Tout ça c’est un peu comme l’histoire d’un homme de 43 ans qui se taperait une mineure de 13 ans après l’avoir fait boire. Une fois passée la jouissance de la transgression viens le temps de la honte bue, des petits accommodements avec la conscience et de l’oubli facile.
Bien entendu je ne vous parle plus de l’affaire Polanski, qui s’éloigne peu à peu, mais bien de la victoire du « oui » irlandais au traité de Lisbonne.
Il faut dire que, emporté par la force de l’habitude, je m’attendais ce matin à encaisser de plein fouet la vague de triomphalisme arrogant habituelle des « euro béats » du traité constitutionnel. Je voyais déjà les gros titres des journaux reprenant les déclarations hallucinées des adorateurs bruxellois, se pâmant devant ce nouveau pas accompli vers le septième ciel néo libéral. J’entendais déjà les radios déverser leurs flots de louanges « euro-compatibles » chantées par des chroniqueurs au bord de l’extase politique.
Or, en fait de vague triomphale, on peut dire que le pet d’un crabe sur les rivages de l’atlantique aurait fait plus de bruit que les quelques chroniques et articles consacrés au sujet depuis samedi dernier.
Et finalement, passé le premier effet de surprise, cet étrange silence se justifie pleinement. En effet, comment faire du triomphalisme sur la dépouille d’une démocratie que l’aveuglement idéologique tue à petit feu ? Comment jouir sans entrave d’une conquête que l’on savait non consentante ? Comment se vanter d’un mauvais coup de rein lorsque l’on sait que sous d’autres latitudes et en d’autres temps, la même transgression est considérée comme un crime ?
En général quand on est pas fier de soi on ne la ramène pas.
Or c’est bien du viol de la démocratie dont il s’agit ici. Après avoir voté une première fois « non » au traité de Lisbonne, l’Europe technocratique a estimé, dans sa grande sagesse que, au même titre que les peuples néerlandais et français auparavant, le peuple irlandais avait mal voté. A défaut de pouvoir changer de peuple il fallait donc changer le vote.
Un nouveau scrutin sur fond de crise financière aigue combiné à ce qu’il faut de menaces et de propagandes aura facilement rétabli la situation. L’unification « démocratique » de l’Europe peut se poursuivre en toute quiétude.
Sauf que « démocratie » s’entend ici au sens soviétique du terme, c'est-à-dire sans corrélation entre le terme démocratie et le régime auquel il se rattache. Mais que nos « eurobabas » se rassurent : la démocratie ne portera pas plainte. Et d’ailleurs cette vieille antienne des humanistes et des progressistes n’est pas tout à fait morte. Du moins n’a-t-elle pas encore été définitivement remplacée par un système autocratique totalement verrouillé.
Mais finalement, de Polanski au traité de Lisbonne, on a tout de même l’impression que le gouffre entre les « élites » et le bon peuple n’est pas près de se combler.