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Billet de blog 8 avril 2016

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Réflexions sur le travail à l'ère de la révolution numérique. Partie 1

Espaces marx lance une série d'articles intitulée "Réflexions sur le travail à l'ère de la révolution numérique". Nous vous proposons ici la première partie, "Uber et les robots : sortir du déterminisme technologique." par Yann Le Lann, président d'Espaces marx

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Uber et les robots : sortir du déterminisme technologique.

L’Institut Montaigne, dans son rapport Big data et objets connectés1, conclue ses analyses en soutenant que «Structures techniques et structures sociales sont toujours intimement liées, et l’adoption d’un système technique entraîne souvent l’adoption d’un système social correspondant ». Cette proposition n’est pas en soit problématique. L’influence de mutations technologiques sur la société est évidente. Aujourd’hui, sa transformation, de l’activité et des modes de valorisation du travail par les applications numériques relève d’un constat partagé par l’ensemble des forces sociales. La possibilité de coordonner l’activité des « travailleurs isolés» par des applications, engendre une déstabilisation partielle de la forme de travail.

Pourtant, si l’influence des dispositifs techniques produit une évidente déstabilisation de cadres salariaux, les rapports comme ceux de l’institut Montaigne, tendent à considérer ce surcroît de concurrence entre les travailleurs comme la conséquence inévitable des mutations technologiques. Le retour de cette forme de déterminisme technologique, qui voit dans les applications le vecteur exclusif d’une société d’approfondissement de la marchandisation, est problématique. Le rapport Roland Berger2, fait d’ailleurs le même type d’erreur sur la robotisation. Arguant que le développement de la robotisation pourrait détruire à 20 ans 47 % des emplois, il suppose que seule la proposition d’un revenu minimum universel permette aux populations « sans emploi » d’encaisser ce choc. Sans plus d’explication, ce type de rapports postule que la numérisation de l’économie provoquera nécessairement un renforcement de la concurrence entre travailleurs/euses et le retour à des formes d’assistance. La mutation technologique en cours, engendrerait nécessairement une société écartelée entre le salariat de la compétence et « les inutiles » survivants à grand renfort de subventions publiques.

Face à cette forme réductrice du déterminisme technologique, les forces sociales peuvent affirmer que le progrès numérique n’implique aucune fatalité. Une déconstruction des formes de valorisations du travail est bien en cours mais elle correspond aussi à l’ouverture d’un nouveau champ de luttes. L'activité nécessaire à la mise en œuvre des applications ne peut continuer à être valorisé par une sur-rente, comme c’est le cas pour les serveurs généralistes comme Google, ou les applications spécialisées comme Uber ou Booking. Ces derniers profitent de leur position de quasi-monopole pour amener vers eux des ressources qui ont été produites par l’ensemble des travailleurs/euses. Les modes de valorisation du travail dans l’économie 2.0 sont tout aussi conflictuels que ceux de l’économie industrielle. Les exemples sont légions : la lutte entre taxis/VTC/Ubers, celles qui opposent les professionnels de l’hôtellerie contre Booking, les programmateurs de logiciel libre contre Microsoft, etc. Chaque étape de la production des biens dans la nouvelle économie numérique se développe en champ de bataille.

La valeur des activités et la forme des droits des futur-e-s travailleurs/euses ne sont pas donc pas déterminées par le progrès technique. Du chauffeur Uber au programmateur informatique, il y a sûrement un front de classe à construire afin de remettre en cause les deux piliers de la nouvelle économie capitaliste : la valorisation du travail par la mise en concurrence et la prédation de la valeur par le capital devenu « application ».

Yann Le Lann

1 Ce rapport est librement consultable ici : http://www.institutmontaigne.org/res/files/publications/20150403_rapport%20objets%20connecte%C3%8C%C2%81s%20v8.pdf

2 Les classes moyennes face à la transformation digitale, Cabinet Roland Berger, 2014. http://www.rolandberger.fr/media/pdf/Roland_Berger_TAB_Transformation_Digitale-20141030.pdf

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