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Billet de blog 17 juin 2025

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Au revoir, Monsieur Labro

Philippe Labro s’est éteint le 4 juin dernier à l’âge de 88 ans. Journaliste brillant, écrivain inspiré, cinéaste audacieux, homme de radio à la voix familière, il a marqué plusieurs générations. Pour moi, il fut une rencontre fondatrice. Voici ce que je voulais dire, à ma façon, à l’heure où il nous quitte.

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J’avais vingt ans lorsque j’ai ouvert pour la première fois un livre de Philippe Labro. "Un début à Paris", c’était son titre. Je me souviens du moment avec une précision étrange, presque cinématographique : un banc dans un square, le ciel pâle, le livre entre mes mains. Il parlait d’un jeune homme qui découvre la ville, le journalisme, la liberté et les affres du doute.

Je ne le savais pas encore, mais ce récit serait pour moi une porte d’entrée. Depuis ce jour, je n’ai jamais cessé de suivre Philippe Labro. Lire ses livres – romans, récits, essais – revenait à entrer dans une conversation dense, chaleureuse, avec un homme qui savait raconter. Mais aussi écouter, observer, décoder.

Plus tard, lorsque je suis moi-même devenu auteur, j’ai ressenti un lien invisible mais têtu avec lui. Je l’ai croisé pour la première fois en 2009, au Salon du Livre de Paris. Il était là, entouré de lecteurs, l’œil vif et le sourire bienveillant. Ce fut bref, mais inoubliable.

Trois ans plus tard, en 2012, je faisais partie du public de son émission "Langues de bois s’abstenir". À la fin, nous nous sommes serrés la main. Quelques mots échangés, et ce contact – cette simple poignée de main – valait tous les discours. Car Philippe Labro, c’était un style, une élégance, une curiosité jamais en repos.

Une vie entière consacrée aux mots et à leur transmission. Il fut tout à la fois : écrivain prolifique, toujours attentif aux parcours, aux dérives, à la lumière intérieure que chacun cherche ; journaliste observateur de l’Amérique et envoyé spécial suite à l'assassinat de Kennedy à Dallas en 1963 ; patron de radio, qui insuffla à RTL sa façon d'être et de diriger les programmes afin qu'elle conserve ses lettres de noblesse  ; parolier pour Johnny et Gainsbourg géants de la musique française ; cinéaste, enfin, avec sept longs-métrages à son actif. Il a dirigé Belmondo, Depardieu, Claude Brasseur, Carole Bouquet, découvert Luchini… Rien que ça ! Son cinéma, souvent jugé à la marge, était intimement influencé par Jean-Pierre Melville, son mentor.

Philippe Labro nous laisse une œuvre. Mais il nous laisse aussi un exemple : celui d’un homme qui n’a jamais cessé de chercher, de douter, d’explorer. Un homme debout, dans un monde souvent penché. Je ne le connaissais pas personnellement. Mais il a accompagné ma jeunesse, nourri mes envies d’écriture, inspiré mes choix. Alors oui, son départ me touche.

Au revoir, Monsieur Labro. Et merci.

© 2025 Fabrice Balester

Illustration 1
Philippe Labro et ses écrits américains (éditions Gallimard)

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