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Billet de blog 21 octobre 2017

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Jésus revient, il s'appelle Macron

On le disait "jupiterien" voici maintenant que Macron se prend pour Jésus ; là où le second multipliait les pains, le premier se propose aujourd’hui de multiplier par miracle les indemnisations chômage.

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Macron se propose d’augmenter de façon sensible les bénéficiaires sans augmenter le budget. Il aurait de plus promis aux syndicats qu’il ne toucherait ni au montant , ni à la durée des actuelles allocations... dès lors il ne reste plus que le miracle (la création massive de millions d’emplois stables par un capital devenu social) ou « euthanasier les chômeurs » comme Keynes parlait d’euthanasier les rentiers.
C’est cette solution qui se profile avec les délires de Gattaz sur le contrôle journalier, ou la déclaration de guerre de Castaner sur les chômeurs en vacances. Chaque fois que nous avons eu ces discours de stigmatisation, les chômeurs-es  ont du subir des mesures répressives.

Comment euthanasier ?
Certes le gouvernement ne donnera pas suite aux élucubrations de Gattaz (qui sont aussi fantaisistes que ses promesses de créer un million d'emploi) mais la promesse électorale de contrôle accru reste une menace sérieuse pour l’ensemble des chômeurs-euses. D’ores et déjà Pôle Emploi dispose de possibilités de contrôle qui peuvent être activées de manière encore plus rigoureuse, ils peuvent être aussi être renforcés comme dans les jobs-centers britanniques . Par ailleurs Pôle Emploi a les moyens pour pousser encoure plus les chômeur-euses au découragement ou à la faute. Depuis longtemps Pôle Emploi, censé être au service des chômeurs, ne mène aucune étude sur les phénomènes de découragement ou/et de non-recours aux droits. Les directions de Pôle Emploi ne reconnaissent pas les multiples dysfonctionnement qui conduisent à l’exclusion de l’indemnisation : le principal motif de sortie de Pôle Emploi ( environ 40%) est l’absence au contrôle catégorie fourre tout qui, par un tour de passe passe statistique,  fait disparaître celles et ceux qui se découragent .
Quand près  de la moitié des chômeurs-es ne sont pas indemnisés, quelle est la proportion de celles et ceux qui alors ne s’inscrivent plus, ou irrégulièrement ?

L'Euthanasiste en donc en marche (bien avant Macron), le gouvernement accentue la campagne pour la justifier. Au point de s’attirer les critique de Laurent Berger dirigeant d’un centrale qui a largement participé à cette « chasse aux chômeurs » depuis Notat cautionnant  la dégressivité des allocation pour pousser les chômeurs eu travail dans les années 90 jusqu’à l’opposition aux proposition de déprécarisation des intermittent-e-s).

Pourquoi tant de haine ?
La suppression prévue par Macron de l’assurance chômage fait partie d’un projet global de bouleversement de la société salariale que nous connaissons : en particulier la proposition d’élargir l’indemnisation est un façon de rendre acceptable les formes de sous emploi que sont l’uberisation ou l’autoentrepreneuriat : ce dernier est largement utilisé par Pôle Emploi pour sortir des demandeurs d'emplois du chômage ( des chiffres du chômage!), il est aussi utile pour masquer la faiblesse des offres d’emploi en incitant les gens à « créer leur emploi ». L’élargissement de la couverture chômage est aussi œuvre de justice sociale vis à vis des victimes de ce piège (c’est vrai aussi d’autres formes de travail dit indépendant bien que dépendant économiquement d’entreprises comme les plates-formes de services). Mais là où la réponse aurait du être l’extension de la responsabilité des donneurs d’ouvrages vis à vis de leurs sous traitants dans le code du travail, Macron fait payer les contribuables ( et en premier lieu les retraités) pour sécuriser et pérenniser un système d’exploitation qui ne dit plus son nom.

Mais ce grand projet macronien de rétablissement des règles d’un « libre marché du travail » ( déjà présent dans les ordonnances) se heurte là à des contradictions que l’esprit éclairé des élites de Bercy n’avait pas prévu : aux difficultés de financement en période d’austérité, s’ajoute des résistances de syndicats ou de parties  du patronat  sur la remise en cause du système assurentiel de l’UNEDIC. Les services grands utilisateurs de « salariés indépendants » ou les assurances ( qui voient s’ouvrir le marché juteux de l ‘assurance chômage privée) s’opposent à d’autres fractions du patronat qui ont besoin de salariés plus stables (et/ou d’un volant de précaires un minimum sécurisés). S’y ajoute des enjeux de pouvoir et de rapport à l’Etat ( faut il remettre cet outil patronal à l’appareil d’Etat?) . Ce sont là des contradictions sur lesquelles nous pouvons jouer pour remettre en question la projet d’insécurité sociale porté par les néolibéraux. Nous avons là un terrain où nous pouvons gagner. Dans sa stratégie d’attaques multipliées pour déstabiliser, Macron a peut être été trop vite et trop loin.

R Godin dans un article récent (" ce que signifie l'obsession du contrôle des chômeurs") écrit : "En réduisant le chômage à un simple coût social, en « criminalisant » la demande d’emploi, on fait du chômeur un simple instrument de la politique de coût du travail, lui interdisant toute volonté propre. On le réifie. Il n’a plus vocation qu’à être membre d’une masse au service du marché." C'est le refus de cette réduction que traduisait bien le refus de la précarisation dans la démarche " on vaut mieux que ça"

Mais cette instrumentalisation du chômage de masse permet aussi d'assurer l'autorité du Capital sur les salariés, la subordination du travail au Capital. A la place du despotisme de fabrique militarisé de la grande industrie décrit par Marx,  la peur du chômage avec son discrédit social permet de faire passer toutes les formes de despotisme soft du management. Chômage et  précarité sont le socle sur lequel se construit l'insécurité sociale (ou le sentiment d'insécurité sociale) qui maintient la discipline et l’ordre du capital dans des entreprises où les méthodes d'autorité anciennes ne fonctionnent plus.

Quand arriverons nous à rendre évidente l'idée que chômage et souffrance au travail sont une même réalité ?

Encore faut il ne pas se perdre dans des réponses techniques (ou celle d'un retour à l'âge d'or de L’État social) et porter un projet de société radicalement différent de celui  d’un capitalisme qui aujourd’hui détruit les bases mêmes de la vie en société : l’accroissement des inégalités, l’ appauvrissement élargi de populations  en nombre croissant  sont des dangers mortels me des experts économique des institutions internationales commencent à s’en inquiéter.

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