Les mouvements contre la loi travail, particulièrement les « Nuit Debout», marquent un changement de comportement politique. Même s'il n'est pas majoritaire, il s'y exprime quelque chose de largement partagé et capable d'entraîner des transformations profondes. Toutes ces initiatives, avec les grèves et les manifestations, apportent une dimension nouvelle : une force est en germe. .
Une volonté de se doter d'un pouvoir faire par soi-même, pas un soi-même individuel isolé mais avec d'autres soi-même individuels, heureux d'être ensemble, conduit à commencer à se projeter vers une demande d'un autre type de démocratie. Il affirme aussi l'aspiration à une autre conception du travail. Ses acteurs sont animés par une volonté de se dégager du système et ils le revendiquent. S'ils marquent leur volonté de ne pas se faire chapeauter par des instances, politiques ou syndicales, ce n'est pas par dépolitisation, mais pour ne pas perdre la maîtrise d'eux-mêmes. Sans embellir ce mouvement nous y trouvons une vision politique qui fait bien souvent défaut à la politique traditionnelle, même lorsqu'elle se réclame d'une alternative au capitalisme.
«Capable d'entraîner des transformations profondes» avons-nous écrit… Il ne s'agit pas de prétendre faire la leçon à qui que ce soit. Comme tout un chacun-e, nous avons à apprendre etnous avons des contributions à apporter.
Pour que les débats en cours deviennent le creuset où se créent de nouveaux rapports entre individu et collectif, entre individus solidaires et organisation, entre citoyens et élus, entre pays réel et État...en réponse à un système représentatif archi-usé comme en témoigne la déconnexion des spéculations sur l'élection Présidentielle avec ce qui bouge. Ils peuvent devenir la matrice pour interroger le pouvoir que les «simples citoyen-ne-s» peuvent avoir sur les leviers de l'économie. Ils peuvent s'appuyer sur des expérimentations porteuses d'une autre manière de vivre ou de travailler – trop ignorées- qui peuvent devenir autant d’éléments de réflexion. Quand le capitalisme produit chômage, précarité et souffrance au travail, mettons au cœur du débat un changement de cap dans les rapports sociaux, des choix politiques pour supprimer le chômage : une réduction généralisée du temps de travail, une sécurité professionnelle et un nouveau statut du travailleur-euse qui permettraientt le droit au temps libre, à la formation et à une « flexibilité » choisie par les salarié-e-s, avec une mobilité professionnelle redéfinie. Automatismes et informatisation auraient pu permettre depuis longtemps une réorganisation des tâches, du temps et des rythmes de travail. Inventons-les collectivement !
Ces débats peuvent conduire à s'interroger : comment ne plus subir la domination écrasante des actionnaires et des hiérarchies d'entreprise ?Qui sont les parasites dont il faut se débarrasser ?;Sur ce que l'on appelle richesse, sur ce qu'il faut rémunérer en y englobant toutes les activités qui font réellement vivre la collectivité, même ce qui est non marchand…
Toutes les études montrent que 80% de la population refusent de s’identifier aux partis politiques ; mais que plus de 80% ont leurs propres choix et positions individuellement. Nous voilà avec un mouvement décapant qui refuse une vie politique trop absorbée par les disputes d'appareil pour conquérir l'Etat : de plus en plus déconnectée du peuple tel qu'il aspire à devenir. Que devrait être la politique, si ce n'est de favoriser comment chaque personne peut se transformer en force de pouvoir ? De pouvoir faire ?.
Ce mouvement aurait ses limites, nous dit-on. Qui connaît un mouvement ou une action qui n'aurait aucune limite ou ne porterait en lui aucune contradiction? Étrange ce rêve de la perfection et de l'unanimité lorsque l'on parle de ce qui dérange les dirigeants des institutions..
Depuis des années, nous , militant-e-s, souhaitions un mouvement de ce genre là. D'abord parce qu'il est autonome et qu'il se veut pouvoir d'intervention, ouvert à toute suggestion et proposition qui lui permette d'avancer comme il est fermé à toute prétention à le guider.
Tel qu’il se développe, il permet de faire progresser le projet d'une autre construction politique et de rassembler des milliers de personnes, issues de la diversité des luttes, encouragées parce que les débats sont ouverts.
Bien des organisations devraient s'interroger s'il n'y a pas là une voie pour dépasser le capitalisme. Faisons le prochain pas ! Imposer le retrait de la loi travail, c'est faire que les hommes du pouvoir soient contraints d'obéir au peuple ! Cet acte démocratique majeur ouvrirait le chemin d'une nouvelle définition des droits (au-delà du seul droit du travail) et des règles démocratiques.
Faire converger les forces qui rompent avec ce système usé, liberticide, porteur de misères et de divisions, une belle ambition !
Signataires : Etienne Adam, Benoit Borrits ?, Danielle Carasco, Pierre Cous-Salies, Marie-Claude Herboux, Sylvie Larue, Cecile Leroux, José Tovar, Pierre Zarka, membres d'Ensemble !