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Billet de blog 11 mai 2009

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Audiovisuel public: le roi est nu

Il suffit parfois de pas grand chose. Ici, d'une phrase.

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Il suffit parfois de pas grand chose. Ici, d'une phrase. Une phrase qui dévoile, en neuf mots seulement, le vrai visage de la réforme Sarkozy sur le nouveau mode de nomination du patron de l'audiovisuel public français.

Le chef de l'Etat l'avait pourtant juré: sa «rupture» en la matière allait signer une avancée démocratique, avec plus de transparence publique et de contre-pouvoir dans la désignation du président de France Télévisions ou de Radio France, qui, disait-on, se résumait jusqu'ici à un théâtre de manœuvres de l'ombre.

La preuve, involontaire, du boniment présidentiel se trouve dans un article du Monde consacré à Jean-luc Hess à l'occasion de son arrivée effective, mardi 12 mai, à la tête de Radio France. C'est Hess lui-même qui rapporte l'anecdote. Lors d'un rendez-vous à l'Elysée, fin février, Nicolas Sarkozy lui a posé cette question: «Voulez-vous être le prochain président de Radio France ?». Le fait du prince est là, tout entier contenu dans ces quelques mots.

Hess a répondu «oui», sans hésiter. Il confie au journaliste du Monde qu'à peine sorti du bureau élyséen, il jubilait «comme le loup de Tex Avery». A ses proches, il raconte dans la foulée avoir «gagné au Loto sans avoir coché les grilles».

Ainsi, en ce jour de février, Jean-Luc Hess (photo) était, à l'en croire, déjà sûr et certain de devenir le prochain patron du premier groupe radiophonique français, sucesseur d'un Jean-Paul Cluzel tombé en disgrâce au Château, alors qu'il n'avait même pas encore passé ses oraux devant le CSA et le Parlement. Ceux-ci se sont d'ailleurs révélés, dans un cas comme dans l'autre, catastrophiques, soit d'incompétence soit de dilettantisme, renvoyant le système de contrôle voulu par Nicolas Sarkozy à un simple rôle de chambre d'enregistrement, comme le craignaient les contempteurs de la réforme (un article de Mathilde Mathieu sur le sujet, ici).

Si l'en était besoin, l'annonce ce 12 mai du départ de Philippe Val (photo) de la direction de Charlie Hebdo pour rejoindre Jean-Luc Hess à Radio France (à un poste encore inconnu) est le dernier exemple en date de ce scénario écrit d'avance et de la mystification de la réforme Sarkozy, qu'aucune procédure de contrôle type CSA, Assemblée nationale ou Sénat n'est venue éclairer. Alors que la rumeur était persistante depuis des semaines sur une arrivée de Philippe Val à Radio France - notamment à la tête de France Inter -, Jean-Luc Hess, interrogé sur ce point à plusieurs reprises, s'est bien gardé de répondre à la question, restant évasif pour préserver des mystères de jeune fille et, ainsi, enterrer un devoir de transparence pourtant élémentaire. Mais sitôt installé dans son siège de président de Radio France, il confirme: oui, c'est vrai, Val vient avec lui...

Le président de la République avait pourtant promis, l'air solennel, que cela ne se passerait jamais ainsi. C'était le 5 février dernier, à la télévision, lors de l'émission de type monarchique Face à la crise. David Pujadas avait introduit sa question par ces mots: «Désormais, c'est la président de la République qui nommera et révoquera les présidents de l'audiovisuel public...».

Nicolas Sarkozy le coupe sèchement. «C'est faux. C'est factuellement faux», observe-t-il. Le chef de l'Etat enchaîne: «C'est le conseil des ministres [qui fera cette nomination]. Que les Français soient bien informées de cela, c'est tellement plus simple de dire les choses de façon exacte».

Extrait:

Les faits, obstinés, viennent de démontrer que le président a menti. C'est lui et lui seul, dans le secret de son bureau à l'Elysée, qui a décidé. Cela porte un nom: le césarisme.