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Billet de blog 13 juillet 2023

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La Liberté de la Presse : vraie ou fausse priorité pour l’Europe ?

La Commission Européenne ne rejette pas le principe d’une auto-saisine sur les aides discriminatoires apportées à la presse, mais considère qu’il est [plutôt] urgent d’attendre !

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Quand un citoyen constate une infraction ou un délit, il lui arrive de se rendre dans un commissariat pour en rendre compte. Bien souvent, on le remercie, on prend on compte son témoignage et on lui dit que cette affaire ne fait malheureusement pas partie des priorités de la police.

D’une certaine façon, la réponse que la Commission Européenne a apporté à la demande d’auto-saisine sur les infractions commises dans le système de distribution de la presse (cf https://blogs.mediapart.fr/eschwartzenberg/blog/040723/presse-quand-leurope-ferme-les-yeux) peut se comparer à celle faite par commissariat.

« Soyez assuré que, comme déjà communiqué, que la Commission a enregistré les renseignements transmis par vos sons comme des informations générales relatives au marché, écrit Krzysztof Kuik, chef d’unité, au nom de Margrethe Vestager, Vice-Présidente Exécutive. Toutefois, « la Commission décide de s’auto saisir selon ses priorités ».

Le policier du commissariat n’aurait pas dit autre chose. Les informations que vous m’avez transmises ne sont pas contestables, mais nous ne pouvons pas les traiter actuellement. Leur fiabilité ne peut être contestée, puisqu’elles émanent de la Cour des Comptes et du Sénat, des institutions qui font autorité. La Commission Européenne les reconnaît donc, mais elle choisit d’attendre, et de traiter l’affaire lorsqu’elle le jugera utile, « selon ses priorités »

Rappelons que la demande d’auto-saisine porte sur une infraction caractérisée et reconnue du système de distribution de la presse française. L’Etat français soutient financièrement et participe à l’exploitation de la société de messageries qui distribue les quotidiens nationaux, sans rien verser au système concurrent.

Toutes les autres publications et magazines ne bénéficient donc  pas d’une telle aide pour leur distribution qu’ils payent, en conséquence, plus chère. Il n’est pas anodin de relever que le Journal du Dimanche, sur lequel Vincent Bolloré veut imposer un directeur de la rédaction contre l’opposition quasi unanime de la rédaction qui risque son éviction, bénéficie de cette aide publique. L’État a en effet pris la fâcheuse habitude de soutenir les titres de presse détenus par les acteurs dominants du marché, à savoir les milliardaires français.

Les pouvoirs publics portent constamment atteinte au pluralisme de la presse, au travers d’aides fléchées au profit des grandes fortunes. Garantir la liberté de la presse est devenue une priorité qui doit être prise en compte de toute urgence.

La liberté de la presse, mère des libertés 

En effet, qui pourra comprendre que la Commission Européenne présidée par Ursula Von der Leyen ait décidé d’inscrire comme priorité de son mandat « la protection des citoyens et de leurs libertés » et qu’elle considère la presse, première des libertés publiques, comme une priorité secondaire. 

Il fallait donc écrire une nouvelle fois à  Margrethe Vestager, Vice-Présidente Exécutive, ainsi qu’à son chef d’unité, pour leur dire que «  la Commission Européenne a inscrit la protection des citoyens et de leurs libertés comme une des priorités à accomplir d’ici la fin de son mandat en 2024 » et que l’on attend d’elle  qu’elle «ouvre le dossier des aides publiques discriminatoires accordées à la presse française d’ici là ».

 « Personne ne peut douter que la liberté de la presse, consacrée comme la mère des libertés par la Cour Européenne des droits de l’homme, soit une priorité première pour la Commission »

Dans cette perspective, la Commission, « désormais informée du contexte général du marché de la presse et dans l’attente de son auto-saisine devrait  prendre des mesures conservatoires au profit d’ éditeurs indépendants », qui ont du mal à survivre . Faute de quoi elle se retrouvera accusée d’avoir, par son inaction, laisser perdurer un système qui porte atteinte à notre démocratie au travers de moyens illégaux. 

Nécessaires mesures conservatoires

La presse, très largement contrôlée par les groupes économiques les plus puissants, pourrait avant la fin du mandat de la Commission, le devenir  intégralement sous leur coupe. L’État français ne soulèvera pas cette question car c’est lui, au travers d’aides discriminatoires bénéficiant aux plus puissants,  qui participe de cette régression démocratique. Les éditeurs indépendants redoutent de porter plainte car ils craignent, comme dans un monde mafieux, de faire les frais de leur contestation. Ils se souviennent que certains d’entre eux avaient reçu des menaces du CIRI, le bras armé économique de Bercy et Matignon, quand ils avaient traîné des pieds pour financer ce système d’aides pervers.

La question de la survie d’une presse démocratique française se retrouve de fait transférée sur les épaules de l’Europe.  Madame Vestager va-t-elle donner l’ordre à ses équipes d’ouvrir le dossier?  En refusant de valider la fusion entre Hachette et Editis, en s’apprêtant à sanctionner le groupe Bolloré pour avoir dirigé le groupe Lagardère avant d’en avoir obtenu l’autorisation par Bruxelles, l’Europe a démontré qu’elle pouvait surprendre. Le fera-t-elle de nouveau en ouvrant une enquête sur le système des aides publiques françaises versées à la presse ? Avant qu’elle ne soit totalement détenue par nos oligarques…

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