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Billet de blog 15 octobre 2013

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L’Italie restera-t-elle seule face à l’équation quasi insoluble de l’immigration clandestine ?

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Les nouvelles ne sont guère positives pour les quelques milliers d’immigrés clandestins qui tentent chaque année de traverser la Méditerranée à bord d’embarcations vétustes et surchargées. Les deux naufrages de ce début octobre montrent à quel point il faut réagir vite, mais, surtout, à quel point il faut qu’encore une fois l’Europe s’empare du problème sérieusement.

Et pendant que les autorités européennes discutent sur le pourquoi du comment de l’immigration clandestine, les naufrages se poursuivent et les conditions d’accueil en Italie ne sont pas à la hauteur. Comment pourraient-elles l’être ?

Près de 400 morts durant le seul mois d’octobre

Octobre a été particulièrement meurtrier pour les immigrés. Les deux premières semaines ont vu deux naufrages qui ont totalisé 389 morts selon le bilan provisoire dont 339 pour le premier naufrage et 50 pour le second. Mais le bilan aurait pu être bien plus lourd, les autorités ayant pu sauver la grande majorité des quelque 200 clandestins du second naufrage, car les secours étaient déjà sur le « qui-vive » n’ayant pas encore terminé la récupération des corps du naufrage précédent.

Heureusement pour d’autres, dont on parle moins dans les journaux télévisés étrangers, le voyage s’est bien terminé. Près de 500 personnes ont été secourues dans le canal de Sicile entre les deux naufrages. Et un millier environ un mois avant, début septembre. La situation devient donc critique pour les autorités italiennes qui ne savent vraiment plus où donner de la tête ni comment gérer la situation.

Depuis le début de l’année, les chiffres de l’immigration clandestine ont explosé : plus de 10 000 personnes ont débarqué d’Afrique dont 6 000 dans les deux premiers mois de 2013. En comparaison, en entre janvier et février 2011, 14 personnes avaient débarqué clandestinement en Italie.

Cette situation a entraîné la décision, en février 2013, de lancer l’opération « Hermès » qui devrait tenter de comprendre d’où viennent ces immigrés afin de réduire l’ampleur du problème à la source.

Frontex : une réponse de l’UE à l’immigration... sans fonds propres !

L’Union européenne a, au sein de ses dizaines d’organisations et services, un service dédié à l’immigration clandestine et au contrôle des frontières. Il s’agit de Frontex, une agence bien peu connue du grand public qui s’est retrouvée sur le devant de la scène après le naufrage de Lampedusa qui a ému l’Europe entière. Une émotion quelque peu hypocrite, car des annonces de centaines de naufragés décédés sont assez régulières dans les médias italiens.

Mais Frontex n’a pas de fonds propres. L’agence est totalement dépendante du budget des Etats membres ce qui a entraîné une large baisse au cours de ces dernières années. Crise économique oblige, les coupures dans les finances des Etats ont entraîné une coupure dans les finances de l’agence de lutte et de compréhension de l’immigration clandestine. Frontex a d’ailleurs dû « racler les fonds de tiroirs » pour fournir à l’Italie une rallonge de 2 millions d’euros pour la lutte et la prévention de l’immigration. Ce doit être bien la première fois que 2 millions d’euros de fonds sont un effort considérable pour une agence européenne, le budget de l’UE étant de 132,8 milliards d’euros en 2013.

Coïncidence néfaste pour les immigrés qui sont de plus en plus nombreux à vouloir quitter l’Afrique du Nord. Difficile de penser que l’augmentation des tentatives d’immigration clandestines de ces dernières années est directement liée à la baisse du budget de Frontex. La raison est ailleurs : elle est dans les mouvements populaires d’Afrique du Nord qui entraînent la fuite de certaines personnes qui cherchent une terre plus accueillante.

La prise de conscience du problème survient des centaines de morts

Il aura fallu que 400 personnes perdent la vie en moins d’une semaine au large de la Sicile pour que les grands de ce monde se rendent compte du problème et se décident à trouver une solution. Ou plutôt, « décident de se rencontrer pour discuter de ce que pourrait être une solution », ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Le problème est complexe, mais il a surtout été laissé délaissé ces dernières années. Les solutions, elles, sont tout aussi compliquées : la plus étudiée et la plus pressentie serait de présider les cotes libyennes d’où, selon les informations des experts, partent la plupart des embarcations des clandestins ? Difficile toutefois à mettre en œuvre…

Il n’en reste pas moins vrai que Manuel Barroso, actuellement à la présidence de l’Union Européenne, Cecilia Malstrom, commissaire européen aux Affaires Internes, et les chefs politiques italiens se sont rendus à Lampedusa pour visiter les centres d’accueil où les conditions de vie sont particulièrement dures. Les Italiens les comparent souvent à des prisons, voire même à Guantanamo, la torture en moins.

Même les ONG commencent à s’inquiéter du sort de ces clandestins qui, une fois sur le territoire italien, sont enfermés. Save The Children a d’ailleurs fait savoir qu’elle était indignée pour « les conditions inhumaines » avec lesquelles sont accueillis les enfants clandestins en Italie. Il est temps de trouver des solutions viables et respectueuses de la personne humaine. 

Eric Freymond

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