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Billet de blog 1 octobre 2025

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Montréal sous pression

Entre glace et flammes politiques, Michael Angelo Hammer découvre que le sport peut devenir l’ultime terrain de souveraineté.

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Michael Angelo Hammer observait la scène depuis son fauteuil, tasse de café à la main. Sur la terrasse, la tourterelle la plus massive s’était installée en boule, plumes gonflées, le regard serein. L’autre, plus frêle, avait tenté une approche, mais s’était fait chasser d’un battement d’ailes sec. Hammer esquissa un sourire : même chez les oiseaux, il y avait toujours un chef. Mais ce qui le fascinait, ce n’était pas la loi du plus fort. C’était la confiance. Cette grosse tourterelle, “la Boss”, savait qu’ici, elle pouvait se poser sans crainte. Preuve qu’au moins dans un coin de New York, la paix existait encore — même si elle ne tenait qu’à un battement d’ailes.

Michael Angelo Hammer n’était pas venu au Canada pour une enquête. Cette fois, il s’agissait de famille. Sa sœur cadette, installée depuis quinze ans à Montréal, avait épousé un Canadien solide, passionné de hockey sur glace. L’occasion parfaite pour Hammer de souffler, loin du vacarme new-yorkais.

À cinquante ans passés, l’homme restait fidèle à sa routine : footing le matin dans les rues enneigées, pompes et haltères dans le garage de son beau-frère, avant de passer ses après-midis à arpenter les cafés du Plateau. Veste de cuir noir sur jeans et T-shirt, il se fondait dans le décor, mais son regard émeraude trahissait toujours cette vigilance de fauve.

Un soir, alors qu’il feuilletait un journal anglophone, le titre l’arrêta net : “Trump veut faire du Canada le 51ᵉ État américain.” Hammer laissa échapper un ricanement. Une pure connerie, songea-t-il. Voilà des décennies qu’il ne votait plus, lassé des bouffonneries politiques. Mais cette provocation lui donnait un goût amer.

Le hasard voulut qu’on l’invite le lendemain à un match de prestige : Canada–États-Unis, dans l’arène bondée du Centre Bell. Le hockey était bien plus qu’un sport ici, c’était un drapeau sur patins. Et ce soir, les tensions étaient palpables.

Dans les gradins, Hammer observait. Les visages crispés. Les banderoles hostiles. Les Américains hués. L’annonce de Trump avait allumé un brasier invisible : chaque mise en échec, chaque coup d’épaule résonnait comme une revendication nationale. Sur la glace, la partie dégénérait en bagarres. Poings, coudes, visages ensanglantés. Le hockey devenait pugilat, symbole d’une défiance politique.

Hammer, impassible, suivait le jeu, verre de bourbon à la main. Son beau-frère fulminait, sa sœur tremblait. Puis, dans un troisième tiers incandescent, les Canadiens arrachèrent la victoire. La foule explosa, rouge et blanche comme un cri de liberté.

 Alors, dans un geste spontané, Hammer attrapa une écharpe aux couleurs de Team Canada et la brandit au-dessus de sa tête. Son sourire narquois en disait long : ce n’était pas seulement du sport. C’était une façon d’envoyer valser l’arrogance d’un président dont il n’avait que faire.

Sous les projecteurs, entre la glace maculée et les tribunes en transe, Michael Angelo Hammer sut que ce voyage n’était pas qu’une affaire de famille. C’était une leçon de souveraineté.

 © 2025 Fabrice Balester

Illustration 1
Hammer by Balester

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