
Poursuivant un travail engagé avec Coloniser. Exterminer et La République impériale (2005 et 2009 chez Fayard), Olivier Le Cour Grandmaison[1] s'impose une nouvelle fois avec son livre sur le Code de l'indigénat comme un auteur majeur sur les questions coloniales, doublé d'une plume sobre et remarquable.
Passionnant et précis, ce livre consacré au Code de l'Indigénat et, plus généralement, au droit colonial des possessions françaises sous la Troisième République. Internement administratif, responsabilité collective appliquée à des tribus entières, Code de l'indigénat adopté en 1875 sont les principales dispositions répressives dans l'Algérie coloniale, parfois en vigueur jusqu'en 1945. Bien connus des hommes politiques et des juristes les qualifiant de « monstres » juridiques en raison de leur caractère exorbitant, ces mesures et ce Code publiés pour la première fois et brillamment commentés sont constitutifs d'un racisme d'État longtemps théorisé et pratiqué.
Exportés en raison de leur efficacité sous des formes diverses dans les autres territoires de l'Empire, « c'est ainsi que l'exception politique et juridique est devenue la règle », écrit l'auteur. S'y ajoutent le travail forcé et l'esclavage domestique prospérant avec l'aval des autorités françaises. Étudier les principes de cette législation coloniale trop souvent ignorée, leurs conséquences pour les « indigènes » privés des droits et libertés démocratiques élémentaires et soumis à de nombreuses dispositions discriminatoires, tels sont les objets de ce livre. Sommes-nous complètement affranchis de ce passé ? « Hélas non » répond l'auteur, citant nombres d'exemples qui prouvent que des mesures toujours en vigueur - le délit de solidarité et la responsabilité collective par exemple - ont des origines coloniales.
Éric Michel
De l'indigénat. Anatomie d'un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l'empire français, par O. Le Cour Grandmaison, La Découverte/Zones, 2010. 16 €.
[1] L'auteur, qui enseigne les sciences politiques à l'université d'Évry et au Collège international de philosophie, est l'initiateur du collectif « D'ailleurs nous sommes d'ici ».