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Felix Bankounda Mpele

Enseignant-Chercheur, Juriste et Politologue, consultant, Membre de l'Association Française de Droit Constitutionnel, Membre-Expert de l'Institut International de Droit d'Expression et d'Inspiration Françaises (1997-2024)

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Billet de blog 25 septembre 2020

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L'AFRIQUE ÉTERNELLEMENT DE CHARYBDE EN SCYLLA: L'EXEMPLE CENTRAFRICAIN !

L'Afrique n'en finit pas avec ses allers-retours, avec l'est ou l'ouest, toujours à la recherche des parrains internationaux, résultat à la fois des États faibles et des pouvoirs autocratiques ou chancelants. Ainsi, après avoir longtemps flirté sous les buissons, la république Centrafricaine officialise son mariage avec la Russie par l'acceptation d'une base militaire russe...

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Le Centrafrique, cet incroyable pays d'Afrique centrale, personnifié dans l'imaginaire international par le vil règne de l'empereur Bokassa, et dont on a oublié qu'il a d'abord été dirigé, quoique de très courte durée, par un visionnaire, Barthélémy Boganda, le théoricien des États Unis d'Afrique latine (centrale en fait), n'en finit pas de détonner! Pas seulement à propos des coups d'État dont il est l'un des champions du monde, mais aussi dans la recherche infernale des parrains !

Ainsi, le dernier numéro d'Afrique Éducation (numéro 489, septembre 2020) confirme l'officialisation de ce qui jusque-là n'était qu'une situation de fait : l'ouverture d'une base militaire russe, la première dans l'ancien pré-carré français, à Bangui. Motif de cette décision peu banale, ou plus précisément lourde de conséquences, selon le journal, la crainte de la déstabilisation du pays par d'autres pays voisins, mais aussi par les puissances occidentales.

À vrai dire, on a un peu du mal à comprendre le processus de cette décision, au regard des arguments avancés : le dirigeant centrafricain craindrait notamment les représailles d'un autre pays d'Afrique centrale, la Guinée équatoriale principalement, qui lui reprocherait d'avoir trempé, avec le Tchad voisin, dans une tentative de coup d'État à la veille de Noël 2017, déjoué par les services secrets russes, dont le commanditaire serait la France ! De quoi se demander pourquoi ne pas alors rechercher la protection du commanditaire, au lieu de celle de la Russie! Ce même pays qui, tout en ayant réussi à déjouer la déstabilisation de la Guinée Équatoriale est, selon la géopolitique, plutôt en compétition agressive avec la France, ancien maître du domaine! Ne tiendrait plus alors que la seule théorie de "La fabrique des barbouzes" (Jean-Pierre Bat, 2015), qui reste collée à la France, et qui justifierait les craintes du pouvoir Centrafricain à son tour. Si, du moins,  on réussit à écarter une exploitation ou mise en scène de ce profil français par la Russie, pour faire basculer un certain nombre des pays africains anciennement sous contrôle de la France.

L'incohérence est telle que l'on se convainc tout de suite que c'est ailleurs, dans les causes lointaines, qu'il faut rechercher les causes de cette décision, et non dans les causes immédiates liées aux menaces de représailles de quelque  pays voisin. Ce d'autant plus que le copinage des autorités de ce pays avec le pays de Poutine, est un secret de polichinelle depuis qu'il assure la sécurité du président Faustin Archange Touadera.

Autrement dit, et plus clairement, c'est dans l'activation de la 'nouvelle' Guerre Froide, avec le dévolu résolu jeté par Poutine sur le maillon faible de la sous-région qu'il faut D'ABORD expliquer cette décision, mais AUSSI ET ENSUITE, de manière corrélative, au mobile plus classique en Afrique de conservation du pouvoir, et non de protection du pays. Intervenant au lendemain du très médiatique sommet de Sotchi d'il y a une année pile, cette décision semble se situer dans le droit fil de ce que nous avions alors dénoncé (notre réflexion : "Sommet Russie-africain de Sotchi : le rendez-vous des autocrates et hypocrites, in Mediapart, 28 octobre 2019 ).

Et alors, on peut tirer deux conclusions : LA PREMIÈRE est qu'en s'impliquant de façon si ostentatoire, la Russie fait comprendre à d'autres pays africains, voire susciter des jalousies au sein de ceux-ci, en faisant miroiter la possibilité de se substituer à la France comme parrain des régimes malfrats. Car, au regard de sa culture et de son histoire politique, la Russie est tout sauf une démocratie et ne peut exiger aux dirigeants africains ce qu'elle n'est pas elle-même, comme elle l'a démontré au printemps dernier, avec l'abandon de la limitation des mandats (notre réflexion : "La rechute : quand la Russie se re-soviétise", in Mediapart, 11 mars 2020). Ce qui est une aubaine pour les dictateurs africains, allergiques aux leçons de démocratie et, de ce point de vue, on peut parier que nombreux sont déjà dans les coulisses, prêts à basculer, ouvertement ou subtilement,  dans l'escarcelle russe. LA DEUXIÈME, et plus grave, est qu'en s'obstinant dans l'autocratie et donc dans le cantonnement à la souveraineté antinomique au panafricanisme, les pays et dirigeants africains tournent clairement le dos à la confiance entre États, à l'esquisse d'une défense africaine plus solide chère à Edem Kodjo (in "Et demain l'Afrique, éd. Stock, 1985), favorisent la suspicion permanente, se mettent à la merci des puissances étrangères, et RESTERONT AINSI PERPÉTUELLEMENT CONDAMNÉS AU CHOIX DE CHARYBDE EN SCYLLA. ...

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