Hammer l’avait rencontrée en enquêtant sur une affaire impliquant son agent, et depuis, ils avaient gardé le contact. Alors qu’il attrapait sa veste en cuir avec l'objectif de rejoindre Suzy, sa secrétaire Stella fit irruption dans le bureau. Stella avait toujours un sixième sens pour sentir les ennuis arriver...
— Michael, tu ne vas pas aimer ça, lança-t-elle en se tenant dans l’embrasure de la porte. Avant qu’il ait pu répondre, un coup de fil résonna. C'était un inspecteur de la New York City Police Department, un vieux copain à lui, Pat Stroud.
— Michael, il faut que tu viennes tout de suite. On vient d’arrêter Suzy Blane. Elle est accusée d’avoir tué son ex-mari, Peter Jones. Michael sentit un poids s’abattre sur lui. Peter Jones, l’ex-mari de Suzy, était un producteur influent dans l'industrie du cinéma. Leur divorce avait été public, et Peter était connu pour son tempérament explosif. Pourtant, Michael ne pouvait imaginer Suzy capable d'un meurtre.
— J’arrive, Pat. Ne laisse pas Suzy seule, répondit-il en raccrochant. Il fit un signe à Stella, et ils descendirent ensemble au commissariat.
*
Lorsque Michael arriva, Suzy était déjà en salle d'interrogatoire, les yeux rougis, le visage marqué par la fatigue. Pat, un policier au visage buriné et aux airs de pitbull, lui montra ce qui s’apparentait à un dossier rempli de preuves.
— Michael, cette fois, ça sent mauvais. On a retrouvé l’arme avec ses empreintes dans la maison de Peter, et des voisins affirment l’avoir vue entrer dans son appartement la veille du meurtre. Michael fronça les sourcils. Tout cela semblait trop parfait, trop bien ficelé pour que ce soit la vérité.
— Pat, Comment te dire ?… Cette fille ne ferait pas de mal à une mouche ! murmura-t-il en ouvrant le dossier. Une heure plus tard, après avoir étudié les preuves et discuté avec Suzy, il ressortit de la salle d’interrogatoire, convaincu de son innocence. Les éléments réunis contre elle étaient nombreux, mais Michael sentait que quelque chose clochait. Il avait l’intuition que Suzy avait été piégée.
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De retour dans son bureau, Michael se mit à passer en revue la vie de Peter Jones. Son assistante Stella, en faisait de même de son côté.
— J'ai trouvé quelque chose, Michael. annonça-t-elle, l'air grave. Peter avait accumulé beaucoup d'ennemis dans le milieu du cinéma. Plusieurs producteurs et acteurs avaient des comptes à régler avec lui.
Ils découvrirent que Peter était impliqué dans des affaires de chantage. Il avait monté plusieurs carrières en menaçant de révéler des secrets compromettants, ce qui lui avait attiré des inimitiés profondes. Michael et Stella creusèrent davantage, interrogeant les connaissances de Peter et les employés de son entourage.
Tous pointaient vers une rivalité particulière avec un homme du nom de Alan Jobbard, un jeune producteur pour lequel Peter avait fait échouer plusieurs projets.
Michael décida de tendre un piège. Il programma un rendez-vous avec Jobbard sous un faux prétexte, espérant que celui-ci laisserait échapper une information compromettante. Lors du rendez-vous, Jobbard se montra méfiant. Cependant, avec quelques questions bien placées, Michael parvint à le déstabiliser. Il apprit que Jobbard avait rencontré Peter la veille de sa mort et qu'ils avaient eu des échanges assez vifs...
— Mais ça ne prouve rien, Hammer ! s'emporta Jobbard. Il poursuivit : ce type m’a gâché la vie, mais je ne suis pas un meurtrier pour autant ! Cependant, une nouvelle piste s'ouvrit lorsque Jobbard mentionna le nom d’une certaine Natalie qui avait travaillé avec Peter. Selon lui, elle le détestait au point de vouloir « lui faire la peau ».
***
Michael retourna au bureau et passa une nuit blanche à reconstituer toutes les informations. Le puzzle commençait à prendre forme. L’arme utilisée pour le meurtre, une réplique d’un ancien pistolet de collection, appartenait à Peter. Le lendemain, Michael retourna voir Suzy. Il lui demanda de lui parler de tous les détails de sa relation avec Peter qui pouvaient lui paraître troublants. C'est alors qu’elle se souvint d’un épisode en particulier : une actrice, Natalie, avait souvent exprimé une haine tenace envers Peter. Elle et Suzy étaient proches à une époque, mais Peter avait brisé leur amitié en manipulant Natalie pour lui soutirer des informations compromettantes sur Suzy au moment où leur mariage battait de l’aile... Suzy raconta à Michael que Natalie avait accès à l'appartement de Peter.
L'idée de Natalie comme suspecte s’imposa clairement à lui. Michael décida de la rencontrer, et lors de leur entrevue, il utilisa les informations qu’il avait obtenues pour la déstabiliser. A sa grande surprise Natalie finit par avouer assez facilement. Elle n’était pas ce que l’on appelle une "tueuse dans l’âme" mais c’était bien elle qui avait tout manigancé pour faire accuser Suzy…
Avec cette confession, l’affaire était résolue. Suzy fut immédiatement libérée, et l’accusation de meurtre fut abandonnée. La presse s’empara de l’affaire, faisant de Suzy la victime innocente d’une machination diabolique.
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Si Michael Angelo Hammer était connu pour ses enquêtes, ce soir-là il avait rangé ses habits de privé pour une chemise élégante et un sourire désarmant. En face de lui, Suzy, actrice au charme incandescent, riait à l'une de ses anecdotes amusantes dont il avait le secret. Ils étaient attablés dans un restaurant italien très prisé de Manhattan, une adresse où le murmure des conversations se mêlait aux cliquetis des verres et aux parfums enivrants de basilic et de sauce tomate. Le plat signature du chef, des spaghettis nappés d’une sauce tomate maison et saupoudrés de parmesan fraîchement râpé, trônait sur la table. Michael savourait chaque bouchée, s’accordant de temps à autre une gorgée d’un vin de très bonne facture qui faisait chanter ses papilles. Suzy, vêtue d’une robe noire au décolleté discret mais magnétique, faisait tournoyer ses pâtes avec une élégance naturelle. Son chignon impeccable révélait la délicatesse de son cou, et chaque éclat de rire illuminait son visage. Mais au fil du repas, une note dissonante s’invitait : son téléphone. Il vibrait sans relâche, bourdonnant comme une mouche dans la sérénité de leur soirée. Suzy jetait des regards contrariés à l’écran. Michael, curieux, leva un sourcil.
— Ils ne vont pas te lâcher, hein ? dit-il, un sourire amusé au coin des lèvres.
— C’est Hollywood, soupira Suzy en décrochant enfin. Deux minutes, Michael. Elle s’éloigna un instant, sa silhouette gracieuse se découpant sous les lumières tamisées. Michael observa la scène en silence, son instinct de détective devinant que cet appel n’était pas une simple formalité. Lorsqu’elle revint, son sourire était plus éclatant que jamais, ses yeux pétillants.
— Alors ? demanda-t-il, inclinant légèrement la tête.
— Ils veulent me rappeler pour le rôle principal d’un long métrage, murmura-t-elle en reprenant sa place. Grâce à toi. Michael haussa les épaules, feignant l’indifférence.
— Alors, à ton grand retour sur le devant de la scène, déclara-t-il en levant son verre.
— Et à toi, mon héros des coulisses, répondit-elle en trinquant avec lui. Les éclats de rire reprirent, leurs regards échangés empreints d’une complicité que rien ne semblait pouvoir ébranler. La nuit promettait encore mille surprises, mais pour l’instant, ils se contentaient de savourer ce moment suspendu dans le tumulte de leurs vies trépidantes.
— Tu as fait bien plus que me sauver, Michael, lui confessa Suzy en lui adressant un immense sourire. Michael sourit à son tour. Le mal avait été vaincu, et il lui avoua qu’il avait trouvé, en sa personne, bien plus qu'une simple cliente de détective privé !
© 2024 Fabrice Balester
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