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Billet de blog 8 décembre 2012

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Couple, filiation et procréation : sommes-nous vraiment sortis de l'Etat de nature ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En Inde du Sud, des anthropologues ont observé le mariage Nuyar : il s'agit de l'union rituelle d'une femme avec un brahmane, union qui lui ouvre la possibilité d'engendrer des enfants avec de multiples partenaires, enfants dont le père social sera l'oncle maternel ! On peut dès lors distinguer trois rôles masculins : mari, géniteur et père social ! La formation du couple, la procréation et la filiation y sont donc comme cloisonnés. Le biologique n'y détermine pas le culturel.

Je sais, ce n'est pas très original et nous savons tous que nous même sommes capables de bien distinguer ces éléments. Pour preuve, notre adoption plénière proclame un lien de filiation entre l'enfant adopté et ses parents, et il en va de même pour les enfants né-es d'une assistance médicale à la procréation.

Pourtant, comme les hésitations et la virulence du débat sur le mariage pour tous, la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA) en attestent, il semble que nous ne parvenions pas à accepter sereinement la distinction entre mariage, procréation et filiation.

Les plus conservateurs refusent le mariage pour tous. Certains admettent le mariage pour tous mais pas la PMA pour tous (il s'agit d'exclure de la filiation l'une des femmes d'un couple homosexuel), d'autres acceptent la PMA pour tous mais pas la GPA (il s'agit d'exclure de la filiation l'un des hommes d'un couple homosexuel).

Pourquoi est-ce si difficile à accepter alors que la pratique de la PMA et de l'adoption plénière témoigne que nous acceptons déjà l'idée qu'un-e enfant puisse ne pas avoir été conçu par ses parents ? Mais peut-être qu'au fond, nous n'avons jamais vraiment admis cette possibilité ou plutôt que nous ne l'avons acceptée que sous une forme déniée.

En effet, un enfant dont la filiation a été établie suite à une adoption plénière ou issu-e d'une PMA peut croire toute sa vie qu'il a été conçu par ses parents. Le droit ici s'emploie à masquer l'existence du donneurs de gamètes ou des parents biologiques. L'on fait donc comme si les les parents biologiques et sociaux étaient confondus. A tel point que l'on refuse à ceux de la première génération des enfants né-es d'une PMA qui le demandent, le droit de savoir à qui ils doivent d'être né-es.

Toute l'ironie vient de ce que nous le leur interdisions en arguant qu'ils attachent trop d'importance au biologique ! Or, ce biologique, c'est exactement ce que notre droit s'emploie à singer en exigeant l'anonymat des donneurs ! Cette fixation de notre droit sur le biologique voire sur le naturel explique peut-être aussi que nous ne soyons pas capable de faire une place, c'est-à-dire d'accorder un statut juridique, aux beaux-parents dans une famille recomposée décomposée...

Lever l'anonymat des donneurs de gamètes, accorder aux enfants la possibilité de les connaître, nous conduirait presque mécaniquement à accepter l'idée que la PMA ne ressortit pas exclusivement du thérapeutique et du médical. Il ne s'agit pas simplement de soigner la stérilité d'un couple, ce qui justifierait l'anonymat, mais de faire un-e enfant qui pourra exiger et obtenir le droit de savoir à qui il doit d'être né-e. L'admettre c'est se déprendre du médical et/ou du naturel pour poser politiquement la question de la filiation c'est-à-dire d'en décider collectivement. Faire sauter le verrou de l'anonymat dans le don de gamètes, c'est reconnaître que nous avons inventé une nouvelle façon de faire des enfants et que nous l'assumons en accordant une place aux parents et aux donneurs. C'est donc - enfin - bien distinguer la question de la procréation et celle de la filiation. Cela admis, la question de la reconnaissance de la filiation avec deux personnes de même sexe n'aurait plus rien de spécifique mais relèverait du droit commun de la filiation. Un droit de la filiation pour tous en quelque sorte.

Pour une position plus étayée sur le sujet, on peut lire : http://www.editions.ehess.fr/ouvrages/ouvrage/des-humains-comme-les-autres/

Billet modifié suite à la judicieuse remarque d'Utopart : la phrase soulignée est la phrase modifiée.

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