Je suis tombé dans Tom Wolfe un peu comme on tombe sur un vieux vin oublié dans un coin de cave : un peu par hasard, mais avec la sensation immédiate d’avoir mis la main sur quelque chose de rare.
J’avais bien sûr entendu parler de L’Étoffe des héros, son épopée sur les premiers astronautes américains, et du Bûcher des vanités, ce grand roman new-yorkais qui dissèque l’ambition, le pouvoir et la chute sociale avec une précision chirurgicale. Des œuvres monumentales.
Mais c’est un tout autre Wolfe que je découvre en ce moment. Je lis "Où est votre stylo ? Chroniques d’Amérique et d’ailleurs", un recueil éclaté, foisonnant, à l’image du New Journalism qu’il a contribué à inventer. Ces textes, pour la plupart parus dans le New York Herald Tribune dans les années 60, ont ce ton particulier : mi-ironique, mi-émerveillé ; d’un observateur qui voit mieux parce qu’il regarde de biais.
C’est un Wolfe plus joueur, plus libre, moins romancier et plus funambule du style. Et puis, surprise : le livre est ponctué de croquis. Des dessins de Wolfe lui-même, capturant des scènes de rue, des visages, des postures. Un trait nerveux, expressif, bourré de personnalité. Le dandy savait dessiner, vraiment !
Ces esquisses ajoutent une autre dimension à ses chroniques : elles les prolongent, les commentent, parfois les contredisent. On sent un homme qui regarde le monde avec une gourmandise intacte, une curiosité qui passe aussi bien par le stylo que par le crayon.
Lire ces pages aujourd’hui, c’est redécouvrir une Amérique en pleine mutation, entre éclats de modernité et restes de conformisme. C’est aussi un peu comme prendre un cours de journalisme auprès d’un maître qui n’aurait jamais supporté les fiches méthodo !
Wolfe, c’était l’instinct, la fulgurance, la mise en scène de l’ordinaire. Et son stylo, il ne le perdait jamais très longtemps.
© 2025 Fabrice Balester

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