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Billet de blog 9 février 2017

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Le conseil LR du Bas-Rhin : l'enfermement dans la pauvreté..

mais aussi la mise en cause de l'associatif et la dévalorisation du bénévolat : tout ceci est cohérent pour maintenirla soumission à la conception libérale du travail; Une délibération profondément réactionnaire qui va à l'encontre de ce qui se fait de neuf pour rétablir les Workshop du XIX éme siécle

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Une nouvelle a failli passer inaperçue, pourtant elle risque d’avoir des effets considérable sur la situation de centaines de milliers de personnes : le conseil départemental du Haut Rhin dans une délibération du 2 décembre a maintenu en le modifiant son dispositif « RSA contre bénévolat ».

https://www.mediapart.fr/journal/economie/070217/rsa-contre-benevolat-le-haut-rhin-passe-en-force

Bien sûr ce sera là l’occasion pour le président sarkozyste de choc d’afficher des économies. Le RSA est déjà l’allocation qui connaît le plus de non-recours : quasiment 1/3 de celles et ceux qui y auraient droit ne le demandent pas ; Des démarches trop inquisitoriales par un questionnaire d’instruction qui porte atteinte à la vie privée au delà des nécessités de cette instruction...la complexité d’un système, le manque d’informations réelles sont autant de raisons. Le résultat est de permettre aux collectivités territoriales de ne verser qu’une partie des allocations. Tout cela ne suffit pas au président du Bas-Rhin, il rajoute cette disposition non pas d’un bénévolat obligatoire (ce que le tribunal a refusé) mais un « contrat »1 entre le département et le bénéficiaire obligeant ce dernier à faire des activités bénévoles... et si le « contrat » n’est pas respecté, le versement du RSA est remis en cause totalement ou partiellement. Le dénommé Straumann devrait savoir que le respect d’un tel contrat est quasiment impossible pour les 20000 RSA ( et particulièrement aux 42 % d’entre eux qui le sont depuis plus de 4 ans)...dès lors le conseil départemental fera de nouvelles économies … sur le dos des plus pauvres.

Mais ce raisonnement gestionnaire au mépris des plus fragiles s’accompagne aussi d’une stigmatisation des bénéficiaires. Bien sûr, ce sont les grands principes qui sont mobilisés, on prétend concourir à la réinsertion des « exclus » : « la philosophie reste la même. On cherche à insérer nos bénéficiaires du RSA avec plusieurs méthodes, notamment celle du bénévolat ». Mais ces grands déclarations cachent mal la vision véhiculée par la droite. D’abord l’idée que les personnes au RSA seraient « complètement désinsérées » c’est à dire dans un état de mort sociale2. On retrouve là tous les poncifs de la droite extrême : il ne peuvent concevoir qu’on peut être pauvre et exister, être pauvre et avoir une activité sociale, être pauvre et rester citoyen … Pour ces gens-là (« On ne cause pas on compte ») les bénéficiaires du RSA sont dans un tel état que 7 heures par semaine de bénévolat suffit à la sortir de la désinsertion. Bien sûr une telle vision dispense de mener une politique d’emploi, d’envisager même que ces 20000 personnes puissent accéder à l’emploi « normal : c’est la gestion des « surnuméraires », des « inutiles au monde » qui est organisée ainsi .

Dans l’esprit borné  de ces responsables politiques, le bénévolat dévient un substitut qui – sans doute par des activités simples à la portée des « désinsérés incultes »pallie l’absence d’emplois et la lutte contre le chômage de longue durée. Le discours qui est ainsi tenu est le suivant « il n’y a pas d’emploi pour tout le monde, tout le monde n’est pas capable d’accéder à l’emploi … alors certains devront se contenter de petites occupations parce qu’on ne peut pas les laisser profiter d’une rente sans contrepartie »3. Car il n’est pas non plus question de formation...

Du coup, les activités bénévoles sont elles aussi discréditées puis que tout le monde peut en faire mêmes les personnes les plus en difficultés. L’activité sociale au service de tous , l’utilité sociale du bénévolat, est ainsi réduite à des activités sans valeur. La droite remet déjà beaucoup en cause les associations 4, va t’elle aller jusqu’à supprimer les formations pour bénévoles puisque n’importe qui peut faire ce travail ?

De plus le bénévolat est une activité choisievidée de son sens par une obligation « les manquements aux engagements pris dans le contrat pourront conduire à des sanctions, allant de la suspension du versement de l’allocation jusqu’à la radiation »(délibération du CD)

Pourtant nos élus du Bas Rhin semblent oublier qu’il existe dans notre société des activités bénévoles que la société reconnaît et rémunère. D’abord eux mêmes puisque leur fonction est indemnisée. Mais sans doute ces élus considèrent- ils que la politique est professionnalisée et qu’eux ont un vrai métier ? Je ne pense pas que ces messieurs prévoient de supprimer l’indemnisation des élus sauf à assumer clairement un système oligarchique réservé aux riches .

Il est une autre activité bénévole qui est rémunérée par la société, la maternité : c’est un choix personnel (pour l’instant les femmes disposent encore de leur corps et de la possibilité « d’un enfant si je veux quand je veux ») et pourtant il ouvre droit à la rémunération du congé de maternité : la droite va t’elle nous proposer de supprimer les allocs au motifs que n’importe quelle femme peut et sait faire un enfant ?

Et on pourrait continuer - au delà des ces 2 activités qui font consensus au sein de la droite (pour l’instant?) - à trouver des activités bénévoles qui font l’objet d’une reconnaissance sociale et d’une rémunération socialisée.

On est en droit de penser que la mise en cause bas- rhinoise de la reconnaissance sociale des activités bénévoles librement choisies par leurs acteurs-trices) ouvre la porte à des remises en cause plus large : rappelons simplement que tous les discours sur le recul de l’age de départ à la retraite s’appuie sur une conception de la retraite comme « pure charge » pour la société sans reconnaître le rôle social des retraité-e-s et de leurs activités bénévoles.

Mais la délibération du conseil départemental du Haut-Rhin met aussi les chômeur-euse-s en danger quant au versement de leur allocations : les règlements de Pôle Emploi n’empêchent pas, sous certaines conditions, d’avoir des activités bénévoles. Mais ils prévoient aussi que l’activité bénévole doit rester compatible avec l’obligation de recherche effective et permanente d'un emploi, ce qui signifie concrètement qu’elle ne saurait être trop prenante. Ainsi une personne qui s’impliquerait au delà d’un minimum (7h /semaine ?) risquerait de ne plus être considéré comme suffisamment disponible pour rester inscrit comme demandeurs d’emploi (il y a eu des cas de ce genre)5. Et perdant cette qualité, il risque de se voir supprimer le RSA parce qu’il n’est plus inscrit à Pôle Emploi. A moins que le Conseil départemental ne négocie avec Pôle Emploi un dispositif pour sortir les RSA-bénévoles des règlements. Mais dans ce cas quelle perspective de retour à un « vrai emploi » puisque l’activité bénévole doit rester limitée ? Les élus ont oublié que chercher un emploi et répondre aux exigences de Pôle Emploi prend du temps surtout pour celles et eux qui ont des problèmes connexes de transport, d’isolement social par exemple.

Le conseil général LR nous a construit là un dispositif d’enfermement des bénéficiaires du RAS dans l’exclusion du marché du travail et dans un sous-statut de travail et de citoyenneté. L’insertion dans la novlangue LR-libérale c’est la ségrégation.

1Quelle est l’égalité des contractants ? Les bénéficiaires de RSA sont dans une telle situation de contrainte que le terme de contrat ne vise qu’à masquer une obligation de fait puisque le tribunal n’a pas autorisé une obligation. Voir ce que disent les syndicalistes ou la responsable de l’ANAS ou de la FNARS

2Voir ce que dit ATD dans sa lutte contre la stigmatisation des pauvres, mais aussi d’autres associations qui cherchent à associer les chômeurs usagers et de ne pas cultiver les rapports de dépendance de ceux ci vis à vis des institutionnels

3La rente doit être réservées aux actionnaires et tous ceux dont la propriété permet ces rentes

4Comme le montre dans les régions la réduction des subventions aux associations

5Avec une activité aussi réduite quelle participation réelle est possible pour des personnes qui sont soumises à une obligation et non à une démarche volontaire. Ce travail obligatoire imposé aussi aux associations ne risque t’il pas d’être une difficulté supplémentaire pour ces dernières ? De plus ces travailleurs gratuits seront ils considéré comme une aide en nature qui permettra de réduire les subventions de fonctionnement

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