Françoise Tétard, historienne au CNRS, rappelait toujours que « L'éducation populaire est une vieille dame qui vit tranquillement grâce à sa capacité d'adaptation »... Mais qui est cette vieille dame? Qui se souvient encore de son existence ? De sa naissance ? De ses lettres de noblesse ?
Prénom : Éducation… Nom de famille : Populaire…
Deux mots très simples, un état civil inoubliable, tête de proue d'une histoire vieille d'un siècle et demi.
Une femme tenace qui a survécu à tous les conflits : Aux guerres, mais aussi aux querelles entre les gens qui s'en amourachent, ceux qui se croient mariés avec, et ceux qui tentent de la kidnapper à leurs seuls bénéfices.
Ses prétendants sont multiples : laïques, protestants, catholiques, ouvriers, hommes politiques. Mais elle n'est pas chiche : Cette vieille dame est polygame et se fout bien de ce que l'on pense d'elle.
Éducation… Populaire…
Avouons le, c'est aussi deux beaux mots valises :
- Éducation comme éducation nationale, éducation artistique, technique, civique, libre ou gratuite… De plus, Éduquer est ce enseigner ? Instruire ? Faire Apprendre ? Faire Faire ? Faire Savoir ?
- Populaire comme Claude François, chanteur populaire; la Corée du Nord; démocratie populaire; parfois même les banques sont populaires...
Pourtant quand Éducation et Populaire sont côte à côte, ils deviennent soudainement méconnus.
Déjà nous pouvons nous demander si ces deux mots vont ensemble. Éducation et populaire ? Si l'éducation était un concours de popularité, dans un monde de « renom » (Boltanski) alors les réseaux sociaux aurait une crédibilité supérieure à Wikipédia, M6 remplacerait Arte et Maitre Gimms serait sacré meilleur éducateur bien loin devant Albert Jacquard, Étienne Klein ou Bernard Pivot...
Donc non, populaire ne fais pas référence ici à la célébrité mais bien au peuple. Pour Christian Maurel, docteur en sociologie, l'éducation populaire est « l'ensemble des pratiques éducatives et culturelles qui œuvrent à la transformation sociale et politique, travaillent à l'émancipation des individus et du peuple, et augmentent leur puissance démocratique d'agir ». Mais d'autres chercheurs vous donneraient d'autres définitions tout aussi intelligentes. En fait, l'éduc Pop est une Utopie Populaire Non Identifié… Un UPNI.
On résume souvent l'éducation populaire par une définition simple en disant que c'est « l'éducation du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Cette définition met tout le monde d'accord... C'est en partie parce qu'on peut y mettre tout et rien... Tout le monde trouve son bonheur dans cette définition un peu trop simpliste.
Mais comme je veux parler de cette dame qui n'a jamais été clairement identifiée avec précision, je préfère vous la raconter au travers de ses divers moments historiques. De plus, chacun ayant sa propre vision de l'éducation populaire, je vais m'attacher à vous transmettre la substantifique moelle de ce que je considère être cette éducation populaire, son histoire et son utopie. Actuellement étudiant en Diplôme d'Etat d’ingénierie sociale, et en master 2 de sociologie, je ne prétends pas atteindre le détail de certains spécialistes de l'Educ Pop. Mais ce n'est pas grave : ce n'est qu'une vision que je voulais partager avec vous.
La naissance de l’Éducation Populaire date des lumières et de la révolution Française. En effet, en avril 1792, Condorcet remet un rapport intitulé L'Organisation générale de l'instruction publique. On peut notamment y lire :
« Tant qu'il y aura des hommes qui n'obéiront pas à leur raison seule, qui recevront leurs opinions d'une opinion étrangère, en vain toutes les chaînes auraient été brisées, en vain ces opinions de commandes seraient d'utiles vérités ; le genre humain n'en resterait pas moins partagé entre deux classes : celle des hommes qui raisonnent, et celle des hommes qui croient. Celle des maîtres et celle des esclaves ».
Cette déclaration reconnaît à l'éducation une finalité civique : « L'instruction permet d'établir une égalité de fait et de rendre l'égalité politique reconnue par la loi ». Condorcet prône une instruction en deux temps : l'éducation initiale & l'éducation tout au long de la vie. Car Condorcet avaient déjà compris - avant que Bourdieu ne le démontre avec les Héritiers - qu'instruire les enfants crée une société dans laquelle les inégalités seraient fondées sur les capitaux culturels.
La plupart des gens croit souvent que l'éducation du peuple est faite par l'école. Mais peu savent que cette Éducation Nationale n'est que la première partie du plan de Condorcet pour l'éducation du peuple ! Elle est évidemment importante, primordiale, pour permettre d'avoir un savoir communément partagé en tant que nation. Mais tout le monde a oublié que le plan comportait une seconde partie… Non moins importante, non moins primordiale…
Condorcet voit quatre finalités spécifiques à ce qu'il appelle (à l'époque) l'éducation permanente : la justice sociale, la prise en compte de l'évolution des connaissances, une compensation contre le travail parcellaire et la formation à la citoyenneté. Il insistait à la tribune :
« La seconde instruction est d'autant plus nécessaire que celle de l'enfance a été resserrée dans des bornes plus étroites. ».
Les bases sont posées, avançons à la révolution de 1848, où le suffrage masculin est institué. Louis-Napoléon Bonaparte est élu Président de la République. Après son coup d’État du 2 décembre 1851 et la fin de la seconde république, un journaliste républicain, Jean Macé, estime que :
« Avant d’instituer le suffrage universel, il aurait fallu trente ans d’instruction obligatoire… ».
En 1866, la Ligue de l'enseignement est créé par ce même Jean Macé (qui s'inspire de l'exemple de la Belgique où avait été fondée, en 1864, une ligue destinée à défendre la laïcité contre l'absolutisme papal qui guidait l'action politique du parti catholique belge), une ligue de l'enseignement laïque.
1871 La Commune. Le peuple se révolte contre ses maîtres et les fait fuir de Paris. Durant les 60 jours qu'elle dura, cette Commune révolutionnaire, menée par des progressistes radicaux républicains (Auguste Blanqui et son parti blanquiste, Jules Vallès et son journal le "Cri du peuple...) adopta une série de décret d'avant garde : Création de crèche pour les enfants d'ouvrier, gestion des usines par les salariés, séparation de l'église et de l'état, l'abolition de la peine de mort… Mais surtout,l' enseignement obligatoire, laïque et gratuit avec intégration de l'instruction professionnelle.
La commune sera réprimée lors d'une semaine sanglante qui verra la mort d'environ 20 000 Communard… On croit ces utopies enterrées… Mais c'est une erreur.
En effet, 4 mois après ce massacre, une pétition pour une instruction publique, gratuite, obligatoire et laïque est lancée depuis l'Alsace par la Ligue de l'enseignement avec l’aide de la presse libérale. Lancé en septembre 1871, le « Mouvement national du sou contre l’ignorance » recueille en quinze mois 1 267 267 signatures remises à l’Assemblée nationale. Dans la foulée, en 1872, suivra une nouvelle campagne sur « la neutralité religieuse de l’école publique subventionnée par l’État ou la commune ».
Jules Ferry reprendra en 1881 cette belle idée de l'enseignement gratuit, laïque et obligatoire. L’instruction primaire devient alors obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus. Outre la volonté d'inculquer aux jeunes français un patriotisme fervent, Ferry avait également comme ambition de freiner la progression des idées socialistes voire anarchistes, qu'il a eu l'occasion de combattre lors de la Commune de Paris.
Les lois de l'instruction de Jules Ferry sont aussi fondées sur la conviction qu'elles permettront l'introduction progressive des idées républicaines dans les régions de France les plus isolées. L'idée transmise par les « hussards noirs » est celle que la République est le seul système capable de s'adapter au progrès, notion importante à cette époque.
En 1884, les bourses du travail sont créées dans la continuité de la légalisation de Pierre Waldeck-Rousseau. autorisant les syndicats
L'aristocratie ouvrière, très politisée au travers de l'anarcho-syndicalisme réclame des bibliothèques dans les usines, des cours du soir : de l'économie, de la philosophie, de l'histoire. La création dans chaque ville importante d'une Bourse du Travail est très représentative de ce courant du Syndicalisme révolutionnaire.
La Fédération des bourses du travail se fonde en 1892. Son premier secrétaire est Fernand Pelloutier. Pour lui, l'éducation est un prélude à la révolution :
« ce qui manquait à l'ouvrier, c'est la science de son malheur », « [il faut] instruire pour révolter »
La Fédération des Bourses du travail a été l'un des fondements du mouvement syndical en organisant les travailleurs syndiqués dans les territoires. Pour Pelloutier, les bourses du travail sont l'expression du syndicalisme intégral. Pensées comme des organisations de solidarité, elles sont dotées de divers services de mutualité : bureaux de placement, caisses de solidarité, caisses de maladie, de chômage, de décès…
On y trouve aussi des bibliothèques destinées à permettre aux travailleurs de mieux comprendre leur situation par les lectures d'Adam Smith, Proudhon, Marx, Kropotkine, Zola, Bakounine… Pelloutier y organise également des cours du soir. Les bourses du travail furent donc un des premiers supports de l'Éducation Populaire. Par le peuple, pour le peuple et avec le peuple.
De 1892 à 1902, les bourses se développent rapidement en passant de 22 à 86.
Le courant syndicaliste-révolutionnaire à l'époque majoritaire considérait que la structuration syndicale de ces lieux favorisait la conscience de classe des travailleurs des différentes professions réunies. Selon eux, elle permettait de développer une autonomie politique et culturelle de la classe ouvrière. Les bourses devaient être l'embryon de la réorganisation de la société par les syndicats.
En parallèle à ce que j’appellerai l'Éducation Populaire ouvrière, on assiste en 1901, sous la présidence du conseil de Pierre Waldeck-Rousseau, de retour, à la mise en place d'une autre loi fondamentale pour l’Éducation Populaire : La Loi du 1er Juillet 1901 sur les Associations.
C'est aussi le moment où les universités populaires naissent dans le contexte de l'affaire Dreyfus. Face à la déraison que manifestent les idées antisémites, face aux passions qui se déchaînent alors, les universités populaires tentent d'apporter une réponse humaniste. De plus, si les lois scolaires mises en place par Jules Ferry permettent un enseignement gratuit, elles ne touchent évidemment pas les adultes. Les universités populaires essaient donc dès l'origine de combler cette lacune en s'adressant à un public qui n'a pu bénéficier auparavant de « l'instruction publique ». C'est pourquoi est née, en 1898, la première université populaire française : « La Coopération des Idées », elles seront au nombre de 124 en 1901.
En 1894, Le Sillon, journal du mouvement pour un christianisme démocratique et social est animé par un jeune étudiant, Marc Sangnier. Il en fait un lieu de réflexion politique, qui devient en 1899, l'organe d'un vaste mouvement d'Éducation Populaire qui réunit la jeunesse ouvrière et les fils de notables afin de réconcilier les classes laborieuses avec l'Église et la République.
En 1901, s'appuyant sur les patronages catholiques, Sangnier crée des instituts populaires qui donnent bientôt des cours et des conférences publiques. Lors du congrès national de 1905, près de mille cercles venus de la France entière sont ainsi représentés.
Pour Marc Sangnier : « Le Sillon a pour but de réaliser en France la république démocratique. Ce n'est donc pas un mouvement catholique, en ce sens que ce n'est pas une œuvre dont le but particulier est de se mettre à la disposition des évêques et des curés pour les aider dans leur ministère propre. Le Sillon est donc un mouvement laïque, ce qui n'empêche pas qu'il soit aussi un mouvement profondément religieux. »
la « fausse doctrine du Sillon » sera condamnée par le pape Pie X en 1910, car celle-ci prône le nivellement des classes, et la triple émancipation politique, économique et intellectuelle. Marc Sangnier décide peu après d'abandonner l'action religieuse pour la politique. Il milite alors pour l'égalité civique pour les femmes, le scrutin proportionnel et ébauche un véritable système avant-gardiste de législation sociale.
Il se consacre aussi à la cause pacifiste. Après une rencontre avec Richard Schirrmann qui a initié les premières auberges de jeunesse en Allemagne, il reprend l'idée et ouvre la première Auberge de jeunesse en France, baptisée l'Épi d'or, en 1929 en Seine-et-Oise. L'année suivante est fondée à son initiative la Ligue française pour les auberges de jeunesse.
Il y a donc trois grandes idéologies de l’Éducation Populaire au début du XXème siècle :
La tradition laïque éducative, clairement issue de la tradition de Condorcet.
Le Mouvement ouvrier, via les syndicats et les bourses du travail (Fernand Pelloutier )
Le mouvement dit du catholicisme social de Marc Sangnier auquel on peut adjoindre le scoutisme lancé par Baden Powell.
En 1936, continuité de ces 3 grandes traditions, l'arrivée du Front populaire est à la fois un joyeux mouvement social et la première grève générale. Elle aboutit sur les premiers congés payés et la semaine de 40 heures. Dans ce gouvernement, il y aura de 1936 à la seconde horreur mondiale, un ministre visionnaire de l'Éducation nationale - à la tête d'un vaste ministère auquel étaient rattaché les beaux-arts, la recherche. Nombre des traits fondateurs que l'on attribue à "l'école de Ferry", comme l'égalité sociale ou la diffusion de la culture, remontent en fait au Front Populaire.
Pourtant Jean Zay, ténor des jeunes radicaux, n'est pas du tout un spécialiste de l'éducation lorsqu'il est nommé, un peu à la surprise générale, dans le ministère Blum. Il contribuera à la démocratisation de l'enseignement secondaire c'est à dire le collège pour tous mais surtout fera de la culture pour tous un objectif majeur du Front Populaire.
Son ministère favorise aussi des pédagogies novatrices, qu'il inscrit dans les nouveaux programmes et fait expérimenter. Les instructions de 1938 sont, à cet égard, exemplaires : l'enfant doit devenir " l'artisan de sa propre éducation en même temps que son sens social se développe ".
C'est particulièrement le cas des "loisirs dirigés", prévus le samedi après-midi, où les élèves sont conduits " dans les musées, les monuments, les usines, à la campagne, au spectacle [afin] de déterminer, par une Commission des loisirs où les élèves eux-mêmes seront représentés, tout ce qui peut donner à nos jeunes élèves l'impression que, s'évadant en quelque sorte de la discipline de l'enseignement, ils prennent un libre contact avec ce monde où bientôt ils vivront . "
C'est dans ce même élan que les mouvements d’Éducation Populaire sont relancés par la gauche, notamment grâce à l'action de Léo Lagrange. Dans le gouvernement Blum, Léo est nommé sous-secrétaire d'État aux Sports et à l'organisation des Loisirs. C'est la première fois que ce ministère existe au gouvernement.
Il rejoindra le ministère de Jean Zay dès 1937, année où sont créés les Centre d'Entraînement aux Méthodes d'éducation Active (CEMEA). D'inspiration laïque, ils prennent en charge les enfants en vacances. En 1938 le Centre Laïc des Auberges de Jeunesses (CLAJ) nouvellement créé est présidé par Léo Lagrange.
La guerre va interrompre brutalement cet élan de l'Éducation Populaire. Pour embrigader la jeunesse, le régime de Vichy crée Les Maisons de Jeunes. Mais celles-ci prirent leur distance avec leur créateur fasciste et, pour certaines d'entre elles, s'engagèrent dans des actions de résistance, avant de se transformer en Maisons des Jeunes et de la Culture sous l'action de la République des Jeunes, une association créée en 1944, à la Libération.
Nous sommes justement en 1944 quand Mme Christiane Faure, belle soeur d'Albert Camus traverse la Méditerranée avec le gouvernement provisoire d'Alger. Elle se rappelle : « Ma prise de conscience date de 1942 et de la promulgation des lois anti-juives par l’État français. J’étais alors professeure de lettres au lycée de jeunes filles d’Oran, en Algérie. J’ai été totalement choquée par la tranquillité avec laquelle ces lois antisémites ont été acceptées et mises en œuvre par mes collègues. »
Elle raconte comment les élèves juifs sont ostracisés, exclus des écoles. Mme Faure organise alors des cours clandestins de préparation au baccalauréat. Cela s'apprend mais le débarquement d’Algérie en novembre 1942 la protégera, et l’enseignante intègrera le « service des colonies » dirigé par René Capitant, ministre de l’éducation national du gouvernement provisoire d’Alger :
« Capitant nous a réunis pour nous annoncer que Jean Guéhenno créait un service d’éducation des adultes — un “bureau de l’Éducation Populaire” — et a demandé qui voulait s’en charger. J’ai levé la main à la surprise générale. »
Sa décision est prise, Mme Christiane Faure ne veut plus travailler pour l’éducation nationale :
« La “laïcité” [à prendre ici au sens de « neutralité politique »] imposée aux enseignants ne me convenait plus. Elle empêchait toute explication franche, directe, c’est-à-dire politique, avec la jeunesse. La laïcité devenait une religion qui isolait comme les autres. Dans un cadre d’éducation des adultes, il me semblait qu’on pourrait dire tout ce qu’on voudrait. D’où mon choix pour l’éducation populaire : cadre neuf, cadre libre, où pourrait se développer l’esprit critique. »
Guéhenno veut « d’élever au plan de l’enseignement ce qui était livré aux propagandes, la formation des citoyens ». Ouvrier, professeur à Louis-le-Grand puis écrivain à force d’étudier, il conçoit "l'éducation tout au long de sa vie" comme une mission sacrée.
Car comme le rappelle Franck Lepage :
"A la Libération, les horreurs de la seconde guerre mondiale ont remis au goût du jour cette idée simple : la démocratie ne tombe pas du ciel, elle s’apprend et s’enseigne. Pour être durable, elle doit être choisie ; il faut donc que chacun puisse y réfléchir. L’instruction scolaire des enfants n’y suffit pas. Les années 1930 en Allemagne et la collaboration en France ont démontré que l’on pouvait être parfaitement instruit et parfaitement nazi. Le ministère de l’éducation nationale convient donc qu’il incombe à la République d’ajouter un volet à l’instruction publique : une éducation politique des jeunes adultes."
Une éducation populaire. La seconde partie du plan de Condorcet. Avec un siècle et demi de retard.
Ce "bureau de l’éducation populaire” ne survivra pas au début de la guerre froide. Les deux grandes force politiques de l'époque, gaullistes et communistes s’affrontent. Le risque est trop grand de voir son adversaire avoir une influence sur l’éducation des jeunes adultes. Alors en 1948, les deux mouvements s’accordent sur la fusion du "bureau de l’Éducation Populaire" avec la "direction de l’éducation physique et des activités sportives" au sein d'une « direction générale de la jeunesse et des sports ».
C'est la fin de l'ambition d'une éducation démocratique des adultes, l'abandon de l'idée d'un service public, républicain, d’éducation au sens critique ou aux enjeux politiques pour les jeunes adultes en France. Le bureau est dissous car Jean Guéhenno démissionne. Mlle Faure décide de retourner en Algérie pour diriger un service d’éducation populaire non rattaché au sport.
Voici la fin de mon histoire de l'éducation populaire. Les 50 dernières années qui nous emmènent à aujourd'hui ne voient que l'affaiblissement de notre Dame Éducation Populaire dans une logique d'animation socioculturelle. Sans aucun respect pour cette centenaire, on l'a en fait entouré de professionnels chargés de la faire vivre, eux même mis en concurrence par les collectivité locales et l'état pour savoir qui s'occuperait le mieux d'elle pour pas cher.
D'une certaine manière, on a mise cette vieille dame en maison de retraite, en espérant que personne ne viendra la voir… Et qu'un jour, (rêve des engeances du libéralisme et des politiques professionnels, barons locaux et autres profiteurs d'un système qui n'est pas démocratique) on l'oublierai tout simplement.
Mais elle est immortelle. Telle le phénix, elle renaît de ses cendres, ré-inventée constamment par des gens du monde entier qui ne connaissent même pas son histoire… Le mouvement Nuit debout, Les Gilets Jaunes, sont des épisodes qui démontrent selon moi la volonté de se faire entendre, la demande d'une autre démocratie. Des SCOP, des ESS, Les soulèvements de la Terre... Beaucoup réfléchisse à l'éducation critique et politique des adultes cherchent à l'entretenir, à l'enrichir.
Je vais me permettre de conclure sur ce qui est pour moi l'évidence que je voulais partager avec vous ce soir. Cette évidence, c'est l'identité de la Mère de cette vieille dame qu'est l’Éducation Populaire, celle qui l'a accompagnée, éduquée sur une grande partie de sa jeunesse. Une mère à peine plus vieille qu'elle, et aussi tenace qu'elle face au gens qui veulent la voir disparaître.
Oui, certains d'entre vous s'en doute, mais la Mère de l'Éducation Populaire est tout simplement le siècle des lumières. Tout d'abord, par les valeurs défendues : le développement des droits humains et de la démocratie, la liberté, l'égalité, la fraternité et surtout la République et la Laïcité comme ADN.
Pour que le projet humaniste continue à progresser, je rêve du retour en grâce de cette laïque alliance entre les forces progressistes et l’Éducation Populaire. Contre les Marchés, contre les non-dits, contre les préjugés, face aux oligarchies ; Éduquons ensemble les jeunes adultes dans la continuité de l'école républicaine pour retrouver le sens d'une démocratie1 du peuple avec toutes ces contradictions, mais aussi toutes ses dimensions..
Face à la bêtise, aux populismes et aux intégrismes, n'oublions pas notre histoire, ni le combat des Lumières, ni le chemin parcouru ! Et dans ce monde d'abrutissement médiatique, dans cette démocratie de l'émotionnel, sans mémoire, ni distance, comprenons l'urgence de redonner force et vigueur à cette Éducation Populaire qui agonise et qui pourtant est notre seule chance face à la montée des fachismes.
Le projet, c'est de libérer les hommes par l'éducation : Rendons le populaire !
1 Définition de Paul Ricoeur : «Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c'est-à-dire traversée par des contradictions d'intérêt et qui se fixe comme modalité, d'associer à parts égales, chaque citoyen dans l'expression de ces contradictions, l'analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d'arriver à un arbitrage».
Bibliographie
Chevallier, Pierre, La séparation de l'église et de l'école, Jules Ferry et Léon XIII, Paris, Fayard, 1981, 485 p
Lepage Franck, Article du monde Diplomatique, mai 2009
Wikipédia Lois Jules Ferry, Ligue de l'enseignement, Education Populaire, Bourses du travail,