Des soirées, des émissions radio, des sites internet lui sont entièrement dédiés. A quoi ? Au mash-up. Derrière ce terme anglais, qui peut littéralement se traduire par «écraser», mais plus usuellement par «mélanger», se cache un mouvement muscial de DJ's qui ne tient pas le haut du pavé culturel mais dont le nombre d'adeptes n'a cessé de grossir depuis cinq ou six ans en Europe. Quand j'ai découvert cela il y a trois ans grâce à un copain dénicheur de pépites, Charles Elé, sorcier de la webradio Radio Shic, j'ai adoré. Puis je me suis demandé ce que le mash-up pouvait bien nous dire de notre époque. Là, j'ai moins adoré.
La recette du mash-up est simple à comprendre, mais sa réalisation, elle, relève de la prouesse technique, sorte d'extrapolation du sample. Il s'agit pour un DJ d'accoler la partie vocale d'un morceau sur la partie instrumentale d'un autre morceau. Exemple: vous prenez la ligne musicale (originale) de I'm Wating for the man du Velvet Undeground (photo) sur laquelle vous plaquez le chant et les paroles (originaux) de Should I stay or sould I go des Clash. Pour écouter le résultat, cliquez ici.
Un autre exemple, avec les Beastie Boys et... Claude François. Ici.
Et un troisième, avec The Cure et Mc Solaar. Là.
Le charme est, je trouve, immédiat. Le procédé est d'autant plus efficace quand il fait entrer en collision des influences diamétralement opposées sur le grand échiquier musical (Beyoncé et Nirvana, Sean Paul et Kool and the Gang, Indeep et U2, etc.). Aussi appelé bastard pop ou bootleg (en référence à la contrebande d'alcool car il n'est pas sans poser quelques problèmes de droits d'auteurs), le mash-up a des ambassadeurs un peu partout dans le monde. Je ne suis pas vraiment spécialiste de la question mais on peut citer DJ Zebra ou DJ Moule (oui, moule...) en France, EarlyBird ou PartyBen dans les pays anglo-saxons et les pionniers 2ManyDJ's en Belgique.
Le mash-up, à chaud, on se dit donc que c'est bien.
Mais à regarder de plus près, il y a un deuxième effet Kiss Cool©. Comme si la signification culturelle du mash-up était inversement proportionnelle au régal immédiat qu'il procure. En réalité, c'est un inquiétant miroir de l'époque en cela qu'il incarne une certaine peur du vide... remplie par un trop-plein de vide.
Je m'explique.
Au-delà de la prouesse technique et du plaisir qui en découle, le mash-up se vautre dans une nostalgie extrêmement régressive qui me fait penser à cette mode en vogue chez les trentenaires selon laquelle c'est trop sympa de revoir entre potes les dessins animés de son enfance en chantant les génériques de Capitaine Flam et Albator, bien fort et une bière à la main.
Le mash-up, qui a une peur panique de l'inconnu, ne marche que parce qu'il est ultra-référencé culturellement pour une ou plusieurs générations. Il rassure. Rallume les souvenirs, les mélange. Mais ne dit rien. N'a pas le début de commencement d'un message. C'est là que ce mouvement entre en résonance avec la talentueuse vacuité des écrivains ou chanteurs d'intérieur du moment qui pensent brosser le quotidien en citant le nom des étagères Ikea© ou en parlant de sa première gorgée de bière. Le mash-up est, en résumé, le symptôme d'une culture de la citation passéiste (Rémy Bricka chez Julien Doré), du zapping (Les Enfants de la Télé), de la compilation (Houellbecq + BHL, bientôt en librairie), de l'empilement (les agrégateurs de flux sur le web).
Du best-of, en somme. Vous savez, comme le nom de ces menus chez Mc Donald©.