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Billet de blog 28 mai 2025

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4 /4 – SABORDAGE CULTUREL – DELACROIX

Lettre ouverte à Rachida Dati, ministre de la Culture, suite aux partis pris des musées du Louvre et d’Orsay. Formellement, objectivement : « La Liberté guidant le peuple » vient d’être décavée de son 1/5ème capital ; et les ‘restaurations-destructions’ se poursuivent par exemple sur G. Courbet. – Averti, on persévère ! Or un moratoire de sauvegarde pour réexamens visuels paraîtrait responsable

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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            Madame la Ministre,

             L’essai sur la restauration du tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple, que je vous ai fait parvenir, développe une approche synthétique, non subjective, s’appuyant sur un solide appareillage technique. Ce travail peut vous donner une base pour reconsidérer le rapport de forces qui domine les projets de restauration depuis trente ans, et pour remettre, au centre du jeu, l’Art visuel, les logiques de l’émerveillement et la nécessité d’une authentique formation du regard pour nos contemporains. Préserver l’héritage artistique dans son intégrité relève de la sauvegarde des valeurs fondamentales qui nous structurent, nous éclairent et nous humanisent.

             Quelles nouvelles preuves d’abus de pouvoir, en matière de restauration, nous offre l’actualité ? En tout premier lieu, la mise en chantier, au musée d’Orsay, de L’Enterrement à Ornans de Gustave Courbet, projet qui dépasse toute logique.

              On peut même être troublé par tant d’obscurantisme et de mauvaise foi, puisque dix ans après l’opération médiatique montée autour de L’atelier du peintre au M’O, on persévère dans le mensonge par des clichés assombris, on ne dit pas qu’à l’origine il y a eu trois survernissages abusifs, en public, de toutes les œuvres présentes en Salle Mollien au Louvre, en 1984, mars 1985 et 1986 (élément documenté et publié).

               Lors de notre échange téléphonique, je vous avais fait part de la préoccupation d’André Malraux, s’inquiétant d’un déséquilibre potentiel si les décisions de politique culturelle étaient laissées aux seuls ‘conservateurs du patrimoine’, ainsi placés dans une position de « juge et partie ».

                – Comment se fait-il que l’ordonnance du 13 juillet 1945 qui stipule qu’outre les membres de droit : directeur, conseillers et conservateurs, le Ministre de l’Éducation nationale doit nommer, au sein des Commissions de restauration, deux artistes et dix amateurs, ne soit plus effective, ni même défendue aujourd'hui ?

                L’idée de mise en valeur du Patrimoine a été dévoyée par la mutation de celui-ci en gisement culturel à exploiter, notamment par des restaurations abusives que les services de communication des musées érigent en événements médiatiques, en dissimulant leur caractère destructeur.

                L’essai sur La Liberté guidant le peuple (en lien et PJ) propose toute la méthodologie nécessaire pour rectifier trente ans d’erreurs et donner à la France, en ce domaine, un rôle de premier plan. Vous êtes la seule autorité, en tant que ministre de la Culture, à pouvoir ordonner un moratoire pour études et analyses des interventions récentes. (Par exemple : celles qui concernent les Léonard de Vinci, les Delacroix, les Courbet, les Degas, les Mays de Notre-Dame et autres chefs-d’œuvre arraisonnés par les vedettes de la restauration médiatique qui absorbent tant de financements). Concernant le problème des sponsors, c'est peut-être un point central, et seule une décision politique serait en mesure de tout enrayer. Comment ? C'est toute la question... Au fond, c'est un rééquilibrage qu’il faudrait, au profit d’autres œuvres actuellement négligées : combien de tableaux nécessitant une restauration conservatoire auraient pu être sauvés avec les sommes engagées dans les grandes interventions médiatiques qui – comble du paradoxe – détériorent les chefs-d’œuvre auxquels elles sont censées rendre jeunesse et santé ?

                   Nous comptons beaucoup sur vous, ministre de la Culture, pour mettre un terme à ce qui s'apparente à une captation du Patrimoine par des intérêts privés - comme cela s'était produit avec Koons ou Kapoor à Versailles, écrin mobilisé pour soutenir le marché au détriment du Patrimoine, dans une sorte de jeu de dupe où l'on avait fait croire le contraire. Les opérations de communication autour des restaurations vedettes sont finalement du même ordre - sous une forme aggravée puisqu'il y a destruction d'œuvres. Ces dégradations sont perceptibles dans l’approche visuelle, mais avec la méthode d’avant-garde appliquée à La Liberté guidant le peuple de Delacroix, nous pouvons les prouver objectivement, maintenant et à l’avenir.          

                 L’essai sur Delacroix, projet de recherche porté par le Cern-CFC (association d’intérêt général), est une étude innovante qui préfigure – si vous la soutenez – une voie d’avenir pour des projets de reconstruction numérique, virtuelle, puis concrète, accompagnés d’expositions pédagogiques d’un nouveau type, mettant en valeur ce qu’il y a d’essentiel dans le Patrimoine sensible de l’Humanité. Il se pourrait alors que divers enseignements et formations au regard, au dessin, et autres disciplines de l’intelligence vitale s’en trouvent restaurés (au sens vrai du terme).

                 Voilà pourquoi la mise en place d’un moratoire sur les restaurations abusives en cours serait une nécessaire mesure de sauvegarde, et un acte de grand courage face aux idées reçues et aux positions acquises, jamais remises en question. S’engager sur cette voie de justesse et d’harmonie apparaît aujourd’hui comme un choix d’une importance capitale, puisque nous savons que l’Art peut sauver le Monde.

                  Je vous prie de bien vouloir agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma confiance en votre gouvernance,


Etienne Trouvers - Artiste visuel, peintre - 28 mai 2025

Co-fondateur avec l’amitié de Jean Bazaine

de l’Association pour le Respect de l’Intégrité du Patrimoine (ARIPA)

Commission éthique et restaurations numériques du Centre français de la couleur (Cern-CFC) [1]

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Lien à l’essai du 12 mai 2025 sur Delacroix, analyse visuelle objective [2]

https://www.etienne-trouvers.com/uploads/Eug%C3%A8ne-Delacroix_Essai_12-mai-2025.pdf

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Illustration 1
Détail de la signature de G.Courbet in L’Atelier du peintre - avant (en haut) et après restauration, 2015 ; © cliché E.T. / montage Isabelle Garnier

                 Résultat de l’intox, fasciné par l’Institution ‘compétente’, personne n’a osé relever qu’à l’image de cette signature érodée c’est la magistrale composition qui a subi des altérations manifestes et irréversibles.  La publication officielle sur le site de  La Maison des Artistes (MdA) va permettre de réinformer quant aux vérités esthétiques et l’éclat de la vie des œuvres d’art. Allez comprendre pourquoi, dix ans après, la direction actuelle du musée d’Orsay réitère dans les mêmes ornières.[3]

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Annexes :

            1-  Histoire de la bascule entre l’art et l’appropriation du patrimoine artistique par l’histoire de l’art, à travers l’apparition du phénomène de la restauration esthétique :

Illustration 2
Extrait de quelques points d’histoire, premier dossier de presse de l’ARIPA, p.2, septembre 1992

             Mais, au-delà de cette nécessité pragmatique de mesures conservatoires, Alessandro Conti, professeur de l’histoire de la restauration à Sienne, et James Beck, professeur à la Columbia University, me faisaient remarquer qu’ils partageaient la crainte que l’histoire de l’art telle qu’elle est enseignée – depuis le mensonge élaboré par le Vatican autour du nettoyage sponsorisé de La Chapelle Sixtine (1980-1993) – en vienne à taxer la subjectivité et le goût comme propriétés mineures au regard des services rendus par leur discipline prétendument ‘scientifique’. Le problème étant que, par exemple, à l’École du Louvre, à l’INHA ou dans les universités françaises, on n’enseigne pas le regard sur la peinture, mais seulement des méthodes de classification et d’attribution. Or, ce mode de pensée excluant la sensibilité en lien avec l’intelligence humaine (IH) risque fort d’être rendu obsolète par l’IA et son pouvoir de classification systématique.

            Inquiet, Marc Fumaroli, de l’Académie française, estimait que la plupart des historiens d’art décisionnaires se comportent comme des aristocrates de l'Ancien régime, utilisant l'art ancien comme moyen d'anoblissement social, ne retenant de la Peinture que l'aura de prestige émanant du statut d'artiste. Ils tirent des dividendes de cette aura mais, concrètement, la peinture ne les intéresse pas – ils vont même jusqu'à la mépriser si elle est contemporaine, car depuis Duchamp et la place grandissante prise par la finance dans le domaine artistique, seul l'art conceptuel bénéficie du label "art", et donc du statut inhérent.

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2Témoignages : 

  • Extrait Document 1- Publié le 30/04/2024 « C2RMF La Liberté guidant le peuple, E. DELACROIX, étude et restauration »  10

https://c2rmf.fr/actualite/la-liberte-guidant-le-peuple-e-delacroix-etude-et-restauration

Notamment, à propos de la robe :

 L’intervention sur la couche picturale de La liberté guidant le peuple s’est déroulée en deux étapes, une comprenant le retrait partiel des vernis et des repeints et la deuxième comprenant le vernissage et la réintégration.

Après l’approbation des tests de nettoyage par les responsables de l’œuvre les restauratrices ont procédé à l’allégement des vernis anciens et à l’élimination des différents repeints. Les couleurs et les touches du peintre sont apparues dans toute leur subtilité et leur nuance : les rehauts jaunes de la robe de la Liberté, les nuées de fumée, les nuances dans les pavés de la barricade, les rappels de bleu, de blanc et de rouge dans les habits et les carnations. Cette intervention a révélé la richesse de la matière picturale appliquée en empâtements ou en glacis, en frottis, en aplats couvrants ou transparents. 

  • Extrait document 2 - Publié en 2018 « LOUVRE Dossier pédagogique Liberté FR » pour les scolaires 5

https://www.studocu.com/fr/document/universite-paris-1-pantheon-sorbonne/histoire-de-lart/1louvre-la-liberte-guidant-le-peuple-dossier-documentaire-2018-delacroix/17121729

A propos des glacis du bonnet :

 Sur une toile assez grosse constituée de trois lais cousus horizontalement et préparée, Delacroix a d’abord esquissé au pinceau une ébauche avec une peinture maigre riche en térébenthine puis a «monté » progressivement le tableau en épaisseur et en couleur, superposant des couches de peintures dont la couleur évolue progressivement. Par exemple, la couleur du bonnet phrygien, telle que nous la percevons, est constituée de la superposition d’un rouge initial vif, d’un glacis beige rougeâtre, d’un glacis violacé, puis de deux couches orangées dont un glacis final.

Extraits fournis par Isabelle Garnier-Sagne - Ingénieure, Artiste-peintre - secrétaire de l’ARIPA  

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            – L'étude rationnelle d’Etienne Trouvers (12 mai 2025) sur ce chef-œuvre est évidemment indispensable, cependant, le fait que C2RMF ait dissimulé un rapport, effectué une quarantaine d'années plus tôt, ne peut qu'attirer l'attention. 

                   Maijke Jonker avait également remarqué que le communiqué du C2RMF de 2024 était largement un copié-collé du rapport de 1982 - notamment pour le bonnet.

                   Cela rend la dissimulation de l'usage de glacis de laque jaune pour la robe d'autant plus suspecte...

Dans sa conférence mise en ligne le 29 avril 2024 sur Youtube, Mme Trémolières évoque certes des glacis, mais pas ceux de laques jaunes, alors qu'elle reprend pourtant le rapport de 1982 (sans le citer), notamment pour l'usage des bruns. Le rapport décrit en effet des "épais glacis bruns partiellement opacifiés" pour les tons sombres.

                   Voici la transcription de l'intervention de Mme Trémolières (à 1’ 08:24) :

 – "Delacroix peut utiliser des bruns en glacis très légers pour reprendre ses contours, comme sur le vêtement d'Hector (ex Marius pour Victor Hugo !), ou alors il revient aussi en touches assez épaisses. C'est une caractéristique de la technique de Delacroix, qui peut utiliser presque d'une façon empâtée des couleurs brunes qui d'habitude sont plus posées en glacis : il peut avoir des touches très épaisses de brun ou de laque rouge. On en revient à cette robe incroyable, qui était donc masquée par le jaunissement des vernis. On s'est rendu compte que Delacroix avait commencé par travailler une robe plutôt dans des tons blancs gris avec des ombres un peu sombres violettes. Par-dessus il vient avec des touches soit très empâtées, soit en frottis, éparses ou rassemblées, comme on le voit dans la ceinture. Des touches jaunes, qui sont un mélange de jaune et de laque, qui donnent ce magnifique effet de mouvement à cette robe et de répartition du jaune."

                   2024 n'apporte donc rien de nouveau par rapport à 1982 (les sous-couches épaisses destinées "à donner du corps à l'ensemble" étaient déjà décrites), si ce n'est pour la tonalité de la robe, où il n'est plus question d'un jaune élaboré en "glacis transparents", mais de "touches jaunes qui sont un mélange de jaune et de laque", éparpillées de manière disparate.... La nouveauté est d'avoir pris la sous-couche pour la tonalité initiale et de penser que Delacroix était une sorte de tachiste avant l'heure, mouchetant la robe de touches jaunes (alors que l'on voit très bien que les glacis qui unifiaient l'ensemble sont partis et que ne sont restés que les frottis et empâtements).

                   Par ailleurs, il semble que l'ignorance de l'usage du jaune – caractéristique propre aux coloristes – les a poussés à chercher une blancheur qui n'a jamais existé.

                  Car il n'y a pas que les glacis : même lorsqu'ils travaillent par empâtement, les coloristes ajoute du jaune dans les blancs pour éviter que les tons ne se décolorent.

                  Dès l'ébauche et sans l'ajout de glacis ou de vernis, l'harmonie de Delacroix ne pouvait donc être blanchâtre.

                   Pour sa défense, Villot (conservateur au Louvre lors du scandale sur la restauration de peintures vénitiennes) arguait que le fait de considérer la patine comme améliorant les tableaux était une vue de l'esprit - employant comme argument d'autorité qu'il était lui-même peintre et savait de quoi il parlait !

                  Il faut toutefois tout de suite préciser que Villot était un peintre assez médiocre et, surtout, que cette affirmation pouvait peut-être encore se comprendre pour Véronèse, dont personne n'avait vu l'état initial, mais qu'elle ne pouvait s'appliquer à Delacroix, dont Villot avait pu voir des tableaux à l'état d'ébauche !

                   Le jaune n'est pas qu'une conséquence de la patine : il est constitutif des coloristes (notamment chez Bonnington et, plus généralement, dans l'école anglaise). Il est possible que sur ce plan, Villot se situait plutôt du côté des élèves d'Ingres. Cela expliquerait comment les restaurations ont fini par transformer l'harmonie de Delacroix en celles de Bouguereau ou de Gérôme...

                   Il est aussi possible que Villot ait tenté cet ultime argument dans le cadre de sa défense. 

Cela ne l'a certes pas empêché d'être rétrogradé secrétaire, mais a pu laisser des traces auprès de ses successeurs actuels !

 Jean Marc Idir - Artiste peintre

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suite du billet 3 /4 sur Delacroix :

https://blogs.mediapart.fr/etienne-trouvers/blog/050724/cliches-sournois-au-louvre

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notes :

[1] – Cf. Actualités du Centre français de la couleur (Cern-CFC), société savante : https://centrefrancaisdelacouleur.fr/actualite/restaurer-les-oeuvres-deugene-delacroix/

[2] –  Lien à l’essai du 12 mai 2025  sur La Liberté guidant le peuple  de E. Delacroix,  analyse visuelle objective

https://www.etienne-trouvers.com/uploads/Eug%C3%A8ne-Delacroix_Essai_12-mai-2025.pdf

[3] – Annonce de la Commission restauration et reconstitution de la MdA :

  https://www.lamaisondesartistes.fr/site/les-commissions/restauration-des-oeuvres-du-patrimoine/

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