J’avais réussi à échapper à cette affaire gastronomique jusqu’à la lecture de Libération du 29 décembre...2013 où la recette s’étalait en Une sur trois colonnes avec les appréciations des chefs en vue, les mélanges à éviter, enfin tout sur la quenelle. De sites en sites, je clique et reclique et découvre la quenelle des anciens et des modernes, la quenelle des historiens allemands –celle-là est à déconseiller- la quenelle servie en croustade, c’est à dire planquée dans une autre fantaisie culinaire, ce qui semble être le mode de préparation le plus apprécié. Finalement d’humeur quenelleuse moi-même, je finis par découvrir une quenelle sur la page FB de ma nièce, beurette trentenaire à cran contre « le système ». Un embardée sur l’interview donnée par Marine Lepen à BMTV a fini de me convaincre de m’attabler.
Trop fort les juifs.
La première chose qui heurte le palais s’est l’alliance des contraires. La quenelle prétend faire jouer dans la même équipe les électeurs du RN, dénonciateurs d 'un lobby qui contrôle les médias, avec les cibles habituelles de ces mêmes électeurs, racailles de cités ou intellectuel.elles "racialistes". Décidément très forts les Juifs…Mais reconnaissons que ce tour de force n’est possible que grâce à l’appui considérable de notre habituelle cécité républicaine. Car en République, chacun sait que les races n’existent pas. Cette quenelle arborée par Tony Parker, Teddy Rinner, Nicolas Anelka, et d’autres moins connus, tombe de la lune. Mais quel est donc le point commun de ces gens avec le sieur M’bala M’bala ? Est-ce la fréquentation d’un établissement scolaire, la passion des échecs, une inclination culinaire peut-être ? Non. Allez on va lâcher le grand secret. Il sont tous noirs ou arabes !!! Et vous savez quoi ? C’est même la clé du truc. Non pas que l’on puisse expliquer cette brusque crispation de la main droite sur l’épaule gauche par la génétique. Non, mais tous ces gens partagent une expérience commune que de nombreux commentateurs ne semblent pas avoir su discerné : ils sont franchement basanés et ils vivent en France. Ce geste, prétendument antisémite, est propagé essentiellement par les noirs et les arabes de ce pays, cibles habituelles du racisme, chercher l’erreur ?
Les quenelles et les bananes ne se mélangent plus
Peut-être faut-il commencer par admettre que l’antisémitisme et le racisme biologique ne boxent plus nécessairement dans la même catégorie ? Les quenelles et les bananes ne se mélangent pas et plutôt elles ne se mélangent plus. L’assimilation des Juifs à une une race différente est un fantasme nazi qui n’a pas plus de sens pour un jeune rebeu des Quartiers nord de Marseille que pour une fille née à Noisy le Sec de parents Maliens. Pour eux, les Juifs sont des Blancs comme les autres. Pire, cette identification raciale des juifs n’est plus portée que par des représentant éminents de la « communauté », une contradiction rarement soulevée par les médias qui sert de nourriture au serpent antisémite.Le credo implicite du « système » veut que l’anti sémitisme et le racisme soient obligatoirement confondus dans un même rejet. Cette assimilation, officialisée lors de l’Affaire Dreyfuss, sanctifiée par la Shoa, est la véritable matrice des « quenelles ». C’est tragique, certes, mais c’est ainsi.
Ce sont mes naarrines !!!!
Elles ne sont pas si loin ces années 80 où Michel Leeb , faisait mourir de rire toute la France avec son sketch si drôle des « naarrines ». « Ce ne sont pas mes lunettes de soleil » disait-il avec cet impayable accent africain, « ce sont mes naarrines ». Rappelez vous la gestuelle simiesque, les interjections guturales. Ces « naarines » là valaient leur pesant de bananes, sinon de quenelles et à la même époque, la France entière se levait pour protester contre le saccage des tombes juives de Crapentras… Je l’ai écrit déjà dans la Question Métisse, le soupçon d’antisémitisme est incomparablement plus sanctionné au tribunal de l’ignominie que toutes autres formes de racisme ou d’intolérance religieuse. Cette situation est une héritage Européen. La belle Europe, en sus d'avoir été enlevée par Zeus, a enfanté un monstre prénommé Adolphe. Cet héritage a créé un gap avec une partie de la jeunesse française d’origine africaine qui souffre tous les jours de discrimination. C’est dans ce gap que nait une véritable judéo phobie, très différente de l’antisémitisme racialiste d’extrême droite, mais à ne pas vouloir examiner cette différence nous continuons à nourrir le monstre. Notre bréviaire républicain est dépassé et contre productif. Nous aimons les Noirs pour le rap ou quand ils dansent comme Omar Sy qui ondule sur Earth Wind and Fire dans les Intouchables, mais attention, cibler la couleur du public de la Main d’Or – le théâtre de Dieudonné- nous pose un problème. Est-ce-que par hasard ces gens là ne vivraient pas, n’entendraient pas, ne verraient pas la même France que leurs compatriotes blancs ? Le terme mêmes de Blancs et de Noirs a quelque chose d’obscène en République. Alors, comme souvent, la région comprimée s’infecte, et voit se développer des bactéries, la plus récente prend la forme d’une quenelle, résurgence inattendue du vieil anti sémitisme de papa. La quenelle est conçue comme un pied de nez à un « système » qui refuse aux noirs leur qualité de noirs tout en affirmant que la judeo phobie est la quintessence du racisme. Ces quenelles racontent une histoire française où la question raciale tient effectivement le premier rôle, mais pas pour les raisons invoquées par Manuel Vals. Faire semblant de ne pas voir la couleur de peau des amateurs de quenelle et interdire les spectacles de Dieudonné pourrait objectivement passer pour un acte raciste. Si Dieudonné était américain il aurait déjà eu à s’expliquer sur son rapport complexe avec la négritude et aurait bénéficié du soutien explicite de sa communauté. Interdire le spectacle d’un humoriste noir dont le public est majoritairement noir ou arabe pose effectivement quelques questions éthiques. Reste un problème, et non des moindres : Dieudonné. Dieudo et l’incroyable puissance paranoïaque de cette judeophobie qui s’installe tel un chancre pour obturer tout débat légitime sur la spécificité du racisme français. Dieudonné a cessé de rêver en couleur, il voit le monde en bichromie. Ce saut qualitatif le conduit là où se retrouvent les nostalgiques du noir et blanc. Attention, dans quenelles il y a N, c’est une lettre qui obture le débat.
Fabrice Olivet