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Billet de blog 13 novembre 2016

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La BBC nous annonce l'état d'urgence

Manuel Valls se pose en défenseur de la démocratie: ce faisant il rejoint les néo-conservateurs

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Manuel Valls a annoncé ce jour dans une interview à la BBC qu'il envisageait de prolonger à nouveau l'état d'urgence de quelques mois pour garantir les élections de 2017 :« Il est difficile aujourd'hui de mettre fin à l'état d'urgence. D'autant plus que nous allons nous engager dans une campagne présidentielle dans quelques semaines avec des meetings, avec des réunions publiques. Donc il faut aussi protéger notre démocratie »,

Et d'ajouter dans l'interview que les attentats de 13 novembre lui ont fait comprendre que nous étions en guerre, guerre que ces attentats de masse révélaient.

Le premier ministre fait fi des textes constitutionnels : si nous sommes en guerre, alors c'est l'état de siège (art 36 de la constitution) qui devrait être appliqué. Les ancêtres politiques de Manuel Valls ont inventé la loi de 1955 sur l'état d'urgence parce qu'ils refusaient le statut de guerre aux « opérations de police » menées en Algerie. Le but de cette opération était de refuser au FLN le statut de belligérant et de réduire les actions pour l’indépendance à de simples actions de banditisme. En employant le terme de guerre Valls veut il donner le statut de belligérants aux assassins qui agissent au nom de l'état islamiste ? Mais dans ce cas informons nos concitoyens de ce que signifie juridiquement la reconnaissance de la qualité de belligérant.

Mais Valls vise autre chose.

Il s'agit d'employer un terme terrifiant qui frappe les esprits pour justifier devant l'opinion publique les actions militaires (de guerre) menées au Moyen Orient et en Afrique sans débat démocratique : la France n'a, semble t'il, pas déclaré la guerre, à qui d'ailleurs ? À un état qui n'existe pas ?

Ill s'agit aussi d'entretenir un climat de peut pour justifier la mise en place des dispositifs sécuritaires de plus en plus liberticides et d'instrumentaliser le danger pour essayer de donner une base légale à l'état d'urgence et à ses dispositions concrétés, d'alimenter une idéologie  de guerre qui accroit les pouvoirs sans contrôle de l'Etat et des ses appareils répressifs.

Chacun se rappelle que le gouvernement avait écrit à la Cour européenne des droits de l'Homme pour l’informer que l'état d'urgence suspendait des droits fondamentaux. Il s'agissait alors d'exercer un retrait partiel de la convention ainsi que du Pacte internationale relatif aux droits civils et politique qui prévoit la même chose. Citons l'article 15 de la CEDH Dérogation en cas d’état d’urgence : « En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international ». On pouvait comprendre que la sidération suite aux attentats du 13 novembre pouvait laisser croire à un « danger menaçant la vie de la nation », la panique qui a alors saisi les autorités, la nécessité d'apparaître faire quelque chose « à la hauteur » ai conduit à la proposition de cette mesure provisoire d'exception qu'est l'état d'urgence. Mais très rapidement il est apparu que les meures dérogatoires aux droits n'était pas dans la « stricte mesure » que la situation exigeait. Pire i les pouvoirs publics sesont livré - de façon flagrante par l'internement des écologistes- à un une extension des dérogations aux droits. Les opérations de perquisitions ou d'internement menées de façon arbitraire ( cf. rapport d'Amnesty international) contreviennent à l'art 4 du PIDCP qui stipule que les mesures prises «  n'entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale. »

De plus la notion de « situation qui l'exige » implique qu'un état d'urgence -comme son nom l'indique d'ailleurs- se doit d’être limité dans le temps et ne pas revêtir un caractère permanent. Or nous avons là une urgence qui dure et qui couvre des périodes complètement différentes et des justifications diverses : faire face à un danger immédiat de répétition d'un attentat suite au 13 novembre puis après Nice et St Etienne du Rouvray (sans prendre en compte les différences de ces divers attentats, ce qui est problématique quand on veut une lutte sérieuse), pour garanti le bon déroulement de la coupe de foot ou du tour de France, enfin le dernier combat du croisé Valls protéger la démocratie en faisant des élections sous état d'urgence).

Ce gouvernement n'a pas jugé bon de légaliser, de rendre compte de ses atteintes aux droits devant les citoyens et la cour européenne des droits de l'homme. Il n'a jamais,(malgré les rapports de l'Assemblée Nationale sur le bilan de l'état d'urgence et les accusations précises dont il a été l'objet) fait la moindre autocritique et reconnu qu'il avait mis en cause les droits de l'Homme dont ce pays ne cesse de se réclamer.

Aucune mesure de réparation n'a été faite aux victimes des décisions arbitraires de l'état d'urgence. An contraire les pouvoirs publics ont utilisé une idéologie de l'état d'urgence pour reduire les libertés de manifester par exemple : ainsi à Caen la gare a étét déclarée site stratégique au nom de l'éatat d'urgence pour justifier l'interdiction aux manifestations de franchir les ponts.

Valls a tourné le dos aux principes républicains sous couvert de défense de la République : les dispositifs d'exception et les lois sécuritaire que le gouvernement a multiplié, légalisant des pratiques délictueuses et violant les droits fondamentaux, renforçant le pouvoir et l'arbitraire de l’exécutif en sont la preuve ( voir par exemple la loi « renforçant la lutte contre le terrorisme...et réformant la procédure pénale »).

Avec son action gouvernementale, avec ses déclarations à la BBC le « protecteur de la démocratie » se révèle un vrai néo-con assumant un discours en rupture avec la tradition de la gauche française aussi modérée fut elle.

Clémenceau le briseur de grèves, le dictateur père la victoire peut être fier peut être fier de son disciple. Par contre, même Gambetta doit se retourner dans sa tombe.

Pourquoi ont ils (une nouvelle fois) tué Jaurès ?

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