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Billet de blog 21 octobre 2024

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Sde Teiman

La poésie face à la torture, contre la mort

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Écris pour les aveugles qui verront

Déclame pour les sourds qui entendront

Voici mes mots

Et mon écho

Ils couvriront la terre

D’un tapis d’espoir lacéré

D’une prairie qui sera jaune

Ou rose de ses brûlures, peut-être…

Comme la pierre qui m’enfante

Jour après jour

A l’aube des agonies

Je marche presque nu

Enlevé de ma maison du lieu

Sur les sables de la Nakba, ensevelie

Ô Palestine, remonte !

Je marche depuis La Prison

La plus grande de ce monde

Un ciel ouvert sur les barbelés

Et les bombes la famine la soif

Une plaie béante sur la carte

De la Nakba…encore

Je marche et je marche

A quatre pattes

Je mange l’herbe et la merde

Je bois la pisse et la poussière

Un « animal-humain », disent-ils !

Je suis un peuple de trop

Et mon sang est rivière

Macabre qui se jette

Dans l’autre lieu de la Nakba, l’enfer.

Hier réfugié aujourd’hui

Condamné à mort, oui

Mon linceul est de sable

Les bras les pieds enchaînés

Une cage de fer, ô barbelés !

Les yeux bandés mes membres amputés

Un peuple en lambeaux…

Qui nomme le ciel de l’injustice

Avez-vous peur d’une mer de sang sans sépulture ?

Ô peintres, me voici, un peuple démembré

Pour matière à peindre !

Je suis une coquille

Je vois encore leurs ombres

Passagères devenues étrangères

Le peuple de la Nakba

Et ses cris…

Remontent m’entourent

Me trouent les oreilles

Le souffle

Et le cœur

Avez-vous un cœur, messieurs les « Revenants » ?

J’attends mon tour

La torture jusqu’à la mort

La folie peut-être, après le trépas

Sde Teiman je suis-là !

Voici mon corps

Un grenadier de 1948

La Nakba est son fronton

Un arbre ancien, d’avant la Noyade

Du jour où l’Église fut baptisée, rincée

Dans la langue des Arabes

Que je chante sous le cri

Et même d’avant

Voici mon corps donc, tue

Torture-moi, je vivrai

Même entre tes griffes

Les griffes de l’atroce

Mon écho habitera tes yeux

Tu habiteras la terre dans mon ombre

L’ombre d’un grenadier

Ma renaissance.

***

Faris LOUNIS

Écrivain et poète

* Ce poème est paru dans Les poètes font société, un recueil collectif publié en septembre 2024 aux éditions Les souffleurs de vers.

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