Voilà à quoi se résume le plan canicule de la 7è puissance mondiale. Dans la réalité de la vie des gens de tous les jours, qui doivent aller travailler, surtout en extérieur, de leurs enfants qui doivent aller à l’école, comment ce « plan » est-il mis en œuvre ?
Vous vous souvenez peut-être de moi, enseignante passionnée mais épuisée (billet du 29 mai 2025, toujours là pour témoigner pour vous, pour nous les petites gens, les petites fourmis qui chaque jour prenons notre voiture - pour ceux qui le peuvent encore) pour aller produire les richesses qui permettent à notre Etat providence de fonctionner au mieux pour nous tous grâce à nos impôts. Enfin ça c’était le programme du CNR, « réformé depuis » à maintes reprises par nos politiques actuels. Je vous laisse deviner qui sont les grands perdants de ces réformes...
Mais bon, je m’égare, revenons à notre sujet.
Acte 1 : La mise en œuvre de ce plan canicule d’abord sur mon lieu de travail, un collège. Au niveau de l’établissement, pas adapté bien sûr à ces fortes chaleurs, pas de climatisation, pas de bouteilles d’eau… (cependant ils veulent nous faire travailler l’été, Je suis toujours impressionnée par leur décalage avec la réalité mais bon, eux ils l’ont la climatisation, donc…) pour le passage du brevet (jeudi 26 et vendredi 27 juin) des mesures ont été prises au mieux de la marge de manœuvre dont il disposait. Les salles choisies pour les épreuves ont donc été choisies en fonction de leur exposition, pour que les élèves aient le moins chaud possible, les plus chanceux ont été ceux qui étaient au premier étage. Des bouteilles d’eau ont été distribuées aux élèves, une par élève, par jour. Donc faire le mieux possible pour être à la hauteur du plan canicule : « Restez au frais et buvez de l’eau ! ». Cependant si les élèves avaient de l’eau, ce n’était pas le cas des professeurs. Pour ceux qui avaient oublié leur bouteille particulière (on a l’habitude maintenant on prévoit, après tout nous achetons nous-même nos fournitures pour travailler), et qui en ont demandé une, il leur a été répondu que le nombre de bouteilles d’eau correspondait strictement au nombre d’élèves et donc on ne pouvait pas leur en fournir ! Voilà, cela peut paraitre anecdotique mais cela montre le traitement et le respect que l’institution montre à ses professeurs. En pleine canicule, il n’y a pas de bouteilles d’eau prévues pour eux. Donc « Restez au frais et buvez…si vous pouvez ! ».
Acte 2 : La mise en œuvre du plan canicule le mardi 1 juillet lors des corrections du brevet. Grand moment de l’année, inévitable pour certaines matières (pour 10 centimes la copie je crois, je ne demande plus car il faut en plus pour les avoir complétées sur tel site, tel document… pour 10 centimes la copie !), mais aussi un moment très satisfaisant car nous avons le retour sur toute une année de travail de d’investissement de nos élèves. Arrivée dans un collège centre de correction, après un premier temps de réunion pour l’harmonisation de la correction pour chaque matière, nous sommes ensuite dirigés vers différentes salles. Comme les élèves, il y a ceux qui ont la chance d’être au premier étage côté nord et les autres. Bons petits soldats comme nous le sommes tous, nous les enseignants, malgré ce que l’on peut en dire (peu de brebis galeuses contrairement aux politiques et surtout si un professeur se permettait de dire « A bas le voile », il serait sanctionné immédiatement pour le non-respect de la neutralité mais bon égalité, égalité vous avez dit ?).
A partir de là, l’Epreuve a commencé, les températures ont augmenté et ont atteint dans certaines salles 35°. Au bout de 2 heures, l’air est devenu irrespirable, rester concentré dans ces conditions est devenu de plus en plus difficile malgré l’eau (Eh oui là nous l’avions mérité apparemment) et les va et vient incessants aux toilettes pour s’asperger d’eau ralentissant le travail. Au bout de 3 heures, nous avions tous les vêtements qui nous collaient à la peau, nous étions rouges mais toujours au labeur. Après une pause déjeuner obligatoire, reprise avec des températures de plus en plus élevées. Nous avons malgré tout fini, mené à bien notre tâche pour les élèves car nous savons à quel point ce moment est un temps fort pour les élèves qui ont durement travaillé toute l’année. Ils y accordent certes peu d’importance sur le fond, mais symboliquement c’est un examen, leur premier examen (ça aussi les politiques l’on oublié et aujourd’hui des élèves de 3è ont plus de matières à passer que des élèves de premières, dans quel but ? quel objectif ? A part à nouveau ministre de l’éducation, nouvelle matière à passer, vous voyez je fais mon travail !...). Remise des copies au secrétariat d’enregistrement des résultats, notes rentrées, procès-verbal signé, fini le calvaire malgré un mal de tête carabiné. Dans la voiture, j’écoute la radio, un homme de 35 ans est mort des suites de son exposition prolongée sous ces températures de plomb parce que le plan canicule « Restez chez, buvez de l’eau » n’a pris aucune mesure pour les personnes qui travaillent, particulièrement celles qui travaillent à l’extérieur.
Acte 3 : La mise en œuvre du plan canicule dans l’espace public. Mercredi 2 juillet après-midi, en tant que fonctionnaire ayant mené à bien sa mission malgré les conditions caniculaires et en tant que professeur et citoyenne satisfaite d’avoir mené à bien ma mission, je décide de m’offrir un moment plaisir, une petite manucure en ville. Jeme gare rapidement, j’ai la chance d’arriver au moment où un monsieur est à coté de sa voiture. Je lui fais signe pour savoir s’il s’en va, il me répond oui avec la tête, rentre dans sa voiture et quitte la place de stationnement. Je me gare à sa place, prends un ticket à l’horodateur (7 euros 60) pour pouvoir ensuite aller boire tranquillement un petit café bien mérité aussi, le place bien en vue sur le tableau de bord (température affichée 38°) et m’éloigne toute guillerette ! Ne partez pas, le plus intéressant arrive… 2 heures 30 plus tard, après un petit passage chez mon petit primeur préféré de ce quartier, direction la voiture qui est à une rue de là. Et la commence d’abord la sidération, où est ma voiture ? Puis la recherche, un sac à chaque bras ! Ensuite le questionnement : était-ce la bonne rue ? Je n’habite cette ville que depuis le début de l’année scolaire, mes repères sont encore fragiles…
Enfin, constatation, pas de voiture et questionnement aurais-je pu me garer plus loin sans m’en rendre compte ? Je décide de retourner chez mon gentil primeur qui accepte de garder mes sacs et retourne à ma recherche en élargissant mon rayon d’enquête de terrain. En passant devant une caserne de pompiers, Je rentre et expose mon problème à un très sympathique pompier (oui les fonctionnaires du service publique sont extraordinaires), lui montrant le ticket de paiement du parcmètre ayant l’espoir qu’il puisse le déchiffrer en professionnel, mais rien aucune indication. Cependant il me donne une bouteille d’eau, me donne ses coordonnées et prend les miennes et me montre sur une carte le secteur à rebalayer au cas où. Au moment où, un peu reposée, je repartais, il me demande « Avez-vous pensé à appeler la fourrière ? ».
Eh bien non, car je me suis garée sur une place déjà occupée avant moi, payé l’horodateur, agit en toute bonne foi. Donc cela ne m’est pas venue à l’esprit, nouvelle urbaine que je suis. Nous appelons donc la fourrière et surprise, ma voiture y est ! Apparemment cette place providentielle était un emplacement réservé… Pour récupérer ma voiture, à l’autre bout de la ville : marche (10 minutes) puis bus puis marche (15 minutes) puis métro, puis marche (20 minutes), enfin arrivée à la fourrière 20 minutes avant la fermeture.
Pendant le trajet, j’appelle le commissariat pour expliquer la situation et déplore le fait qu’on ait enlevé ma voiture un jour de grande canicule (Je n’empêchais personne de partir, je n’étais pas devant un garage donc pas de caractère urgent ou impérieux) et témoigne de ma bonne foi (ticket horodateur) et de mon incompréhension de cet enlèvement alors que nous sommes en alerte orange canicule. Réponse, la loi, c’est la loi. Je persiste à expliquer les dangers d’une telle démarche par des températures exceptionnellement élevées, qu’il aurait mieux valu me mettre une amende que j’aurais payée ensuite, mais ne pas m’exposer à une telle chaleur sans moyen de locomotion, c’est-à-dire ne pas mettre ma vie en danger. Réponse la loi, c’est la loi. Dans la voiture, au retour, à la radio, un homme de 51 ans est mort suite à un malaise sur un chantier. Où est la loi ?
Acte 4 : conclusion : « Restez chez vous ! Buvez de l’eau ! ».