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Billet de blog 2 février 2013

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Lady’s

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Femmes élégantes, animées de bribes d’Eiffel, charpentées de Dame Chanel. Leur style, en apparence heureuse, rappelle des formes légères et extensives élancées jusqu’au chic.

 Un milieu élégant est celui où l’opinion de chacun est faite de l’opinion des autres 

Proust

Lady’s sont les reflets de ce qui entoure des hurlements, des hystériques sommations, d’une confusion de stupeurs et de tensions. Ces fashionables étalent de courtes robes cocodès ou de bannières américaines. Par delà leurs aristocratiques lignes élégantes, une fureur agressive se manifeste avec tact, raffinement. Cette alliance d’harmonie stylisée et de passions artificiellement nerveuses, colériques, tempère l’équilibre esthétique. Ces lady’s ont du style. L’élégance est une attitude, une apparence, un corps qui paraît dominer ses impulsions, mais elle fait diversion par des gestes d’une insupportable tension. Une hystérie robotique nous tient en haleine. Une haute pression affective mi-humaine mi-métallurgienne menace de se rompre, régénérée par de luxueux habillages. Mais même sous cette pression dénuée d’artères et de veines, la nécessité d’un relâchement se fait ressentir. Un contraste survie tel un appareil sous tension. Annouck fige ce moment de suspension avec style.

Je suis partie d’un fantasme extrait de la terre-matière, habillée de la nuit et du jour, habitée de blanc et de noir, du Ying et du yang, du bien et du mal, qui s’élance telle une fusée dans l’air du temps. Je l’ai rencontrée suffisamment légère, cette matière, qu’elle traverse le temps, le mesure pour enfin en sortir, écrit l’artiste.

Le cri, pour être audible, ne être accompagné que par le culte de l’élégance. La stupeur, ce saisissement étonnant devant le sentiment d’une injustice naturelle du monde est vidée de sa léthargie insensible pour se remplir de modes subtiles et recherchées. L’allure  de ces lady’s n’ôtent  en rien l’intensité d’une clameur sophistiquée et orageuse.  Ce contraste troublant, mixte de fidélité aux saintes doctrines du luxe et de rages fulgurantes, inscrit les créations de Annouck dans un style qui exprime la révolte avec élégance.  Le fantasme de l’artiste subjugue et interpelle, parce que ce cri habillé de stupre est un tour de force lumineux, une révolte authentique contre la morale du monde.  

Quand l’écrivain voit l’horreur, il est pris de stupeur. Force et forme assemblées donnent cohérence et sens à l’existence de la tragédie humaine. Le théâtre ou le roman sont les lieux de nos drames. Ainsi, l’écriture est un instrument pour témoigner. Dans un autre art, les sculptures de Annouck émeuvent parce qu’elle laisse apparaître une colère témoignante adressée au monde entier. C’est en empruntant les emblèmes de la mode  que le cri ici choisit d’être vu. Ces chants ou ces affects actifs, que traduisent ces bras d’une extrême raideur, ces larges mains ouvertes qui semblent se retenir à l’espace, surgissent sous la forme de puissants symboles de  haute-couture, d’architecture, et de politique. Jambes,  bras et mains interminables, tronc étriqué et sans cou, ont la gracieuse allure d’insectes. Elles résument le singulier produit d’un libre jeu complexe de toutes les espèces vivantes face à l’irritabilité de l’existence. D’ailleurs, sont-ce ces ladys qui se raccrochent à l’espace ou est-ce le monde qui les retient ? L’équivocité du lien, de ce maintient en vie est incertain.  Y-a-t-il en l’œuvre une volonté de se tenir à l’espace ou se cramponne-t-elle à lui pour s’en échapper ? Peut-être pas ! Est-elle une chose du temps ? Est-ce une chose qui désire se retirer du temps et de l’espace ? Peut-être pas ! Cette incertitude rend l’œuvre indépendante du temps qui passe. Ces fashionables sont dans l’air du temps et en même temps hors de lui-même. N’est-ce pas le principe même de l’élégance d’appartenir et en même temps d’échapper aux modes d’une époque ?  Le vrai style est ennemi des conventions. Il est hors conformisme. C’est avec sobriété et simplicité que le style d’Annouck Dupont nous apparaît singulièrement beau et sublime à la fois.

 Oeuvre originale, résine peinte, hauteur 280 cm

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