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Billet de blog 1 avril 2014

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Les bases encore fragiles d’une résolution pacifique en Ukraine

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après des mois de conflit interne ayant opposé Ukrainiens proeuropéens et partisans du régime russe, les contours d’une solution diplomatique semblent se dessiner au lendemain d’une entrevue entre les ministres des affaires étrangères américain et russe. S’il faut se réjouir de la volonté pacifiste clairement affichée des deux acteurs, l’issue de la crise est encore toutefois bien incertaine.

Le 16 mars 2014 est une date dont l’Ukraine se souviendra assurément. Comme tout événement majeur dans la construction – ou la déconstruction – d’un Etat, le référendum intervenu ce jour-là en Crimée, petite péninsule au sud du pays, n’a pu laisser d’indifférents. Parce que l’annexion conséquente de cette région par Moscou a été entérinée et reconnue par la Russie et elle seule, le monde – et surtout l’Ukraine – était en droit de redouter une escalade au conflit armé, alors que des troupes russes sont massées aux frontières de l’ex-République soviétique.

Vers une résolution diplomatique de la crise

Les soldats ukrainiens basés en Crimée ont d’ailleurs commencé à fuir la région, leurs homologues russes ayant commencé à investir la péninsule, maintenant en détention certains militaires ukrainiens. Après des semaines d’escalade, un premier pas vers une issue pacifique de la crise a été fait par le président russe, Vladimir Poutine, qui a appelé son homologue américain Barack Obama vendredi 28 mars pour tenter d’y apporter une résolution diplomatique. Non sans rappeler le recours au fameux « téléphone rouge » durant la Guerre Froide, cet entretien téléphonique entre les deux présidents a semble-t-il servi de point de départ à un dialogue diplomatique autour de la sortie de crise en Ukraine.

Ainsi a-t-il été décidé d’un entretien entre les ministres des affaires étrangères américain et russe dans la soirée du dimanche 30 mars à Paris. Entretien au cours duquel, pendant près de quatre heures, les parties ont cherché à faire retomber la pression autour de l’Ukraine. Et si John Kerry, chef de la diplomatie américaine, a mentionné – et réaffirmé le point de vue de Washington – lors d’une conférence de presse séparée l’action « illégale et illégitime » de la Russie en Crimée, l’entrevue a tout de même été qualifiée de « constructive » par les parties.  « Les Etats-Unis et la Russie ont des divergences d'opinion sur les événements qui ont mené à cette crise, mais nous voulons tous les deux reconnaître la nécessité de trouver une solution diplomatique tout en répondant aux besoins du peuple ukrainien », a-t-il ajouté.

Fédéralisme ou décentralisation ?

Lors de sa conférence de presse, Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères russe, a donné la parfaite réplique à son homologue américain et confirmé ses propos. Il a en effet évoqué les « positions divergentes » qui existaient mais également la nécessité d’un « règlement diplomatique » de la crise. Seule ombre au tableau : les deux parties semblent en désaccord sur la structure étatique que devrait adopter l’Ukraine afin de satisfaire ses minorités.

Alors que M. Lavrov a fait part de la volonté de Moscou de fédéraliser son ancien satellite (lire sur ce point « Le fédéralisme, cheval de Troie de la stratégie russe en Ukraine »), le premier ministre ukrainien intérimaire Arseni Iatseniouk, soutenu par les Occidentaux au premier rang desquels la France, préfère envisager une décentralisation de l’Ukraine, afin d’apaiser les tensions séparatistes qui règnent dans le pays. Cette divergence constitutionnelle laisse à penser que les discussions entre les parties au litige seront âpres et tendues, mais il faut se féliciter de la résolution pacifique qui se dessine.

Comme très souvent en matière de relations internationales, la résolution de la crise ukrainienne est maintenant soumise au bon vouloir des diplomaties parties au litige. Les Etats-Unis et la Russie, par le biais de leur ministre des affaires étrangères respectifs, doivent confirmer le début d’entente affiché dimanche soir à Paris à l’occasion de leur rencontre. Il est primordial que ces deux (ex-) Grands maintiennent le dialogue et le fasse prospérer, en y associant le plus souvent possible les principaux intéressés. Autrement, le monde basculerait à nouveau dans la bipolarité qu’il a connue pendant la seconde moitié du 20ème siècle. S’il est cependant encore trop tôt pour parler d’un renouveau de la Guerre Froide, celle-ci est en effet bien présente dans tous les esprits. Messieurs Kerry et Lavrov, le monde unipolaire vous regarde. Rassurez-le.

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