Citons d'abord l'agence de notation Standard and Poor's
« Le gouvernement a annoncé en janvier ce que nous voyons comme une réforme importante du travail comprenant une plus grande flexibilité pour les employeurs pour réduire horaires et salaires pendant un ralentissement (de l'activité) économique en échange du garantie des emplois. Nous croyons que la réforme du travail proposée – qui doit encore devenir loi- aidera les employeurs à mieux aligner les coûts salariaux sur les conditions économiques. Elle aura, croyons-nous, un effet bien moindre sur le taux d'emploi ou pour éliminer la dualité du marché français du travail. Nous croyons que cette proposition mise en œuvre pourrait contribuer à mettre fin voire même à inverser la tendance à l'augmentation des coûts de main d'œuvre en France» Note du 19 février 2013.
Maintien dans l'emploi ?
De fait les accords dits « de maintien dans l'emploi » pourraient être signés entreprise par entreprise et entraîner une baisse des salaires (en respectant le SMIC et même 1,2 SMIC dit le texte!), des modifications substantielles des conditions de travail, des horaires mais aussi des lieux. On nous dit que des garanties ont été apportées : obligation d'un accord majoritaire, durée maxima. Mais ces garanties sont inopérantes pour des entreprises insérées dans un groupe plus large qui peut à sa guise manipuler les résultats de ses sites : en quoi la direction de PSA à Aulnay serait gênée aujourd'hui par un accord de ce type qui ne l'empêcherait pas au bout de 2 ans de fermer. Peut être même qu'un accord de compétitivité (pardon, de maintien dans l'emploi) lui donnerait de meilleures conditions pour la préparation de la fermeture...On voit là les limites en termes de maintien global de l'emploi. Les autres formes de licenciement - autres qu'économiques - demeurent possibles : rappelons qu'ils sont bien plus nombreux1
Quant à l'effet sur l'emploi de l'ensemble de l'accord il est loin d'être évident. Des fractions du patronat se servent au passage : la branche intérim est déclarée « intouchable » le coût de ses contrats va baisser par rapport aux CDD courts, rendant ainsi le recours à l'intérimaire plus rentable(ANI 4c). Les assurances se voient offrir le marché des complémentaires obligatoires 2 Ceci va t'il créer beaucoup d'emplois ?
Cet accord censé répondre à la priorité emploi du gouvernement risque de dégrader la situation dans les petites entreprises : sur 155 millions d'aide à l'embauche de jeunes en CDI, prévus par l'accord, seule une petite part leur reviendra. Par contre elles supporteront la plus grande part des gains des assureurs. Ce n'est pas pour rien que l'UPA (Union patronale des ARTISANS) a hésité.
Fin de la précarité ?
Le chapitre II de la loi se donne pour ambition de « lutter contre la précarité dans l'emploi et dans l'accès à l'emploi ». C'est aussi un argument central de signataires de l'accord : la CFDT, dans un 4 page intitulé « la CFDT obtient de nouveau droits pour les salariés » publie un graphique où l'on voit les contrats courts baisser suite à l'accord.
La loi prévoit que les accords UNEDIC « peuvent majorer ou minorer les taux des contributions » « pour lutter contre la précarité et favoriser l'embauche en CDI »(loi art 7). Les « partenaires sociaux » ont prévu de porter à 7% , pour les contrats de moins d'un mois. Ils laissent entendre que ce taux serait dissuasif : comment considérer aujourd'hui comme dissuasif un taux dont Le MEDEF déplorait l'insuffisance quand il voulait mettre fin au système des intermittents du spectacle ! (ANI4a)
Des secteurs grands utilisateurs de contrats précaires échappent à la taxation. Les contrats d'usage utilisés dans le secteur «activités d'enquête et de sondage » de l'IFOP de Mme Parisot. L'intérim gros pourvoyeur de contrats courts 3Tous vont pouvoir multiplier les contrats précaires !(ANI4c).
Le gouvernement, qui veut promouvoir l'égalité hommes femmes, avait, grâce à des dispositions adaptées sur le temps partiel, un levier considérable pour agir , les femmes sont les victimes du sous emploi partiel.
La loi ne prévoit que fixer une durée minima de 24h par semaine (ou l'équivalent sur toute période prévue par un accord collectif) mais c'est aussitôt pour multiplier les dérogations notamment à condition de regrouper les horaires sur des journées ou demi journées régulières et complètes. C'est à l'accord de branche ou l'entreprise de déterminer les modalités du regroupement : croit-on que la grande distribution est prête à renoncer à l'amplitude des journées de travail des caissières de grandes surfaces ? L'Etat renonce à fixer la norme sur la notion de journée de travail régulière.( ANI11-1, loi art L3123-14-2)
Pire encore ! Sous couvert « d'encadrement des compléments d'heures » faits en toute illégalité jusqu'à présent, la loi autorise 8 avenants par an et par salarié-e permettant d'augmenter temporairement la durée des contrats à temps partiels. Avec la création des contrats intermittents, voilà un singulier moyen de lutter contre la précarité en multipliant les possibilités de contrats précaires.(ANI11-3,loi sous section 8 art L 3123-25)
1 et plus encore avec la rupture conventionnelle : combien de salariés devant une dégradation brutale de leurs conditions de travail seront tentés par cette rupture qui leur garantit l'indemnisation chômage.
2ces cotisations sociales patronales nouvelles s'opposeront demain à celles d'une protection sociale solidaire, voyez ce que dit Parisot : on ne peut augmenter les cotisations retraites parce qu'il faut payer les frais de l'ANI.
3au motif que la branche engage des négociations sur des CDI intérimaires qui concerneront au mieux seulement (sic !) 20% des effectifs !