Une amie comédienne, Fatima Aibout me propose, hier soir, d’aller au théâtre. J’écoutais, au moment de son appel, les cours sur Spinoza de Deleuze que l’on trouve facilement sur internet. Les liens entre Lessing et Spinoza sont connus. La pièce me tente mais le froid, le brouillard, mes restes d’effondrement concernant mon dernier billet, l’heure tardive et les deux-heures trois quart de spectacle me font tergiverser. Finalement, je la rappelle. Nous nous donnons rendez-vous dans un café. Puis, poussées par le froid, nous nous rendons rapidement au théâtre Berthelot où se joue, Nathan le Sage de Gotthold Ephraïm Lessing.
Quelques chaises attroupées sur la scène, un espace rond et noir excentré qui symbole le lieu sacré de la parole. La mise en scène est remarquable, intelligente et sobre.
Nathan le Sage est l’homme le plus riche du royaume. Saladin est un sultan dépensier. Les ennuis d’argent de ce dernier l’amènent à s’adresser au juif. Par ruse, Saladin lui demande son avis sur les trois religions. Il s’agit de savoir quelle est la religion la plus authentique. Nathan le Sage, sentant sournoisement le piège du sultan, lui raconte l’histoire des trois anneaux : un père doit remettre l’anneau sacré au fils préféré, mais il aime ses trois enfants du même amour. Alors il décide de fabriquer deux autres anneaux identiques au premier. Il transmet trois anneaux, d’une valeur égale, à ses trois fils.
Ces trois anneaux représentent les trois religions monothéistes. L’idée de cette pièce est empruntée à Boccace, à son Décaméron. La parabole des trois pierres précieuses ou des trois anneaux est reprise par Lessing sous un mode libre, ouvert, plaisant. Lessing semble régler ses comptes avec les dogmes, les préceptes et la morale. Le patriarche de Jérusalem a besoin d’asseoir son pouvoir sur le malheur des autres, cherchant à étendre des systèmes de relations qui ne conviennent pas aux hommes. Lessing flaire dans la figure de cet inquisiteur, un ennemi du genre humain. Nathan est sage parce qu’il sait contourner les tourments. Son art est d’apaiser les rapports entre les hommes. Il est humain avant d’être juif.
La mise en scène est de Bernard Bloch. Les acteurs sont justes, et s’accordent admirablement. A ce niveau de composition de rapports, le metteur en scène a su trouver des individualités qui fassent vivre aux spectateurs, deux-heures trois quart de plaisir spinozien. Un vrai régal.
A Fontainebleau prochainement...