Étrangers et niveau de langue
Aujourd’hui, l’assemblée nationale débat du niveau de langue qui sera exigé des étrangers qui souhaitent soit une carte de séjour soit la carte d’identité.
L’exigence de l’obtention d’un niveau de langue, niveau B1 pour certains, niveau C1 pour d’autres, ne s’applique évidemment qu’aux étrangers pauvres. Les étrangers nantis, eux, bénéficient d’un bagage culturel et d’un confort financier qui leur permettent de s’exprimer de manière plus ou moins autonome ou de déléguer ce pouvoir à un tiers, c’est-à-dire un interprète. Que l’on organise des classes de français pour tous les demandeurs d’asile (pauvres) relève d’un effort louable, effort assumé depuis des décennies dans un pays comme le Canada et que la France commence à imiter. Il est vrai que jusqu’à présent, pour les familles immigrées, les passeurs de mots, ce sont les enfants. Les enfants scolarisés qui apprennent plus vite que leurs parents et qui servent d’intermédiaires chez le médecin ou dans les services de l’administration, ou encore entre les instances éducatives et les parents. Les étrangers n’attendent ni les initiatives bienveillantes de ceux qui tolèrent l’immigration ni les exigences restrictives de ceux qui disent subir l’immigration pour échanger avec les locuteurs français et se débrouiller au quotidien dans la société française. Ils envoient leurs enfants en première ligne. C’est une question de survie et de bon sens. Si les autorités s’autorisent à prendre le relais des enfants étrangers et à parfaire l’éducation linguistique des parents, qu’elles se mettent à la tâche.
Encore faut-il que la France puisse financer et encadrer un cursus d’acquisition des compétences, sans oublier que la langue française se laisse difficilement acquérir même par les locuteurs qui s’affichent comme des autochtones. Il n’est pas certain que les citoyens français, français depuis une ou plusieurs générations, français depuis leur naturalisation, manient la langue française avec la plus grande aisance. Sept années d’éducation secondaire, suivies de quelques années de formation supérieure, ne garantissent nullement qu’on sache la différence entre « j’aurai » et « j’aurais », autrement dit entre le futur et le conditionnel présent. On ne sait pas la différence entre l’action qui sera accomplie et l’action qui est de l’ordre du souhait. On ne sait pas la différence entre le réel et son contraire. Bien entendu, on pourrait multiplier les exemples du mauvais usage de la langue française sur le sol français à l’infini. Car le subjonctif présent, le c.o.d qui s’accorde au passé composé et leurs semblables ne sont pas les meilleurs alliés des locuteurs francophones, même des locuteurs qui se disent « de souche ». Dans ces conditions, on espère que l’immigré qui écrira « j’aurais » au lieu de « j’aurai » dans un moment d’égarement, confondant les réalités arbitraires et sa subjectivité qu’on voudrait malléable, ne sera pas recalé à l’examen de niveau B1 ou C1.