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Billet de blog 3 août 2017

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LA RAFLE DU VEL D’HIV de Maurice Rajsfus et de Philippe Ogouz

Du 30 août au 11 novembre 2017,  "La Manufacture des Abbesses", présente une adaptation et une mise en scène de Philippe Ogouz : "La Rafle du Vel d’hiv" de Maurice Rajsfus et Philippe Ogouz, aux Editions du Cherche Midi.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’ai rencontré Maurice Rajsfus lors d’une dédicace. La bande dessinée, Moussa et David, deux enfants d’un même pays raconte l’histoire d’un palestinien et d’un israélien. Elle raconte aussi l’Histoire. Maurice Rajsfus fonde, sous un mode narratif, accompagné des merveilleuses illustrations de Jacques Demiguel, la rencontre de deux jeunes garçons sous l’emprise de la grande histoire. Une sortie heureuse est possible grâce au foot qui les rapproche.


Moussa et David, deux enfants d’un même pays aux Editions Tartamudo, 2010.


Dans cette oeuvre, Maurice Rajsfus ne narre pas une origine dans une narration qui serait une fiction. Il ne raconte pas un mythe mais, il restitue la réalité historique pour clarifier la folie de la guerre. Les événements datés précisent la glissade qui donnera lieu à une séparation radicale entre Moussa et david. D’un côté des palestiniens défendent leur terre avec des pierres, de l’autre, des israéliens armés puissamment. La religion est ensuite entrée dans le conflit politique qui occupe actuellement le monde.

Lors de la dédicace, par une soirée d'hiver, en 2010, je ne sais plus pour quelle raison, en parlant avec lui, j’ai employé le terme d’argument, dans cette galerie de peinture du 5ème arrondissement. Et il me répondit brusquement : « mais qu’est-ce qu’un argument ? – Et il sortit l’étoile jaune qu’il tira de son porte feuille- ce bout de tissu me liquéfia. Il n’était question que d’émotion. Je suis rentrée ensuite chez moi emportée par des larmes. J’ignorais que Maurice Rasjfus s’était battu « aux côtés des Algériens pour leur indépendance ».

La rafle du vel d'Hiv, adaptée au théâtre par Philippe Ogouz ne permet pas d'établir de filiation fictionnelle du mythe à l'histoire réelle. Le récit est réel. Il a eu malheureusement lieu. Et la mise en scène de ce récit est une entreprise fondationnelle.


1942 : Opération Vent printanier est au coeur du récit.


La 8ème ordonnance du 29 mai 1942 contraint des français de religion juive à porter l’étoile jaune au niveau du cœur sur des manteaux et des blouses d’école.


Le 7 juin 1942, le port de l’étoile est obligatoire.


Le 18 juin 1942, René Bousquet annonce au commandant SS Oberg que la police exécutera les ordres. Le premier ministre Laval, le commissaire aux affaires juives Darquier de Pellepoix et Bousquet sous l’approbation du général Pétain, dirigent l’arrestation de « juifs apatrides des deux sexes, âgés de 16 à 45 ans ».


Le 8 juillet, les restaurants, les monuments historiques, les cabarets, les cabines téléphoniques, les théâtres et tous les lieux publics sont interdits aux juifs.


Maurice Rajsfus a quatorze ans et sa sœur seize ans lorsque la police arrête sa famille le 15 juillet 1942.

Trois heures du matin, le 16 juillet 1942, neuf mille hommes vont satisfaire la politique menée par la France. Et Maurice Rajsfus s’interroge, dans son récit qui éclaire l’histoire : « Comment pouvions-nous envisager que des chefs de la police française allaient suggérer à la Gestapo, non seulement l’arrestation des femmes, mais également des enfants ? » Et il comprend qu’« aucune trace ne doit rester ». « Les enfants peuvent toujours témoigner de l’assassinat de leurs parents ».

Pendant que le cinéma projette la Comédie du bonheur, on saigne du juif comme l’exhorte Céline. Les lâches font toujours partie d’une bande, et leurs écrits fonctionnent tant qu’il y a beaucoup d’acheteurs.
L’extrême droite et des fonctionnaires sont chargés de la lâche besogne. « Aucun allemand n’ira frapper aux portes des innocents ». Quelques policiers, « trop rares » précise l’auteur, ne céderont pas à la fascination de la haine du juif.
Les convois de gendarmes, des cars de police entiers et des bus venus de banlieues sont attroupés à Paris. Du vélodrome d’Hiver, les femmes et les enfants ont été transportés aux camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande.

La mère et le père de Maurice Rajsfus sont emportés dans les camps de la mort. Ils ne reviendront plus.


J’irai voir la pièce de Philippe Ogouz, le 30 août 2017, à La Manufacture des Abbesses, car il y a de la beauté contenue dans l’écriture de Philippe Ogouz et de Maurice Rajsfus. J’ai lu leur texte sans perdre un seul mot. Il y a toujours de la beauté dans la vérité, mais il y a plus encore de la grande puissance  à savoir transformer en objet d'art un fait tragique qu’un auteur a lui-même vécu.

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