
C’est un argument qu’elle développera dans sa chronique du 18 octobre pour Franc-Tireur : « Chaque fois que des politiques résistent, la gauche Médine aboie, crie au fascisme et broie leur réputation. Manuel Valls a payé cher d’avoir pris ce danger au sérieux. Jean-Michel Blanquer d’avoir mis en place un Conseil des sages de la laïcité et des formations pour les référents laïcité des écoles. Frédérique Vidal a fini en dépression pour avoir osé parler d’“islamo-gauchisme” à l’université. Gabriel Attal, plus courageux que son prédécesseur, se voit déjà reprocher d’avoir clarifié la règle sur l’abaya. Tiendra-t-il ? Marlène Schiappa n’a pas tenu, lynchée, accusée à tort d’avoir détourné l’argent du Fonds Marianne – dont elle a eu la bonne idée pour riposter, sur les réseaux, à l’islamisme… Tout ça parce qu’une association sur dix-sept n’a pas tenu ses engagements ! Quel ministre prendra, désormais, le risque de consacrer un budget à cette bataille ? »
Sur France Inter, on lui demande de donner les noms de ces « trous dans le bouclier », coupables d’« entraver l’action de l’État et des laïcs » ; la directrice de Franc-Tireur ne se fait pas prier : « ils ne sont pas si nombreux », et de me nommer en premier : « Je peux vous citer des grands professeurs qui sont des compagnons de route des Indigènes de la République, un mouvement qui soutient le Hamas, je peux vous citer des gens comme Éric Fassin ».
Je l’ai souligné : cette déclaration mensongère me met en danger. En particulier, après la mort de Samuel Paty, un ancien néo-nazi m’avait menacé de décapitation (il a depuis été condamné). Or ce matin-là, les journalistes de France Inter laissent dire sans la moindre contradiction, ni même une simple question. Pire, le journal de 13h choisit de reprendre ces phrases, sans aucun commentaire, et sans prendre la peine de me solliciter pour réagir. D’ailleurs, à ce jour, aucun journaliste de Radio France ne m’a contacté à ce sujet, ni professionnellement, ni personnellement.
Depuis, je l’ai déjà raconté, j’ai sollicité à deux reprises un droit de réponse de Radio France, qui me l’a refusé à deux reprises, le 20 octobre puis le 20 novembre : « votre demande ne répond pas aux conditions de recevabilité qui sont requises par les textes légaux et réglementaires » ; elle a pourtant été relue par un avocat.
Même l’explication de ce refus m’est refusée : « Nous tenons à vous préciser que notre réponse s’inscrit dans le respect des dispositions du Décret n°87-246 du 6 avril 1987 qui nous impose simplement de vous indiquer la raison pour laquelle votre demande ne peut être acceptée. » La raison pour laquelle mon droit de réponse est rejeté, c’est qu’il ne serait pas recevable !
Le 2 décembre 2023, j’ai donc saisi l’ARCOM (l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). Après l’alerte, « à la fin de l’instruction, celle-ci vous informe de la suite donnée à votre plainte au regard du cadre juridique de l’audiovisuel ». Le 8 avril 2024, j’ai reçu cette réponse : « L’Autorité vous informe qu’elle ne peut intervenir auprès de la station dès lors que l’appréciation du caractère diffamatoire, le cas échéant de propos diffusés, de même que les conditions d’exercice du droit de réponse, relèvent de la compétence naturelle du juge judiciaire. »
À aucun moment je n’ai utilisé le mot « diffamation ». Reste que, d’après son site, l’ARCOM « veille au respect, par les médias audiovisuels, des règles applicables notamment en matière […] d’honnêteté et de rigueur dans le traitement de l’information ».
Pour une plainte en diffamation, le délai de prescription est de trois mois : il aurait donc fallu déposer plainte avant le 14 janvier. Il est trop tard. L’accusé de réception du 2 décembre livre une autre information sur le calendrier. En petits caractères, on peut lire : « En droit, si l’Arcom ne s’est pas prononcée dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de votre alerte, celle-ci devra être considérée comme implicitement rejetée. Si vous souhaitez contester cette décision de rejet implicite, vous disposerez alors d’un délai de deux mois pour saisir la juridiction administrative de droit commun. » Il n’est donc plus temps de la contester.
Reste un dernier recours : le Conseil de déontologie journalistique et de médiation : « le CDJM examine les atteintes supposées aux bonnes pratiques journalistiques dans le texte ou les images d’un article imprimé ou en ligne ou d’une émission audiovisuelle d’information. » Je découvre qu’un Twitto, @MichelDavesnes, l’a saisi en vain : « Madame Fourest n’était pas invitée en tant que journaliste » (elle avait pourtant été présentée comme telle).
Le vice-président du CDJM, Yann Guégan, lui répond le 8 janvier : « Un conseil de déontologie ne se mêle pas de la libre expression des journalistes quand ils sont invités par une radio ». Comme je soulignais que mon billet de blog portait, « non sur l’intervention de la journaliste, mais sur le “non-droit de réponse” », il m’a répondu que c’est « une obligation légale, et non une règle déontologique ». « Et le fait de reprendre dans le journal de 13h une accusation présentée comme une information, mais sans aucun éclairage, et sans solliciter la personne accusée, ne relève pas non plus de la déontologie journalistique ? » Le vice-président m’a alors répondu : « vous pouvez saisir le CDJM ». Je l’ai saisi le jour-même. Depuis l’accusé de réception, ce même 8 janvier, il y a donc plus de 6 mois, je n’ai pas eu de nouvelles.
En conclusion, Caroline Fourest peut dire n’importe quoi sur France Inter. Les journalistes la laissent dire. L’ARCOM déclare qu’elle n’est pas concernée. Même le Conseil de déontologie journalistique et de médiation semble avoir mieux à faire. J’aurais sans doute pu poursuivre Caroline Fourest en justice.
Mais, depuis le début, ce qui m’importe, c’est la responsabilité du service public. Et pour cela, il n’y aucun recours.
Aurais-je dû contacter la médiatrice de Radio France ? J’y ai renoncé après avoir découvert que, sous la rubrique « les Grandes thématiques des auditeurs », le 11 janvier 2024, celle-ci relaie de longs messages qui tous s’indignent que France Inter donne « la parole à un soi-disant universitaire, visiblement de la mouvance wokiste ». C’était après la rediffusion d’un épisode d’Affaires sensibles, en 2022, sur Diam’s et le voile : « Vous laissez dire des choses vraiment graves, vous laissez cet individu réécrire l’histoire et tenir des propos scandaleux. Comment en êtes-vous arrivé à dérouler le tapis rouge à un promoteur de l’islamisme, de l’Islam politique, des frères musulmans, entre autres… !! »
La médiatrice choisit de livrer sans commentaire de virulentes attaques anonymes (ou anonymisées) contre ma personne (nommément) comme j’y suis déjà exposé sur les réseaux sociaux. De nouveau, en quoi s’agit-il d’une mission de service public ?
Tout cela revient, j’en ai peur, à un choix politique, dont la légion d’honneur remise par Emmanuel Macron me paraît donner la clé aujourd’hui.