La pièce Eden Hôtel de Philippe Braz est une œuvre pertinente qui joue avec les paradoxes, les contradictions de la vie.
Une chambre aux fenêtres condamnées à L’Eden Hôtel, située au Parc des Expositions, reçoit douze drames très singuliers. La chambre est entretenue par deux femmes de ménage, l’une jeune, la seconde vieille. La jeune expose aux oreilles d’une bondieusarde outrée, un défilé d’amants. La vieille écoute, scandalisée, invoquant les saints-pères et les saintes-mères à longueur de temps. Leur scène rythme l’ensemble de la pièce. Entre chaque scène de ménage se déroule trois histoires.
Le thème de la quête d’un paradis hypothétique est central dans cette pièce de théâtre. Le mot paradis vient d’ailleurs de l’hébreux pardes désignant un parc. On pourrait penser que cette chambre d’hôtel, que ce lieu inchangé que des femmes lavent après chaque passage est un Parc, un paradis que la temporalité des personnages ne modifie pas. Eux sont condamnés comme la fenêtre à sortir tôt ou tard du lieu où se manifestent leurs drames. La chambre, c’est du hors-temps, de l’éternité, l’emplacement du paradis. Les personnages, quant à eux, règlent leur compte. Un règlement laisse la place à un autre, que des femmes de ménage viennent aussitôt nettoyer, et ainsi va la vie de l’Eden Hôtel… Mais à travers la chambre, un goût d’éternité demeure, un présent essentiel, une source unificatrice capable de donner du sens à toutes ces scènes éclatées, à toutes ces destinées. La chambre est un contenant qui se vide et se remplit comme un ruisseau qui coule, poussé par le passé, poussé par la réémergence de futures histoires. Les histoires se succèdent dans l’unité de la chambre. L’écoulement des scènes, qui pourtant abordent des thèmes très différents, apparaît comme une totalité. La chambre demeure identique à elle-même, et pourtant les histoires changent.
Les gardiennes de l’Eden entretiennent le lieu du désir qui semble être l’espace du règlement de compte. L’étoffe du paradis est-il sur terre, à l’Eden Hôtel ?
Eden Hôtel de Phillippe Braz, Editions Le bruit des autres, 2008