Cela faisait pourtant partie de la vie de détective privé : des affaires irrésolues, des nuits blanches, des dossiers troublants. Ce soir-là, cependant, il fut arraché à ses pensées par une série de coups rapides frappés contre la porte. Stella, sa secrétaire, entra précipitamment.
— Michael, c’est Josy, annonça-t-elle d’une voix anxieuse. Elle est ici, et elle est terrifiée. Josy était l’une de ses amies les plus chères. Michael l’avait connue des années auparavant, et depuis, ils avaient gardé un lien fort, presque intact malgré le temps. Lorsqu’il vit son visage blême et ses yeux agrandis par l’effroi, il comprit immédiatement que quelque chose de grave se tramait.
— Josy, raconte-moi ce qui se passe, murmura-t-il, lui offrant une chaise et un verre d’eau. Elle prit une grande inspiration, tremblante.
— Michael… il y a quelqu’un qui veut me tuer, balbutia-t-elle. Michael serra les dents. Il avait déjà entendu des menaces de ce genre, mais jamais de la part de quelqu’un qu’il considérait presque comme de la famille.
— Pourquoi penses-tu cela, Josy ? Qui pourrait vouloir te faire du mal ?
— Je reçois des lettres anonymes depuis plusieurs semaines. Des mots terrifiants, des menaces de mort. Et récemment, j’ai trouvé des signes de quelqu’un qui s’introduit chez moi la nuit… des objets déplacés, des portes ouvertes que j’avais fermées. Elle lui tendit un paquet d’enveloppes froissées. Michael les prit, parcourant les phrases écrites en lettres majuscules, tremblantes, comme griffonnées dans la hâte. Chaque mot transpirait une rage sourde et menaçante.
— Je crois qu’il va vraiment s’en prendre à moi un jour, Michael, murmura Josy en retenant un sanglot. Il posa une main rassurante sur son épaule. On va comprendre ce qui se passe, Josy. Je te promets que personne ne te fera de mal.
*
Michael décida d’accompagner Josy chez elle ce soir-là. Elle habitait à seulement quelques stations de métro de son bureau. En chemin, il remarqua son regard constamment tourné derrière elle, guettant dans les ombres du soir le moindre signe de danger. Il lui proposa de rester chez elle, de veiller durant la nuit. Si un inconnu tentait de s’introduire dans son appartement, Michael comptait bien le surprendre. Les heures s’écoulèrent lentement, et le détective resta éveillé, assis près de la porte, ses sens en alerte. Pourtant, la nuit demeura calme. Au petit matin, Josy s’éveilla épuisée, mais le soulagement de ne pas avoir été seule lui rendit quelques couleurs.
— Ce type connaît ton passé, Josy, déclara-t-il après avoir examiné les lettres encore une fois. Il semble te haïr d'une façon personnelle. Il faut que tu me parles de ce qui aurait pu… provoquer cette haine. Elle baissa les yeux, hésitante.
— Michael, il y a… des choses que je n’ai jamais racontées, même à toi.
— C’est le moment de tout me dire, Josy. Si je veux te protéger, je dois comprendre. Elle inspira profondément, comme pour se préparer à un aveu qu’elle portait depuis trop longtemps. Puis, d’une voix calme mais chargée de douleur, elle lui raconta.
**
Des années auparavant, alors qu’elle n’était qu’une jeune adulte, Josy avait été témoin d’un crime. Lors d’une fête universitaire, elle avait surpris une scène violente dans un dortoir voisin : deux étudiants, visiblement enivrés et en proie à une dispute acharnée. Elle avait vu l’un d’eux s’enfuir précipitamment, laissant l’autre agonisant sur le sol. Horrifiée, elle avait alerté les autorités. Le coupable, Steven Layne, avait été arrêté grâce à son témoignage et condamné pour homicide involontaire. Josy ne l’avait plus jamais revu, mais elle savait qu’il avait été libéré récemment pour bonne conduite. Michael écoutait attentivement, comprenant peu à peu ce qui reliait le passé à la menace actuelle. Steven Layne était sorti de prison et nourrissait probablement une vengeance dévastatrice envers Josy, l’unique témoin qui avait scellé son destin.
— Il a juré de se venger ajouta Josy, je le sentais dans ses yeux, même le jour du procès. Michael hocha la tête. Il n’avait plus de doute. Steven Layne était certainement derrière tout cela, et il ne s’arrêterait pas tant qu’il n’aurait pas achevé sa sinistre vengeance.
***
Dès le lendemain, Michael s’investit corps et âme dans la traque de Steven. Aidé de Stella, il passa des heures à fouiller les archives judiciaires, à contacter d’anciens avocats, et à consulter des bases de données. Il découvrit rapidement que Steven vivait dans un quartier délabré du Bronx, sous un faux nom. Le passé l’avait probablement rejeté, et la vengeance était la seule chose qui lui restait. Une nuit, après plusieurs jours de traque, Michael et Stella parvinrent à identifier un appartement où Steven résidait temporairement. Avec l’aide d’une vieille connaissance dans la police, Michael obtint l’autorisation de se rendre sur place, espérant le confronter. Ils attendirent que Steven sorte pour entrer dans l’appartement. Michael chercha des indices. Sur un mur, il trouva des photos de Josy, prises à son insu. Des articles découpés, des lettres déchirées… tout témoignait d'une obsession morbide. Soudain, ils entendirent des pas résonner dans le couloir. Steven rentrait. Michael et Stella se cachèrent derrière la porte. Steven pénétra dans la pièce, et avant qu’il ne puisse se retourner, Michael surgit.
— Steven Layne, déclara-t-il calmement. On dirait que ta haine a fini par te détruire. Steven recula, surpris et furieux, mais Michael était prêt. Avec une rapidité maîtrisée, il le plaqua contre le mur. Stella appela les renforts, et en quelques minutes, la police arriva pour emmener Steven. Ce dernier cracha des insultes, promettant que Josy et Michael payeraient. Mais, pour Michael, ces menaces n’avaient plus de poids.
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Plus tard dans la journée, Michael retrouva Josy pour lui annoncer la nouvelle. Elle éclata en sanglots de soulagement, laissant toute la peur et la tension se libérer en une seule vague.
— Tu n’as plus rien à craindre, Josy. Il ne reviendra plus, murmura Michael en l’enlaçant doucement. Elle leva les yeux vers lui, un sourire éclairant son visage.
— Merci, Michael. Merci d’être là pour moi. Le détective lui sourit, sentant une paix rare l’envahir. Dans la lumière dorée du soleil couchant, il la reconduisit chez elle, assurant qu’elle serait en sécurité désormais. Ce soir-là, en rejoignant son bureau du 54ème étage d’un building, il se sentit apaisé. Il savait que la justice n’était pas toujours simple à atteindre, mais parfois, il suffisait de croire en ceux que l’on protégeait. Il contempla la Skyline et ses lueurs bleutées, prêt à affronter la prochaine affaire, mais heureux de savoir que, pour une fois, tout avait bien fini.
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