C'est Donald Trump lui-même, selon une allusion dont il a seul le secret, qui lance un ballon d'essai ! "Je pense que je ne me représenterai pas. À moins que vous ne vous disiez 'il est bon, nous devons envisager autre chose' "(Le Figaro, 13 novembre 2024). Nous pourrions peut-être continuer le chemin après, précise t-il, c'est-à-dire après 2028, après son deuxième mandat !
Il serait facile de dire que c'est un gag, puisque cela lui ressemble bien, au regard de la façon dont il en a multiplié tout au long de sa campagne. De même qu'il serait tout autant facile de dire que la pratique politique américaine, depuis 1787, limite le nombre de mandats à deux, avant que, plus formellement, n'intervienne le fameux 22ème amendement, adopté en 1947 et entré en vigueur en 1951. Mais surtout après les exceptionnels quatre mandats du président Franklin Roosevelt du fait de la deuxième Guerre mondiale, et du non moins déstabilisant fait que celui-ci mourra en plein quatrième mandat, quatre-vingts petits jours seulement après l'avoir entamé. Ledit 22e amendement est d'ailleurs inspiré et inséparable de cette... déconvenue.
Il serait également facile d'opposer à cette allusion le fait, maintes fois ressassé, que l'Amérique est une démocratie, "la plus solide démocratie du monde". Et, qu'ainsi, aucun de ses dirigeants n'est au-dessus de la Constitution américaine. Cela, Donald Trump le sait parfaitement. Autant qu'il connaît les conditions exceptionnelles pour lesquelles Franklin Roosevelt, le 32ème président des USA, a eu et exercé ses quatre mandats, contre la coutume politique consacrée jusqu'alors, qui n'en était pas moins solide, ancrée et prohibitive.
Or, ce que semble démontrer l'exercice du pouvoir par Trump au cours de son premier mandat, mais aussi son comportement après son échec en novembre 2020, et pendant les quatre ans de son opposition, c'est sa facilité et sa frénésie dans la transgression, la banalisation de l'interdit et, plus extraordinairement, la capacité à en triompher !
Peu de monde, en tout cas pas la majorité a priori, ne le voyait vainqueur au sein du camp Républicain et surtout face à la candidate démocrate en 2016, Hillary Clinton. Il a pourtant triomphé ! Après la tentative de coup d'État du 6 janvier 2021, dans "la plus solide démocratie du monde" et surtout la mise au jour de dizaines d'autres affaires judiciairement recensées, rares sont ceux qui auraient parié sur son retour. C'est en triomphe qu'il revient, ré-édite l'exploit du seul Grover Cleveland (22e et 24e président des USA) de l'histoire politique américaine, non seulement après avoir écrasé tous ses compétiteurs, une fois de plus, au sein du camp Républicain avec son fameux MAGA, mais aussi en ayant raison, finalement, de la candidate démocrate, Kamala Harris. Magistralement. En gagnant tous les 'swing states', en gagnant pas seulement la majorité des grands électeurs mais aussi le vote populaire national, en dominant enfin l'élection au Sénat et à la chambre des Représentants ! Alors que les Républicains dominent déjà la Cour suprême. C'est-à-dire, en résumé, il a tous les pouvoirs ! Ce n'est pas toujours courant.
C'est dans ce contexte que se trouve Trump, qu'il rêve et qu'il parle. Un Trump qui, outre son ambiguïté et son imprévisibilité connues et pratiquées, est aujourd'hui, forcément, habité par le syndrome d'Hubris ! Il ne s'en cache d'ailleurs pas, et ne cesse, sans pudeur du tout, de le répéter depuis sa tentative d'assassinat manqué : "C'est Dieu qui a voulu que je survive, pour sauver les USA"! Ça peut griser beaucoup d'individus et... désaxer tout un pays, même les USA !
Tout porte, ainsi, à penser que le mandat du 47ème président des USA, au regard de divers signes qui pointent à l'horizon, risque d'être celui de l'épreuve entre 'un homme fort' qui a le 'vent en poupe' d'une part, et des institutions fortes, par ailleurs. Un homme qui, en campagne, faisait état et cherchait déjà des 'généraux fidèles et de confiance ', et qui arrive au pouvoir avec plusieurs casseroles. Donc un casier politique suffisamment chargé, qu'il voudra quoi qu'il en coûte bien 'blanchir' pour une situation post-présidentielle sereine. Et, d'autre part, des contrepoids éprouvés vieux de près de deux siècles et demi, et qui bien que relativement maîtrisés pendant les deux premières années principalement, ne tarderont pas à retrouver leur vitalité habituelle après. C'est la démocratie américaine, simplement, qui sera mise à rude épreuve... pendant quatre années, qui risquent d'être un peu plus mouvementées que d'habitude...