Sorti en 1970, "Borsalino" nous plonge dans les bas-fonds de Marseille des années 1930, où deux gangsters charismatiques, Roch Siffredi (Delon) et François Capella (Belmondo), naviguent avec panache entre rivalités et alliances dans le monde interlope des truands et de la pègre. Dès les premières minutes, le film impose son style, un mélange parfait de réalisme et d’esthétique léchée, rendant hommage aux films noirs américains tout en les ancrant dans la Méditerranée. Mais au-delà du scénario haletant et des scènes d’action soignées, "Borsalino" est avant tout un duel, une confrontation de styles et de personnalités. Delon et Belmondo, à l’apogée de leur carrière, incarnent à merveille cette dualité. D’un côté, Delon, avec son regard glacé, son élégance distante et son aura de danger, est le flegmatique Roch Siffredi. On y retrouve tout ce qui a fait sa grandeur : la précision de son jeu, son minimalisme émotionnel qui cache un volcan intérieur, une complexité qui suscite à la fois fascination et crainte. De l’autre, Belmondo est l’exact opposé, un bouillonnement d’énergie, de rires et de provocations. Son François Capella est spontané, impulsif, toujours prêt à se lancer dans l’action avec ce sourire narquois qui le caractérise tant. Le génie de "Borsalino" réside dans la dynamique entre ces deux géants. Ils sont à la fois opposés et complémentaires, complices et concurrents, animés par une même ambition : régner sur la ville. Chaque scène les montrant ensemble est un pas de deux, un ballet où les tensions s'accumulent, où l’on sent la rivalité sourde derrière les gestes fraternels. La caméra de Jacques Deray capte cette complexité avec une attention presque amoureuse, comme pour souligner que, sans l'un, l'autre ne serait pas complet. Ils sont l’ombre et la lumière, le calme et la tempête, deux faces d’une même pièce scintillante. Revoir "Borsalino" le jour de la disparition d’Alain Delon, c’est mesurer la place immense qu’il occupait dans le cinéma français, et plus largement dans l’imaginaire collectif. C’est aussi, peut-être, rendre hommage à une époque révolue, celle où les stars avaient cette aura quasi mythologique, où les films avaient le temps de construire des légendes. Delon et Belmondo, dans ce chef-d'œuvre, incarnent à jamais l’image du truand romantique, du gangster à l’ancienne qui, malgré ses travers, fascine et séduit. Ce film culte nous rappelle que le cinéma est aussi une histoire d’hommes, de rencontres et de complicités. "Borsalino" reste l’un des témoignages les plus vibrants de la complexité de ces deux icônes, qui, au-delà des rôles, ont su créer une alchimie inoubliable. Revoir "Borsalino", c’est renouer avec cette magie, cet éclat unique de deux étoiles qui continueront, à jamais, de briller.
© 2024 Fabrice Balester

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