Une polémique biaisée
Au cœur de la polémique, l’entrée de la Palestine le 31 Octobre 2011 en tant que nouveau membre de l’Unesco. Sur 194 membres à avoir participé au vote, 107 étaient pour l’entrée de la Palestine, 14 étaient contre, et 52 membres se sont abstenus. La quasi-totalité des pays arabes, africains et latino-américains se sont prononcés pour l’adhésion de la Palestine. À la surprise générale, la France a aussi répondu favorable, de même que la Russie et la Chine.
Certains se sont insurgés en voyant dans l’adhésion de la Palestine un début de reconnaissance politique du territoire palestinien. Les prémices, peut-être, de sa légitimité étatique. S’en est suivie la lourde sanction américaine. En effet, tenus par deux lois datant du début des années 90, les Américains ne peuvent subventionner une agence spécialisée des Nations Unis qui accepterait la Palestine en tant qu’État membre à part entière en l’absence d’accord de paix avec Israël. La situation, délicate, a donc obligé les Etats-Unis à retirer leurs contributions budgétaires à l’Unesco. Israël a suivi.
Que l’Unesco soit soupçonnée d'être le centre de desseins politiques douteux est intolérable. Beaucoup ont oublié la vocation apolitique et surtout universaliste de l’Institution. Bien que l’Unesco soit partenaire de l’ONU, ses décisions sont indépendantes de l’organisation. Il est important de rappeler que l’objectif de l’Unesco est de « contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant par l’éducation, la science et la culture la collaboration entre nations ». C’est à ce titre que la Palestine est devenue membre de l’Institution. Au nom de quoi, la région n’aurait-elle pas droit à la protection de son patrimoine historique et culturel ?
Une occasion de s’orienter vers la paix ?
Si l’attribution du mot « nation » est encore disputée à la Palestine, cela ne veut néanmoins pas dire qu’il faut oblitérer l’ensemble du territoire. Par ailleurs, Wikileaks dévoilait en 2011, un document dans lequel Benjamin Netanyahou, le premier ministre israélien, avant son élection, assurait au gouvernement américain sa volonté de paix avec la Palestine. Pourquoi ne pas saisir l’opportunité qu’offrait l’entrée de la Palestine à l’Unesco - un cadre non politique – pour faire un pas vers la paix ? Israël comptait « peser ses réactions à ce vote au niveau diplomatique et politique en tenant compte de ses intérêts ». Retirer sa contribution à l’Unesco est une façon plutôt radicale de peser sa réaction...
Les critiques qui accusent l’Unesco de stratégies politiques après l’adhésion de la Palestine au sein de son organisation nagent en plein paradoxe. Elles ne mesurent pas à quel point l'institution, au contraire, s'est écartée de toute logique politicienne en prenant cette décision.
D’une part, l’adhésion de la Palestine n’a pas été arbitraire puisqu’elle a réuni une majorité d’opinions favorables à son entrée. D’autre part, l’Unesco aurait bel et bien été un organisme politiquement influençable si elle s’était pliée aux sommations américaines. En n’y cédant pas, Irina Bokova ne s’est pas assujettie à la menace financière qui planait au-dessus de l’Institution. C’est un vrai tour de force, quand on sait que l’Unesco s’est exposée à des conséquences pécuniaires dramatiques.
Des détracteurs décentrés du vrai débat
En suspendant leurs contributions, les Etats-Unis et Israël ont sans doute voulu punir l’Unesco d’avoir fait un choix qu’ils n’ont pas consentis. Pourtant, ce sont les bénéficiaires du programme de l’Unesco qui auraient pu être lésés, notamment les enfants qui jouissent du programme éducatif dans des zones peu développées.
Effectivement, des réformes ont du être instaurées et le personnel réduit. Mais en réunissant 75 millions de dollars de fonds d’urgence pour faire face à la crise, la mise en œuvre du programme de l’Unesco a pu être difficilement préservée. Ce programme qui, on le rappelle, a pour objectif de « promouvoir la diversité culturelle, le dialogue interculturel et une culture de la paix».
Un dessein souvent négligé par les détracteurs de l’Unesco qui se sont emportés dans une hystérie frénétique et politique en diabolisant les choix de l’organisation, mais qui en réalité, se sont décentrés du vrai débat. Irina Bokova, malgré de lourdes difficultés, a su maintenir le bateau à flot. En la réélisant massivement dès le premier tour, le 4 octobre dernier, les électeurs de l'Unesco ne s'y sont pas trompés.
Eric Freymond