Après les enquêtes de Mediapart entamées à l’automne 2015 sur “la mafia du CO2”, j’ai voulu consacrer à cette histoire devenue pour moi une obsession un livre, D’argent et de sang, publié ce jeudi 6 septembre aux éditions du Seuil.
Il y a, comme toujours, plusieurs prismes par lesquels entrevoir ce que l’on nomme parfois par facilité, nous les journalistes, une “affaire”.

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Pour celle-ci, j’ai voulu écrire un livre différent des précédents. Pas un ouvrage dans lequel j’aurais souhaité à tout prix démontrer combien j’avais raison grâce à nos découvertes journalistiques — vous savez, ces livres “documents” où chaque chapitre ressemble à un gros article velu. J’en ai déjà fait de tels, et plus d’un.
Je voulais cette fois-ci tout simplement raconter une histoire. Une histoire sans fiction mais avec ses épaisseurs humaines et ses tragédies intimes ; et ce que celles-ci entremêlées révèlent de l’époque qu’elles rencontrent.
À l’origine, il y a la trajectoire de deux gamins des rues de Belleville, à Paris. Samy et Marco ont arrêté l’école avant d’avoir mué et leur existence, tissée de débrouillardise urbaine et d’instinct de survie sociale, les oblige à comprendre que la seule prospérité possible se situera pour eux en dehors du Code pénal. C’est du moins la vie qu’ils se choisissent. Ils seront escrocs.
À l’autre bout de la ville et de l’échelle sociale, dans le XVIe arrondissement, il y a un jeune homme des quartiers huppés qui traîne une vie insouciante. Arnaud est un blouson doré. Son rêve est de devenir un avatar de Gordon Gekko, le héros du film Wall Street, d’Oliver Stone. Il sera trader.
Rapprochés par le démon des tables de jeu et du poker, Samy, Marco et Arnaud vont former un trio infernal. En s’infiltrant dans les failles de l’État et des lois internationales, ils réussissent à duper l’intelligence la plus diplômée du pays, celle d’énarques et de polytechniciens qui ont travaillé à la mise en place d’une nouvelle Bourse financière aux nobles aspirations : lutter contre le réchauffement climatique et les émissions de CO2.

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Jadis, la mafia américaine avait prospéré sur la Prohibition. L’entreprise des escrocs du CO2 sera quant à elle le produit de son époque : la rencontre de l’écologie et du capitalisme de casino.
Il en résultera au final la plus grande escroquerie de l’histoire de France. Au moins deux milliards d’euros sont détournés, en quelque mois seulement, au nez et à la barbe du fisc français. Un fiasco d’État.
C’était il y a dix ans.
Mais après l’épiphanie de l’argent, il y a la décadence du sang. Le crime français va muter sur le dos de l’incommensurable magot du CO2. Comme dans un Scorsese, tout dégénère. Rivaux et témoins sont éliminés à intervalles réguliers les uns après les autres, chez eux ou en pleine rue. L’épidémie d’assassinats qui frappe Paris met policiers et magistrats en déroute depuis bientôt une décennie.
Voici l’histoire que j’ai voulu raconter : celle des Affranchis français.
Pour en parler avec vous, chers lecteurs, nous organisons un chat lundi 10 septembre, de 11 heures à midi. Vous pourrez alors poser vos questions sur Mediapart (site, mobile, ou tablette) et aussi sur twitter en utilisant l’hashtag #dargentetdesang. Et vous connaissez la règle : les mauvaises questions sont celles qu’on ne pose pas.
À lundi, j’espère.
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Ci-dessous, le replay de mon entretien avec Léa Salamé au micro de France Inter: