D’où viennent-ils ces enfants ? De quelle solitude ? De quelle détresse ?
Cette détresse pudique, noyée sous les rires. Sous le flot des mots. Des mots simples. Des mots justes.
Le petit théâtre de leur vie prend des airs de paradis. La grande maison centenaire les abrite. La pierre contient leurs tourments. A proximité, les arbres les protègent du soleil brûlant.
Aujourd’hui, c’est un peu l’été en plein moi de mai. Dehors nous tend les bras. La journée sera buissonnière. La ville toute proche nous appelle. Marie-sans-chemise ne frissonne pas. Elle nous regarde passer, amusée, sur le chemin de la cathédrale, divinité gigantesque. Quelques-uns s’y engouffrent. Perdus dans la masse des touristes.
Au retour, un oiseau mort sur le perron de la grande demeure. Il a dû voir dans la porte vitrée l’immensité du ciel se refléter. Il s’y est élancé, plein de confiance, aveugle au mirage. Un signe ? Un avertissement ? Parfois, les journées buissonnières portent en elles plus d’enseignements que les journées d’école.
D’où viennent-ils ces enfants ? De quelle douleur ? De quel passé ?
On a peine à le deviner. Tant leur vie bouillonne. Une vie un peu brouillonne. Mais surtout pas un brouillon de vie.
Forts de leur confiance. En ceux qui la mérite. En eux-mêmes.
Forts de l’amour qu’ils donnent sans compter. Qu’ils savent recevoir, qu’il vienne de loin, ou à proximité.
D’où viennent-ils ces enfants ? De quel voyage ? De quel courage ?
On ne le sait que trop.
Aujourd’hui, c’est un peu l’été dans leur existence. La vie se fait douce.
Les glaces aux couleurs chatoyantes dégoulinent le long des cornets. Tachent les doigts. Les arômes exotiques colorent les langues. Et les délient.
La joie se lit sur les visages. Une joie en partage. Elle habite chacun, comme dans un souci d’équité.
Où vont-ils ces enfants ? Vers quels rêves ? Vers quelle destinée ?
On les retrouvera un jour cuisinier, acteur, footballeuse, chanteur, sage-femme, esthéticienne, éducatrice, commentateur sportif…
C’est drôle, vous avez remarqué ? Pas un policier. Pas un militaire. Pas un banquier. C’est beau, vous avez remarqué ?
Et toujours, la vie qui va, la vie qui vient.
Quelques pas de danse. Un kebab de temps en temps.
Des petits riens.
Une dent qui bouge, et qui ne veut pas tomber. Un problème d’enfant, sur un corps d’enfant.
Et du moins bien.
Un passé un peu trop lourd, et qui ne peut pas s’oublier. Une peine de grand, pour une âme d’enfant.
Et cette phrase, comme un rappel.
Comme un appel de ces petits déjà trop grands : « Papa, tu me manques. »

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Avec : Enzo, Soledad, Sam, Makan, Florient, Issa, Mamiki, Christeivie, Maelysse, Youssouf, Coralie, Amandine, de la MECS François Libermann à Amiens. Shainesse, stagiaire. Leslie, Apprentis d’Auteuil. Justine, stagiaire au Sava. Drousilia, du Sava.
Grand merci à Valérie et Coralie, éducatrices.
Et au Cardan.