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Billet de blog 13 décembre 2020

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Une bouffée d'air - 15 ballons pour la Commune

UN APPEL À CONTRIBUTION POUR UN PROJET ARTISTIQUE INITIÉ PAR ELODIE BARTHÉLEMY, PLASTICIENNE, DANS LE CADRE DU 150e ANNIVERSAIRE DE LA COMMUNE.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lors du premier siège de Paris de 1870, 67 ballons à nacelle, ballons postaux, survolèrent les lignes des Prussiens pour maintenir les communications avec le reste de la France, emportant du courrier, des journaux et des hommes: aéronautes et personnalités. Ce que l’on sait moins, c’est l’envol du ballon Le Céleste, le 30 septembre 1870, au cours duquel Tissandier dispersa, au-dessus de l’armée prussienne, des tracts bilingue allemand/français pour inciter à la mutinerie. Ce procédé sera repris peu après.

Lors du second siège, pendant la Commune, une quinzaine de ballons s’envolèrent chargés d’imprimés, de journaux, de tracts, les larguant ainsi au fil de leur parcours, afin de diffuser hors de Paris les déclarations de la Commune et tenter ainsi de contrer les fausses informations du gouvernement de Versailles qui appliquait la censure sur Paris. Une fanfare et une assemblée de parisiens et parisiennes assistèrent à leur envol. On les imagine chantantes. Des médailles furent frappées pour marquer l’évènement.

Ces ballons aux formats réduits, sans passagers, étaient pourvus d’un dispositif ingénieux en forme de sablier qui permettait d’essaimer les tracts. L’inventeur de ce procédé, Thomas Casimir Regnault était dessinateur et graveur. Né à Bayeux en 1823 et mort dans la misère en 1872, il fut également le concepteur d’un « projet débonnaire », projet utopiste « pour quitter ce monde ». Il inventa des dispositifs extraordinaires pour « assurer Paris contre la famine » tel qu’un carrousel aérien emportant 54 bœufs vivants. Ce sont les raisons pour lesquelles, la Commune l’employa un temps pour la fabrication d’une série de ballons de son invention. Son esprit inventif et utopiste, social et pacifiste caractérise, à mes yeux, l’esprit des communards.

Nadar (1820-1910), son contemporain, lui-même aéronaute du monumental ballon le Quand même mais aussi photographe, écrivain, poète, caricaturiste, le décrit comme «le fou le plus généreux et le plus héroïque qu’il ait connu». Il partageait avec lui, outre son esprit intrépide et inventif, son engagement communard. Dans une lettre de Nadar du 9 avril 1871, trouvée dans les archives au service historique de la Défense, on peut lire : « Les gens de la Commune représentent le Droit et la Justice. Quoique fatigué et malade, j’appartiens à la Commune. Dites-lui que je suis à la disposition de la République sociale – sans rien lui demander comme récompense.» Il propose alors à la Commune de l'aider à récupérer des ballons pour diffuser des « nouvelles vraies » et non les « venimeuses calomnies » du « parti de l'ordre ».

C’est sous le ciel de Thomas Casimir Regnault et de Nadar, parsemé de ballons et de tracts virevoltants dans les airs, que je me suis mis à songer au 150e anniversaire de la Commune, pendant le premier confinement. Et une question a émergé: aujourd’hui que nous donneraient à lire nos tracts largués dans les airs?

RÊVERIE DANS LES AIRS

Nous pourrions sans peine évoquer, par métaphore, le désir d’évasion d’un troisième siège – celui du double confinement du printemps et automne 2020 qui provoque une profonde déstabilisation parmi les habitants des villes. « De l’air ! J’étouffe ! À l’aide ! » hurlent nos consciences. Pour répondre à cet appel, il nous faudrait construire de nouveaux ballons. Si nous prenions de la hauteur, nous nous élèverions au-dessus de Paris et parcourrions ce qui nous sépare du reste du pays afin de percevoir combien les antagonismes ville-campagne sont stériles, combien l’invention se déploie ici comme partout où l’on décide collectivement de trouver des alternatives à ce monde qui se défie de la vie, qui ignore ou méprise la mort. Si, une fois dans les airs, nous appliquions cette leçon que pour s’élever il faut lâcher du lest, donc se délester de tant de biens de consommation encombrants, voyants et superflus, la course « aux gallons et aux aiguillettes » des gardes nationaux que déplorait le délégué à la guerre Cluseret1afin de faire de la place à l’autre en toute hospitalité. Si, en prise avec les courants, nous percevions combien nous sommes nous-même sujets aux influences du milieu, de la société, à la propagande, persuadés que nous sommes de n’avoir prise sur rien, acteurs passifs d’un vol qui s’écraserait. Si, dans ce défi de l’envol, nous goutions aux sentiments de liberté recouvrée, de joie, d’émerveillement qui réactiveraient notre imaginaire. Nous pourrions alors percevoir combien ceux qui firent La Commune éprouvèrent et vécurent ces questionnements dans leur chair.

Je m’inspire de ces envols de ballons conçus pour appeler à la conscience et pour demander de l’aide, du soutien face aux périls. Je fais mienne également la leçon de la fête avec fanfare lors du décollage du ballon. Je célèbre la Commune et ses combattantes et combattants en diffusant leurs écrits. Je reprends les appels des communards qui résonnent de toute leur humanité et de leur actualité en ce «temps des cerises», de célébration du cent cinquantenaire de cette révolution sociale. Je relais l’appel «De l’air!», «À l’aide!» d’hommes, femmes et enfants contraints à la pauvreté, à l’isolement relationnel pendant cette crise sanitaire et après. Je joins l’appel silencieux des arbres, des animaux, des vers de terre et des mauvaises herbes... – autres périls à venir que sont leurs raréfactions dans un monde en proie à la crise climatique et à l’hyper-industrialisation.

DES BALLONS PORTEURS D’APPELS D’AIR

Je garde le nombre de 15 ballons qui ponctueront un parcours (le lieu est pour l’heure en discussion). Chaque ballon identique par sa forme se distinguera par sa couleur et son inscription. Dans chaque nacelle, des affiches, composées pour les unes, d’extraits de tracs datant de la Commune et pour d’autres, d’extraits de courriels, d’articles, de points de vues, des aphorismes recueillis par cet appel à contribution. Lors de la restitution, ces textes pourront être déclamés (bienvenue à toutes celles et ceux qui souhaitent y prendre voix) et des chants pourront se faire entendre. 

ELODIE BARTHÉLEMY

UN APPEL À CONTRIBUTION

Afin de produire graphiquement des affiches à lire dans les nacelles des ballons, il nous faut vos choix de courts textes, écrits ou non par vous. (si vous voulez les dessiner et composer vous-même cela est aussi possible).

Si certaines affiches de la Commune ou extraits de texte d’époque vous tiennent à cœur, envoyez-nous votre sélection.
Si vous avez un message, une pensée, un constat, une aspiration, un appel pour des jours futurs éclairés à la lumière de la Commune, pour du commun à partager...

Je vous remercie d’avance de les envoyer, tout au long du mois de décembre et janvier, à 15ballonspourlacommune@sfr.fr

Toute collaboration est bienvenue.

De même que, suivant l’intention de Thomas Casimir Regnault, les proclamations de la Commune, s’adressant à tous, avaient vocation d’être larguées loin du siège, l’installation et l’événement proposés, propices à la musique, aux évocations, aux rêveries et aux conversations sont des propositions ouvertes susceptibles d’être reprises par tous ceux et celles qui souhaitent fêter cet anniversaire.

  1. Affiche n°94 de la Commune de Paris: «Citoyens, Je remarque avec peine que, oubliant notre origine modeste, la manie ridicule du galon, des broderies, des aiguillettes, commence à se faire jour parmi nous...». extrait du livret Documents, Affiches de la Commune 1871 volume 1, Les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871.

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