Les réponses des partis politiques analysées par FAIR. Au royaume des indicateurs, le Produit Intérieur Brut est, malheureusement, encore incontestablement le roi ! La preuve en est cette persistance des statisticiens, des médias et de nombre de décideurs à garder les chiffres de la croissance économique comme essentiels, voire uniques repères de l'état de santé de nos états et de nos territoires.
Mais les résultats de l'enquête que nous venons de réaliser en direction des principaux partis politiques engagés dans les Régionales témoignent du fait que la question de la légitimité du PIB est aujourd'hui largement posée. Et c'est tant mieux! Les travaux conduits de longue date au niveau des réseaux citoyens et du Programme des Nations Unies pour le Développement porteraient-ils donc progressivement leurs fruits?
En ce qui concerne la France, il faut reconnaître que les conclusions de la Commission pour la mesure de la performance économique et le progrès social présidée par Joseph STIGLITZ ont permis de crédibiliser les initiatives considérées jusque-là, au mieux comme idéalistes, au pire comme subversives.
Premier enseignement de notre questionnaire consacré aux "nouveaux indicateurs de richesses" : sept des neuf partis interrogés[1] ont jugé utile de se positionner. En repensant au silence assourdissant de la majorité des politiques sur ces questions il y a même encore trois ou quatre ans, nous pouvons, en effet, confirmer que les temps ont bien changé!
Quatre organisations[2] remettent clairement en débat la définition de la richesse, et contestent de ce fait au PIB la capacité à mesurer "ce qui compte vraiment" pour le bien-vivre de tous. Pour les trois autres, le PIB est déclaré insuffisant, mais il reste néanmoins un indicateur pertinent pour piloter les nations et les politiques publiques. Le diktat de la finance aurait-il, malgré les crises, encore de longs jours devant lui?!
En matière de nouveaux indicateurs, presque tous les partis évoquent la nécessité de décompter les nuisances et de prendre en considérations les notions d’utilité/santé sociale et les exigences écologiques. Certains affinent leur vision : Europe écologie plaide principalement pour l'empreinte écologique (à associer en Région aux indicateurs du PNUD et au BIP 40) ; le MODEM souhaite des indicateurs mettant l'humain au cœur et témoignant de son lien intrinsèque avec la nature ; le Parti de Gauche recense cinq indicateurs alternatifs[3] pour éclairer les choix ; l'UMP opte pour l'Indice de Développement Humain.
Six organisations sur sept énoncent l'importance d'un débat interne sur le thème des nouveaux indicateurs. Dans ce cadre, Europe écologie, le MODEM, le Parti de Gauche et le PS situent clairement le lien à trouver avec la refonte de notre modèle de développement. Ils en appellent à la mise au débat public du nouveau projet sociétal et à l'élaboration partagée des instruments de mesure qui permettront de le guider. Sans être, pour autant, très explicites sur les formes à donner aux échanges avec les différentes parties prenantes de la société, mais en positionnant clairement les institutions statistiques au service du projet collectif et non pas comme les seules donneuses d'ordre sur les nouveaux repères auxquels nous pourrons nous référer.
Au regard des réponses obtenues, nous constatons que la question des nouveaux indicateurs est devenu un sujet sérieux, mais que l'imagination et l'audace ne sont pas encore au pouvoir dans ce domaine. Les pistes lancées, y compris par des organisations qui ont su être novatrices sur ce terrain en leur temps, restent relativement convenues : appui sur les indicateurs synthétiques existants, plutôt qu'un travail à partir d'une page blanche ; souhait d'harmonisation nationale des indicateurs régionaux, ce qui présuppose que les richesses des Régions sont de même type en Nord-Pas de Calais, en Guyane, en Limousin ou en Midi-Pyrénées (nos partenaires brésilien de la Région auront beau jeu de nous interpeller à ce sujet!) ; absence d'engagements précis en termes de débats démocratiques et de délais de mise en œuvre des nouveaux indicateurs en Région ; …
Engagés de longue date sur le chemin des nouveaux indicateurs de richesse, nous nous réjouissons de l'écho reçu à notre interpellation. Mais malgré les avancées, force est de constater que notre société reste encore, sur ce thème, au milieu du gué. Nous en appelons donc une fois encore à toutes les parties prenantes nationales et régionales (institutions, collectifs d'acteurs, autres citoyens, …) pour que chacun se saisisse, à son niveau, de l'enjeu de ces nouveaux instruments de mesure, outils supports et nouveaux guides pour passer "d'une société du beaucoup d'avoir pour quelques-uns, à une société du bien-vivre pour tous, ensemble, dans un monde préservé et partagé."
Nous en appelons aux futurs élus régionaux pour qu'ils osent changer de regard et "pousser les murs", pour qu'ils suscitent, dès les prochains mois, la co-construction de ces nouveaux repères de pilotage dont nous avons collectivement besoin.
Au niveau de FAIR, nous sommes prêts à contribuer à de telles démarches, en situation de recherche/action et de veille pour que ce vaste chantier démocratique soit bien ouvert à l'ensemble des citoyens.
Pour le collectif FAIR,
Hélène Combe,
après consultation du groupe d’interpellation des partis constitué au sein de FAIR : David FLACHER, Jean GADREY, Florence JANY-CATRICE, Dominique MEDA, M. yogananthan
Pour aller plus loin, voir les réponses intégrales des partis politiques au questionnaire FAIR sur : http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/FAIR
Pour connaître les travaux et les publications de FAIR : http://www.idies.org/index.php?category/FAIR
[1] Europe Ecologie, FN, Lutte ouvrière, MODEM, Parti de Gauche, PS, UMP. Par contre, le PC (présent il est vrai, au sein du parti de Gauche) et NPA n'ont pas répondu.
[2] Europe Ecologie, LO, MODEM, Parti de Gauche
[3] L'Indice de Développement Humain (IDH), l'Indice de Santé Sociale (ISS), le BIP 40, l'empreinte écologique, le PIB vert