FARID

Abonné·e de Mediapart

49 Billets

0 Édition

Billet de blog 26 avril 2015

FARID

Abonné·e de Mediapart

Une visite au Parlement européen à Bruxelles

Comme convenu, c'est un attaché parlementaire UMP qui, en cette matinée ensoleillée du mois d'avril, vient nous accueillir, mes élèves et moi, à l'entrée des visiteurs du bâtiment - plutôt raté - qui héberge périodiquement les 751 représentants des peuples européens à Bruxelles.

FARID

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme convenu, c'est un attaché parlementaire UMP qui, en cette matinée ensoleillée du mois d'avril, vient nous accueillir, mes élèves et moi, à l'entrée des visiteurs du bâtiment - plutôt raté - qui héberge périodiquement les 751 représentants des peuples européens à Bruxelles. Costume sobre, une petite quarantaine, regard un peu fuyant, il nous salue courtoisement, et nous fait pénétrer dans le hall, nous aide à franchir les contrôles avant de nous mener dans une salle dans laquelle il doit faire une conférence aux élèves. Il insiste sur le fait qu'il ne voit pas l'intérêt de parler de ce que les élèves sont déjà censés savoir, c'est-à-dire l'organisation institutionnelle de l'UE, mais qu'il nous révélera le fonctionnement plus concret de l'institution.

Le Parlement européen à Bruxelles héberge environ 5000 personnes. C'est une petite ville dans la ville où il est possible, sans sortir des locaux, de manger à peu près tout ce que mangent les européens, de faire ses courses, d'aller chez le coiffeur et accessoirement de travailler. Finalement, la seule chose qu'il est impossible de faire en son sein, c'est de voter un texte puisque l'hémicycle du PE à Bruxelles n'a aucune existence juridique : le traité de Rome, qui ne peut être réformé qu'à l'unanimité des Etats-membres de l'UE, dispose que le droit de l'union européenne est produit au parlement de Strasbourg. Cela implique de régulières et coûteuses transhumances des élus, des personnels et des dossiers, de Bruxelles à Strasbourg. L'hémicycle sert donc pour des séances de travail et peut aussi être loué à des personnes privées qui en font la demande et en ont les moyens : Bill Gates l'a fait.

Comme dans toutes les villes, il y a des points de passages quasi-obligés. Au PE, l'un de ces points se situe au bas d'un escalator par lequel transite tout ce que l'institution compte de décideurs. Au pieds de l'escalator, un bar, et dans ce bar, en permanence, des piliers de comptoirs un peu particuliers : les représentants des lobbies. Ils guettent le passage d'un élu, d'un attaché, ou de n'importe qui ayant l'oreille de, lui proposent un verre et en profitent pour défendre les intérêts qui les payent. Vu de France, c'est scandaleux, mais ça a le mérite d'être transparent. L'intérêt général, selon la loi européenne, résulte d'un rapport de forces entre différents lobbies, pas du cerveau des représentants du peuple réputés en apesanteur social.

Des questions ? Non, les élèves n'en ont pas. Alors poursuivons. Contrairement à l'Assemblée nationale, au PE, l'on assiste jamais à des échanges vifs et/ou à des envolées aussi lyriques que stériles. Des raisons techniques l'interdisent : trois minutes maximum de prise de parole, après quoi, le micro est coupé, 24 langues, des parlementaires coiffés d'un casque par lequel communiquent les traducteurs. Comme il n'est pas évident de trouver un traducteur Estonien/Portugais par exemple, on y utilise des langues relais (l'anglais, l'espagnol, l'allemand, etc), ce qui retarde d'autant la communication. Compliqué de s'agonir par interprètes interposés. Mais une raison plus politique explique aussi la sérénité des séances : les textes soumis au vote ne sont jamais votés par la seule majorité mais toujours par un groupe central constitué du centre-droit et du centre-gauche. Les choses sont négociés en amont et c'est pourquoi les élus n'utilisent que rarement le vote électronique. On y vote pour en levant le pouce, contre en le baissant et l'on s'abstient en faisant de l'auto-stop. Autant dire que l'on compte à la louche même si' l'on peut vérifier ensuite grâce à des caméras ou procéder à un vote électronique lorsque le représentant d'un groupe souhaite s'assurer de la loyauté de ses troupes. D'une manière générale, un texte n'est présenté au vote que s'il est certain qu'il obtiendra la majorité des 2/3 environ.

Le PE auditionne aussi les candidats que les Etats proposent pour intégrer la Commission européenne. P. Moscovici, par exemple, a été auditionné et bombardé de questions par les membres de la Commission économique et monétaire du PE trois heures durant. Cet oral qui s'apparente à un examen, permet de vérifier les compétences des candidats. Notre conférencier souligne que ce même régime appliqué aux ministres en France changerait certainement le profil des gouvernements. Il nous rappelle que P. Moscovici a dû passer l'oral de rattrapage car il s'est fait défoncer par les gauches européennes des pays du sud de l'union.

En évoquant la Commission, il nous rappelle qu'elle n'a que l'initiative technique des lois, pas l'initiative politique. Concrètement, elle ne rédige des projets de loi que sous l'impulsion du Conseil européen qui réunit les différents chefs d'Etat. Les directives sur la courbure de la banane ou la possibilité de faire du vin rosé en mélangeant du vin rouge et du vin blanc ne sont pas prises à son initiative mais sur commande expresse des Etats et, dans les deux cas évoqués, de la France, qui voulait protéger les bananes guadeloupéennes de la concurrence des bananes africaines et écouler le mauvais vin rouge et blanc qu'elle ne parvenait plus à vendre sous forme d'un mauvais rosé... à peine plus mauvais que les vins rosés déjà vendus.

Au final, la conférence a été plaisante et le conférencier UMP plutôt talentueux et sympathique. Dans l'ensemble, les élèves ont trouvé cela intéressant puisque seulement quatre ou cinq d'entre eux se sont endormis.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.