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En Turquie, les Universitaires pour la paix sont happés dans l’engrenage d’une répression qui ne cesse de s’amplifier. Au point de départ, il y a une pétition, rendue publique en janvier 2016, contre la violence d’État qui commençait à frapper aveuglément dans les villes kurdes du pays : 1128 universitaires ont alors protesté contre la violation des droits élémentaires des populations civiles. Devant la réaction brutale du régime, ils allaient être presque aussi nombreux à les rejoindre dans les semaines qui ont suivi : au total, ils sont depuis lors 2212. Après les menaces du président Erdoğan, sont tombés au fil des mois de multiples décrets privant des dizaines de milliers de fonctionnaires de leur emploi et, le plus souvent, de leur passeport. Puis a débuté la longue litanie des procès qui visent en particulier les universitaires : à ce jour, 739 d’entre eux, accusés de « propagande pour une organisation terroriste », ont fait l’objet de poursuites.
Ces procès politiques débouchent toujours sur une condamnation ; mais jusqu’à récemment, les juges ont infligé des peines avec sursis, à condition toutefois de ne pas commettre de nouveaux « crimes », c’est-à-dire en premier lieu de renoncer à leur liberté d’expression. Or ce n’est plus le cas. Les peines s’alourdissent, entraînant la prison ferme : Gencay Gürsoy, médecin à la retraite et grande figure du combat pour les droits humains, a le premier été condamné en décembre 2018 à 27 mois de prison ferme. Il y a quelques jours, c’est Noémi Levy-Aksu, une historienne française vivant et enseignant en Turquie avant d'être licenciée par son université, qui s’est vu infliger 30 mois de prison ferme pour avoir signé la pétition pour la paix. Sur 194 universitaires déjà condamnés, 35 ont reçu une peine de prison ferme.
La mécanique de la répression continue de broyer les résistances. Depuis le 8 mai, une professeure de science politique à la retraite de l’Université Galatasaray, Füsun Üstel, est la première universitaire pour la paix à se retrouver derrière les barreaux. Le 11 mai, c’est le mathématicien Tuna Altinel, maître de conférences à l’Université Lyon-1, dont le passeport avait été confisqué à Istanbul un mois plus tôt, qui a été incarcéré à son tour pour avoir participé en France à un débat sur la répression en Turquie. Autrement dit, la nationalité française ou le statut de fonctionnaire en France ne suffisent même plus à protéger les Universitaires pour la paix.
En Turquie, avec l’aide de la justice qui est son bras armé, le régime veut réduire toute critique au silence : c’est tout l’enjeu de la chasse aux signataires. C’est pourquoi, solidaires de nos collègues menacés, poursuivis et maintenant emprisonnés, nous refusons de nous taire. Nous interpellons les autorités françaises et européennes en criant notre inquiétude. Loin de s’apaiser, la dérive autoritaire ne cesse de s’aggraver en Turquie. Aux portes de l’Europe, les libertés démocratiques agonisent. Avec les Universitaires pour la paix, nous protestons pour réaffirmer, que la liberté d’expression est un droit fondamental, là-bas comme ici. Il est urgent de réagir, pour nos collègues et pour nous-mêmes.
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Samedi 15 juin, place de la Sorbonne, une réunion publique organisée par l’association Solidarité avec les Universitaires pour la paix - Défense des droits humains en Turquie (Sup-ddht) avec le soutien d’Amitié kurde, du PCF et de la Société des agrégés, et les prises de parole, pour chacune de ces organisations, respectivement, de Selim Eskiizmirliler, Engin Sustam, Pierre Laurent et Blanche Lochmann, ainsi que d’Igor Babou, Pascale Laborier et Joëlle Le Marec qui ont donné lecture de ce texte.

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