Par une décision du 5 octobre le Conseil d'Etat annule l'agrément de l'accord entre le MEDEF et des syndicats sur les modalités de l'assurance chômage. Nous attendions avec confiance cette décision depuis l'intervention du rapporteur public qui a mis en évidence les illégalités des dispositions attaquées par les chômeur-e-s et les intermittent-e-s ainsi que des syndicats non signataires (de SUD et de la CGT).
Au vu des conséquences (financières) « manifestement excessives » le conseil d'Etat a considéré que cette annulation totale ne sera effective que la 1er mars, pour permettre au ministère et à l'UNEDIC d'assurer la continuité du versement des allocations.
Il n'en reste pas moins que c'est toute la convention qui est annulée pour illégalités manifestes et parce les partenaires sociaux ont outrepassé leurs compétences et se sont permis de faire du droit sur des domaines où le code du travail s'impose au droit négocié.
Myriam El KHOMRI, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social nous dit dans un communiqué qu'il s’agit de " certaines modalités techniques" qui ne remettent pas en cause la convention. Elle ne parle que des différés d'indemnisation ( "un point technique relatif notamment aux indemnités de préjudice en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse des salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté ou appartenant à des entreprises de moins de 11 salariés. ») et oublie tout le reste... Il s'agit là d'une attitude qui anticipe la démolition à venir du code du travail. Elle se livre aussi à une justification médiatique de ce « dialogue social » cher à Hollande et Valls même quand ce dialogue aboutit à sacrifier les chômeurs. Rebsamen a fait montre de son incompétence à défendre les chômeurs, pire le ministre du chômage s'est fait remarquer par son appel à la chasse aux chômeurs comme moyen d'inverser la courbe, sans succès. Cette politique continue : supprimer les chômeurs et pas le chômage. La cour le dit clairement , cet accord n'aurait jamais du être agréé, et ni Rebsamen, ni El Khomri ne présentent la moindre excuse, ne remettent en cause l'absence de contrôle de légalité qu'aurait du exercer le ministère.
Sans tarder le conseil d'Etat annule les dispositions concernant les incidences du défaut de déclaration et la récupération des indus : le règlement sur lequel s'appuie Pole Emploi pour récupérer les indus même contestés par les intéressé-e-s est annulé . Sur ce point des artistes intermittents du spectacle avaient engagé une procédure contre Pôle Emploi : le jugement rendu par le juge des référés de Caen est totalement désavoué par le conseil d'Etat, après le rapporteur public le conseil reprend et conforte ce que nous avancions sur la hiérarchie des normes voir http://blogs.mediapart.fr/blog/etienneadamanpagorg/160615/pole-emploi-contre-le-droit Le rapporteur public avait évoque l'impossibilité pour les partenaires sociaux d’édicter des mesures « coercitives » le conseil est plus sobre dans sa rédaction: « les parties à la convention n’étaient pas compétentes pour prévoir que les allocations de chômage indument versées seraient recouvrées par retenues sur les allocations à verser, y compris en cas de contestation par l’intéressé du bien-fondé de l’indu ainsi recouvré, et que le recours que celui-ci est susceptible de former n’est pas suspensif ; qu’ainsi, les stipulations des deuxième et troisième alinéas du paragraphe 2 de l’article 27 du règlement général annexé à la convention ne pouvaient légalement faire l’objet d’un agrément"
Le conseil annule aussi les dispositions qui font reposer les allocations sur un système déclaratif : si la personne a oublié de déclarer, dans les temps fixés par le règlement, ses périodes de travail, ces dernières n'ouvre pas de droits à l'indemnisation ( c'est une manière ignoble de faire de faire des économies sur le dos des plus précaires, mais ça n'a pas gêné nos brillants signataires syndicaux). Ce caractère déclaratif est une constante du discours officiel de Pôle Emploi que l'on retrouve à chaque contestation : il s'agit là de nier la responsabilité de ses services dans la mise en œuvre de l'allocation : le chômeur , l'intermittent est entièrement responsable, le fonctionnement de Pôle Emploi ne peut être mis en cause. Sur cette question le conseil est encore clair : « les parties à la convention n’étaient pas compétentes pour prévoir une réduction des droits des travailleurs privés d’emploi qui auraient omis de déclarer, dans les conditions prévues par cet accord, des périodes d’activité ».
Madame El Khomri, ce maltraitement, ces drames sociaux liés à ces " certaines modalités techniques" ,comme vous le dites si bien, ne sont pas des points de détails dans une convention qui serait globalement positive, ils en sont le centre.
Devant une telle accumulation d'illégalité, on reste stupéfait devant l’aveuglement des hauts fonctionnaires du ministère qui auraient du attirer l'attention du ministre sur ces « faiblesses juridiques ». Il ne peut s’agir que d'un aveuglement idéologique qui fait primer une certaine conception du dialogue social sur le respect du droit dans le contrôle de légalité. Le ministre, le gouvernement et leurs exécutants ont pris le risque de faire passer leur orientation de politique sociale-libérale ( antisociale) avant la sécurité juridique. Ils se sont dit « les chômeurs ça ne sait pas se défendre, ça n’intéresse personne, ces fainéants ces fraudeurs... » et personne ne se lèvera pour défendre l'enjeu suivant : la société, les salarié-e-s, les citoyen-ne-s sont ils prêts à accepter que les droits des chômeur-euse-s sortent du droit commun. Qu'une institution comme PE puisse être juge et partie, s’émanciper du droit supprimer la protection des juges sur des droits essentiels.
Le gouvernement, le MEDEF, la CFDT ont perdu. Il faut du courage pour se battre jusqu'au bout pour les droits, c'est ce qu'on fait les requérants.
Il ont gagné pour celles et ceux qui sont concernés mais il nous ont aussi offert une avancée qui nous concerne toutes et tous, un rappel au respect de la hiérarchie des normes en ces temps où la gauche sociale-libérale la remet en cause sous couvert de simplification du code du travail au profit du droit négocié.
Ils ont mis en évidence sur la place publique, dans le débat public que les défenseurs d'une certaine forme de dialogue social sont capables de violer la loi pour s'en prendre aux plus fragiles. Quand ils prétendent tout faire contre le chômage ils maltraitent les chômeur-euse-s. Ils continuent à développer une précarité baptisée souplesse ou flexibilité dont les précaires seul-e-s payent les conséquences.
Et les méfaits qu'ils ont commis contre les salarié-e-s les précaires et les sans-emploi, au niveau d'un accord national sont déjà considérables, qu'en sera t'il dans les entreprises quand les délégué-e-s seront soumis au chantage patronal, aux menaces ?
Merci aux requérants de nous avoir offert à toutes et tous l'espoir que l'on peut mener campagne sur la contre réforme du droit du travail . A nous tous de jouer !