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Géographe, enseignant, ancien élu local rêvant de renouveler, d'unifier et promouvoir une vraie Gauche pour relever les défis démocratiques, économiques, sociaux, écologiques, éducatifs, culturels et technologiques, sans naïvetés ni renoncements.

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Billet de blog 6 février 2017

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Du vote blanc au tirage au sort, sautons le pas

Et si le vote blanc, en manque de reconnaissance malgré une loi récente, contribuait demain à désigner, à proportion de son score, des citoyens tirés au sort?

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« Un quart des Français serait tenté par le vote blanc à la prochaine présidentielle », dit un journal. Des personnes qui feraient ainsi entendre leur mécontentement vis-à-vis du « personnel politique », tout en ayant le même geste civique que les autres électeurs venus mettre un bulletin nominatif dans l'urne, ce qui à leurs yeux les distingue des abstentionnistes. Ces « électeurs du non-choix » regretteraient aussitôt que leur suffrage ne soit toujours pas compté parmi les « exprimés » et inséré dans le classement des candidats, puisque la loi de 2014 a juste séparé les « blancs » et les bulletins « nuls » autrefois mélangés, sans les envisager comme l'expression d'une option parmi d'autres.

Le problème avec le vote blanc et son désir de « reconnaissance » de plus en plus revendiqué, c'est que qu'ils n'ouvrent sur rien d'autre. Ils progressent sans proposer d’issue à donner à des élections dans lesquelles ledit vote blanc serait significatif ou arriverait en tête. “Que fait-on après le vote blanc ?” Tout à coup, on n'entend plus un bruit, on n'entrevoit pas l'ombre d'une suggestion. Comme si le fait de mesurer le poids du coup de gueule suffisait à ceux qui réclament pour plus de considération pour les bulletins vierges.

Mais osons dire qu'il y a là quelque chose de bien peu efficace pour changer le « système » ou le « paysage » politiques auxquels les promoteurs du vote blanc n'adhèrent plus. Si demain une nouvelle réforme acceptait de compter le vote blanc parmi les exprimés sans aucune autre précision, les cris de joie seraient vite douchés. Prenons des exemples concrets.

Si les blancs gagnent un scrutin proportionnel de liste, comme les européennes, les municipales et les régionales (les deux derniers avec une prime en sièges au premier classé), qu'arrivera-t-il ? Des assemblées vides à 30, 50 ou 75% ? Et bien les sièges réellement pourvus dégageront une majorité malgré tout, issue des équipes arrivées derrière le vote blanc en nombre de voix. Le seul changement, au-delà d'économies de pacotille, sera l'appauvrissement de la réflexion, des compétences et de la diversité des assemblées qui nous dirigent. Aucun intérêt.

Si on envisage la même tournure à un scrutin uninominal ou binominal comme les départementales ou les législatives, que fait-on ? On laisse un siège vacant chaque fois que les blancs gagnent ? Là, ce sont des territoires entiers qui se seront tirés une balle dans le pied en refusant d'avoir des représentants quand d'autres auront un(e) ou deux élu(e)s. Et si le vote blanc arrivait en tête du second tour d'une présidentielle pour laquelle il n'y a qu'un poste à pourvoir, on offre l'Elysée au second ? On réorganise le scrutin toutes les six semaines avec de nouveaux candidats issus du même système ?

On voit là l'impasse de la pensée classique sur le vote blanc. Car en l'absence de réponse satisfaisante aux questions qui précèdent, celui-ci n'aura droit à aucune reconnaissance nouvelle à l'avenir. Les partisans du vote blanc doivent présenter des alternatives, des issues à un éventuel triomphe de leur « participation suspendue ».

La seule qui me paraisse valable est celle qui, au travers de l'élection, ferait progresser l'autre grande forme de représentation démocratique, à savoir le tirage au sort. Chaque fraction d'assemblée non-élue, chaque fonction politique sans visage à l'issue de l'élection par le poids du vote blanc, donnerait lieu à une désignation par tirage au sort sur les listes électorales du territoire concerné. Ce n'est pas une lubie, mais une vraie solution.

Le vote blanc, qui réclame le droit d'exister, obtiendrait parallèlement la même responsabilité finale que celle que prennent les vote nominatifs, à savoir confier, in fine, les organes du pouvoir politique à des personnes, en notre nom collectif. La paralysie ou l'affaiblissement seraient ainsi évités. Le tirage au sort présente en outre bien des avantages.

Organisé à partir des listes électorales, il rendrait possible la désignation de personnes issues de tous les milieux sociaux, de tout métier, de toute formation, alors que notre univers politique est aujourd'hui rabougri autour d'élus issus de CSP favorisées ou d'apparatchiks carriéristes n'ayant jamais eu d'autres emplois que politiques et qui peinent à sentir le « monde réel ». Nos assemblées gagneraient des agriculteurs, des ouvriers, des employés, des artisans, des commerçants qui n'y siègent pas ou presque aujourd'hui, et avec eux, une meilleure perception de la société, des remarques ou des propositions plus variées. De nombreuses strates de notre nation s'estimeraient enfin représentées, et surtout, tous les citoyens se sentant susceptibles d'être désignés, une partie d'entre eux irait sans doute chercher plus d'information, de formation même sur la chose publique, ce qui est urgent pour que la faille entre le peuple et la démocratie cesse de s'élargir.

Les élus ayant besoin des « tirés au sort » pour composer des majorités de projet, ils useraient peut-être de plus de clarté et de moins de calculs, de pressions ou de langue de bois qu'aujourd'hui pour y parvenir. On touche là à un autre avantage : presque à coup sûr non issus des formations politiques, les tirés au sort seraient probablement plus libres de leurs votes en séance, sans carrière à préserver, sans dépendance personnelle ou partisane liée à des investitures passées ou des ambitions futures, sans interférence avec des stratégies de groupe.

Même la prévention la plus fréquemment avancée contre le tirage au sort, à savoir les compétences politiques détenues par ces personnes, ne tient pas debout. Nos maires, nos députés sont-ils tous actuellement à la hauteur des sujets à traiter et des défis à relever ?

Ma conclusion est donc celle-ci. D'un côté, il faut arrêter de porter au pinacle le vote blanc sans autre perspective. De l'autre, le tirage au sort ne peut pas (ne doit pas non plus à mon sens) remplacer complètement et brutalement l'élection « idéologique » même s'il s'agit pour moi d'une source de légitimité équivalente qui doit prendre place dans notre système politique. Mais associées, ces deux principes se complètent pour nous offrir l'opportunité d'un renouvellement politique progressif et salvateur.

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