9 heures 30. Le narrateur se lève, et réfléchit au programme de sa journée. Son boulot ? Journaliste ! Un métier à haut risque où règnent de façon absolue les caïds de la pègre oranaise et les cellules d’activistes religieux.
Les dépêches d’assassinats pullulent. Le rédacteur en chef du journal opportuniste et pistonné, lui demande de couvrir le sujet d’une vingtaine d’assassinats à Sidi el Djilali, village perdu, à un jet de pierre du Maroc. Et le voilà partit en compagnie de Kader, le photographe de l’équipe, myope et bigame, pour couvrir un fait ordinaire par temps de grandes tragédies noires.
Il appréhende la rencontre avec ces meurtriers du mont Sidi El Djilali. Depuis plusieurs années, ce journaliste vit au cœur de la peur. Ses collègues meurent quotidiennement. Le dernier avait à peine 25 ans. Une peur-panique l’envahit à l’instant du départ mais il y va, avec ce désir ardent d’atteindre l’âme de l’événement.
Une panique sœur de celle que j’avais connue le printemps de l’année dernière quand deux tueurs à moto tirèrent à bout portant sur un flic en faction devant l’hôtel de Ville. Je suivis la chute du policier qui s’écroula à mes pieds comme un mauvais rêve lorsqu’on tombe dans un tourbillon sans toucher le fond. Je vis dans cette chute toute la symbolique de l’Algérie qui s’effondrait et je sentis le regard assassin du tireur accompagner sa proie avant de se poser sur moi. Nos regards s’effleurèrent un instant où je n’y avais vu tout bonnement que de l’indifférence. Il leva doucement son bras en m’ajustant. Paralysé, impuissant, j’attendais la balle qui portait déjà mon nom. Une sirène hurla au loin, les pneus de la Kawasaki crissèrent sur les pavés de la Place d’Armes soulevant une fine poussière blanche qui me séparait du sourire énigmatique de celui qui, pour une raison qu’il était seul à connaître, me laissa la vie sauve.
Vers quel maquisard allait-il ?
Le livre de Saïd Oussad est tiré d’une histoire vraie ; la sienne. J’avais proposé à Raphaël Sorin, éditeur chez Ring, de le lire. Il fut, dans un premier temps, emballé. Il appela l’auteur pour féliciter son remarquable travail. Recherchant « des écritures émergentes », d’après le champ lexical de cet éditeur, il convint comme moi, que le manuscrit de Saïd Oussad résultait d’un authentique travail d’écrivain, mais nos conflits autour de la sortie des Ensorcelés, firent obstacle à la publication de ce merveilleux livre, dans une grande Maison d’Editions.
Saïd Oussad est grand reporter pour le journal Liberté.
Les chemins inutiles sont publiés aux Editions L’Harmattan, 2014.