Écris pour les aveugles qui verront
Déclame pour les sourds qui entendront
Voici mes mots
Et mon écho
Ils couvriront la terre
D’un tapis d’espoir lacéré
D’une prairie qui sera jaune
Ou rose de ses brûlures, peut-être…
Comme la pierre qui m’enfante
Jour après jour
A l’aube des agonies
Je marche presque nu
Enlevé de ma maison du lieu
Sur les sables de la Nakba, ensevelie
Ô Palestine, remonte !
Je marche depuis La Prison
La plus grande de ce monde
Un ciel ouvert sur les barbelés
Et les bombes la famine la soif
Une plaie béante sur la carte
De la Nakba…encore
Je marche et je marche
A quatre pattes
Je mange l’herbe et la merde
Je bois la pisse et la poussière
Un « animal-humain », disent-ils !
Je suis un peuple de trop
Et mon sang est rivière
Macabre qui se jette
Dans l’autre lieu de la Nakba, l’enfer.
Hier réfugié aujourd’hui
Condamné à mort, oui
Mon linceul est de sable
Les bras les pieds enchaînés
Une cage de fer, ô barbelés !
Les yeux bandés mes membres amputés
Un peuple en lambeaux…
Qui nomme le ciel de l’injustice
Avez-vous peur d’une mer de sang sans sépulture ?
Ô peintres, me voici, un peuple démembré
Pour matière à peindre !
Je suis une coquille
Je vois encore leurs ombres
Passagères devenues étrangères
Le peuple de la Nakba
Et ses cris…
Remontent m’entourent
Me trouent les oreilles
Le souffle
Et le cœur
Avez-vous un cœur, messieurs les « Revenants » ?
J’attends mon tour
La torture jusqu’à la mort
La folie peut-être, après le trépas
Sde Teiman je suis-là !
Voici mon corps
Un grenadier de 1948
La Nakba est son fronton
Un arbre ancien, d’avant la Noyade
Du jour où l’Église fut baptisée, rincée
Dans la langue des Arabes
Que je chante sous le cri
Et même d’avant
Voici mon corps donc, tue
Torture-moi, je vivrai
Même entre tes griffes
Les griffes de l’atroce
Mon écho habitera tes yeux
Tu habiteras la terre dans mon ombre
L’ombre d’un grenadier
Ma renaissance.
***
Faris LOUNIS
Écrivain et poète
* Ce poème est paru dans Les poètes font société, un recueil collectif publié en septembre 2024 aux éditions Les souffleurs de vers.