Mort de cordistes à répétition : lettre ouverte au syndicat patronal

Chers membres de France Travaux sur Cordes,

Médusés par votre silence assourdissant, nous tenons à porter à votre connaissance quelques faits qui ont émaillé notre profession, accessoirement votre profession, ces derniers mois.

• Le vendredi 3 juin 2022, Benjamin Nogue décédait dans un éboulement en Nouvelle Calédonie.
• Le mercredi 26 octobre 2022, Jérôme Aubert était emporté par le décrochage d’une paroi rocheuse.
• Le mardi 3 janvier 2023, Sébastien Gibouin faisait une chute mortelle de 15 mètres.
• Le mardi 7 mars 2023, Mikel Duhalde périssait enseveli dans une cheminée industrielle. Enveloppé dans un linceul de suie.

4 morts en 10 mois !!

Selon vos propres données chiffrées, au sein du métier les équivalents temps plein atteignent péniblement les 6000 cordistes.

Nous ne sombrerons pas dans d’insupportables comptes d’apothicaires. Sortez vos calculatrices.

Et vous constaterez que cette liste macabre, érigée en si peu de temps, explose les taux de mortalité au travail connus dans ce pays. Toutes professions confondues.

Vous vous prétendez représentatifs du métier.

Depuis plusieurs décennies, vous en organisez la formation, les référentiels. Seuls. Loin de toute concertation. Ignorant les partenaires sociaux. Méprisant les travailleurs cordistes.

À ces titres, vous êtes, seuls, les garants de la sécurité des ouvriers cordistes. Qui plus que jamais crèvent sur les chantiers.

La terrible réalité nous frappe plus durement à chaque drame. Plus durement à chaque deuil.

Nous sommes fatigués d’assister aux obsèques des collègues.

Fatigués de soutenir leurs proches.

Fatigués d’organiser des cagnottes.

Auxquelles vous ne versez pas un centime.

Alors que vous devriez avoir cette moindre décence de restituer aux familles les droits d’inscription à un CQP qui n’a pas su prémunir les victimes d’une mort atroce.

Quelle est votre prise de position publique, officielle, face à cette hécatombe ?

Quel bilan tirez-vous de votre incapacité à l’enrayer ?

Quand daignerez-vous répondre favorablement à nos innombrables sollicitations visant à mettre à place des mesures de prévention ?

Pour rappel, quelques exemples, ou plutôt, un inventaire à la Prévert (non exhaustif) de vos inactions :

• Abandon du projet de mise en place d’une plateforme collaborative de recensement des accidents.
• Fin de non-recevoir face à nos légitimes questions sur les données partielles que vous publiez.
• Renoncement à solliciter, à nos côtés, l’établissement d’un code APE spécifique à la profession.
• Silence à la suite de notre alerte concernant l’utilisation des cartouches pyrotechniques P2 (dont les manipulations ont fait un mort et un blessé grave dans la profession), pourtant reprise à son compte par le Ministère du travail, et diffusée dans toutes les antennes de l’inspection du travail de France.
• Non prise en compte de notre alerte sur les risques liés aux chutes de blocs rocheux.
• Retrait du groupe de travail visant à la publication d’une brochure sur les risques silos et milieux confinés. Reniement qui prend une bien triste résonance à l’aune de ce nouvel accident survenu en milieu confiné.

À nos questions, vous n’opposerez que silence, ou langue de bois et couplets entrepreneuriaux teintés de fatalisme.

Et vous nierez éhontément toute responsabilité. C’est pitoyable.

Votre indifférence n’égale que votre incompétence.

Il est grand temps que d’autres acteurs viennent pallier les carences dont vous faites preuve depuis trop longtemps. Pour le bien des travailleurs.

Pour leur vie.

                                L’association Cordistes en colère, cordistes solidaires