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Billet de blog 23 janvier 2017

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Adieu Valls et après

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Face aux résultats de la primaire et la première place de Benoit Hamon, nous voyons se manifester 2 attitudes possibles.

Rien ne change

La première, très largement partagée, s’enferme dans le jeu institutionnel politique en spéculant, à partir des sondages, sur l’arithmétique électorale. C’est le cas de la droite qui insiste sur le succès de ses primaires à elle, c’est aussi les grands médias qui font de la politique virtuelle à partir de leurs préjugés : il est de bon ton chez les commentateurs politiques, -ces experts qui depuis un bout de temps ont fait la preuve de leur incompétence à prévoir et à comprendre ce qui se passe – de mettre en cause la légitimité donné par le vote des électeurs. Eux qui ont donné une légitimité médiatique à Macron, leur poulain, il ne peuvent admettre que la seule source de légitimité sera le vote ; et le vote dans toutes ses dimensions y compris celle de l’abstention qui pèsera sur la légitimité du vainqueur . Parce qu’ils s’enferment dans les certitudes bornées ils ne voient pas vraiment l’ampleur de la crise politique, crise de la représentation et d’un système politique dont ils sont les acteurs et les bénéficiaires. Ils savent déjà comment vont se dérouler les élections présidentielles quand ils ont été incapables de voir arriver Fillon et la radicalisation à droite et Hamon qui a défait le social libéral sécuritaire qui leur paraissait invincible. Avec la défaite possible – souhaitable- de Valls c’est toute leur construction de la légitimation politique qui s’écroule. D’où leur acharnement à décrédibiliser la primaire du PS, en l’inscrivant dans la seul cadre de leur jeu politicien. Il est par contre regrettable de voir des gens de la gauche de gauche agir de la même façon sans voir que cette démarche renforce les candidatures de l’establishment. Mais ces démarches enfermées dans l’institutionnel et le piège du présidentialisme les empêchent aussi de percevoir une autre dimension : la modification du débat public.

Un bel ordre est pertubé

Rappelons nous ! Tout le monde nous prédisait une campagne dominée par le rejet des réfugiés, par la réaffirmation de l’autorité et du sécuritaire, par le retour à l’identité nationale avec la version bigote de Fillon et celle laïcarde de Valls... bref un débat polarisé par l’extrême droite qui imposait ses mauvaises questions faute de faire le consensus autour de ses réponses. Valls ( et Hollande) avaient construit leur action publique sur la « bonne réponse de gauche » à ces questions et ceci les avaient conduit à l’abjection sur la déchéance de nationalité.

Et puis ce fut le mouvement « ‘contre la loi travail et son monde » qui a mis le social au centre du débat public, réduisant la place du sécuritaire. Contrairement à ce que les pessimistes nous annonçaient, avant, pendant et même après le mouvement, ce dernier a été un facteur d’aggravation de la crise politique. Outre le fait qu’il a contraint Marine Le Pen à faire encore plus peuple avec les risques pour elle de rupture entre ses électorats, elle a amené la droite à une radicalisation libérale pour doubler le PS par la droite. Du coup le champ s’est dégagé au centre pour un Macron libéral (mais pas conservateur et autoritariste).

Dans les derniers mois, l’espace politique a connu de multiples changement au delà des changement d’hommes (avec l’élimination de Sarkozy puis l’impossibilité pour Hollande de se présenter). Il n’est pas du tout sûr que nous soyons au bout des modifications et que la cadre de pensée que cherche aujourd’hui à nous imposer le système politico-médiatique soit le même dans quelques semaines.

Et Hamon là dedans ?

Pour moi, la victoire de Benoit Hamon est l’effet déformé des mouvements sociaux-y compris de celui d’accueil des réfugiés dont on oublie qu’il représente une position majoritaire dans ce pays même s’il est minoritaire chez les politiques : l’importance du « bienvenu aux migrants » n’a pas été mesuré à sa juste valeur, celle que traduit les rapports de la commission consultative des Droits de l’Homme http://www.cncdh.fr/sites/default/files/les_essentiels_-_rapport_racisme_2015_page_a_page.pdf.

Et à ce titre ce n’est pas une mauvaise chose pour une gauche qui souhaite rompre avec le social libéralisme et encore plus avec la composante sécuritaire néo-con de gauche

Depuis le début de la campagne des primaires, les médias parlent moins des thématiques, qui disaient ils, allaient dominer la campagne, les candidats en ont si peu parlé dans la primaire que le débat public en sort différent.

La première conséquence visible a été la défaite de Valls , l’incarnation d’une gauche sécuritaire et autoritaire : pour les électeurs à la primaire, la sécurité vient derrière les thèmes sociaux. En défaisant la gauche sécuritaire c’est à tout le camp sécuritaire qu’ils ont infligé une défaite et ils nous ouvrent ainsi un nouvel espace qui nous facilite la lutte contre la répression des mouvements sociaux, contre la remise en cause des droits.

Sur le terrain des droits sociaux on peut être en désaccord avec le revenu universel c’est mon cas : je ne partage pas la vision défensive d’Hamon, ni l’idée d’une délégation au seul pouvoir politique de la mise en place d’un sécurisation des parcours, Je pense que l’exemple des intermittents du spectacle montre que les intéressés peuvent agir et concevoir les réponses sans passer par la seule réforme par en haut, c’est aussi la pratique sociale qui créera le rapport de force.

Mais nul doute qu’en portant dans le débat un projet comme réponse à la crise du travail, en montrant ses distances avec le travail contraint, avec l’enfermement dans la subordination salariale, Hamon a gagné en crédibilité pour contester l’orientation sociale-libérale de Valls ...et Macron.

Ceci montre qu’un espace pour des mesures radicales est possible dans le débat public et que des centaines de milliers de personnes s’y retrouvent : je crois qu’il a un écho indéniable dans la jeunesse et chez les précaires qui y trouvent l’écho de leurs soucis quotidiens ... une proposition de suite à Nuit debout, à « on vaut mieux que ça » et autres contestations des "boulots de merde".

C’est pourquoi nous devons considérer que la désignation par les primaires de Benoît Hamon peut être une avancée vers une recomposition de la gauche, vers une alternative sociale et écologique, à condition que nous prenions en considération ses électeurs qui ne sont pas tous, et loin s’en faut, des membres du PS.

A condition aussi que nous soyons capables de dépasser les simples slogans pour engager avec Hamon et avec celles et ceux qui l’ont soutenu un débat sur le fond au lieu de se contenter de dénoncer son passé pour ne pas débattre du fond.

Au delà des partisans d'Hamon, celles et ceux qui ont été actifs contre la loi travail, qui sont dans les actions diverses encore aujourd’hui sont preneurs de ce type de débat qui, au delà des échéances électorales, sont demandeurs d’un cadre d’action er de réflexion commun.

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