Métro Beixinqiao, 22h.
Sur l'esplanade, une dizaine de couples : on danse, ou plutôt on répète, sans musique.
Les femmes portent une jupe longue ; les hommes ont passé une main sur les reins de leur cavalière.
Les voix scandent dans la nuit la coulée des pas : "Da, Da-Da / Da, Da-Da / Da, Da-Da..."
Sans musique, pas facile de savoir ce qu'ils dansent.
Le prof est jeune ; il répète seul un enchaînement difficile : il tourne sur lui-même, lève un bras, tend l'index.
Les couples tournent l'un après l'autre, sans se concerter, pivotent vite ou lentement, selon leur dextérité, se figent successivement : pas fendu puis immobilisation.
Les soirs de weekend, s'il ne pleut pas, les Chinois sortent danser. Un peu partout, dans la rue : en haut des bouches de métro, sous les passerelles du périphérique, dans les dégagements des parkings.
En groupe spontané, avec ou sans musique, jusque tard dans la nuit.
Mauvais danseur, Mao Zedong, dit-on, aurait pourtant aimé danser : ses conseillers en déduirent une tolérance possible pour le peuple.
D'où ces bals populaires que rien n'a remplacé.
La lumière est laide, l'éclairage public plombe tout : peu importe, c'est beau, la laideur n'empêche pas la grâce.
Une femme s'essuie les tempes (geste délicat).
De l'autre côté de l'avenue, le Palais de Justice : le drapeau rouge flotte dans la brise.
Les enfants jouent au ballon.
Qui sont ces gens ? D'où viennent-ils ?
Au bout de 20mn, quelqu'un allume un électrophone : musique country - scie musicale - voix mielleuse. Impression d'être à Hawaï, sur la plage...
Un couple glisse, regard baissé.
Une femme seule, à l'écart, les yeux tournés vers le ciel.