Aujourd’hui, je suis allée à l’atelier du peintre kazem. Son œuvre est monumentale. Le peintre Wissem était présent, ma sœur Dalila, et Marie, toujours ouverte aux belles rencontres. Kazem est un génie. J’ai pensé au destin tragique de Modigliani. Si je reviens vers la grandeur de son travail, et vers cette force mystérieuse que soulève chacun de ses gestes, c’est parce que je n’arrive toujours pas à concevoir comment un artiste aussi puissant puisse vivre aussi difficilement de son art. Les grands poètes admirent ce qu’il exprime. Les musées reconnaissent son talent. Les galeries, quant à elles, recherchent du fun, du putassier, du provocant ou de la piétaille légère, des choses qui plaisent à la bonne tonalité des petits blancs. J’en ai assez ! Tant de puissance, de rage, de folies maintenues à carreau. Et pourtant, il continue d’œuvrer chaque jour et chaque nuit, avec une puissance de plus en plus extraordinaire, de plus en plus bouleversante. Pourquoi tenir à délimiter encore les frontières ? Bientôt, nous n’en entendrons plus parler, de ces sacrées frontières, parce que je sais que ce courant de force si terrible finira tôt ou tard par les faire exploser. Je sais que ce qui provient précisément de ses entrailles d’acier surgira fatalement au grand jour.
J’ai contemplé attentivement une de ses œuvres. Il s’agissait de sa sœur, morte en Syrie. Il l’a peinte. Et il m’a dit : « C’est ma sœur. Elle fait semblant de dormir. » En effet, j’ai bien vu qu’elle faisait mine de dormir, et j’ai ressenti une paix intérieure. Un paysage turbulent, des typhons de couleurs habitent son visage et me baignent, en pensant à cette oeuvre, dans un état de tranquillité, dans un mystérieux apaisement.