feredor (avatar)

feredor

Citoyen

Abonné·e de Mediapart

47 Billets

0 Édition

Billet de blog 9 février 2014

feredor (avatar)

feredor

Citoyen

Abonné·e de Mediapart

Europe : Jacques Julliard gardien du temple

feredor (avatar)

feredor

Citoyen

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’ai lu l’article de Jacques Julliard intitulé « contre la sortie de l’euro » et publié dans l’hebdomadaire Marianne du  8 février 2014.

Réagissant au très salutaire dossier de ce même hebdomadaire paru la semaine précédente qui ouvrait le débat sur la sortie de l’euro, l’éditorialiste souhaitant sans doute siffler la fin de la récréation, nous y inflige de nouveau son sermon « pro-européen » nous mettant en garde contre l’obscurantisme de toutes celles et ceux qui, transgressant les tables de la loi, envisagent une sortie de l’Euro.

Tout cela avec l’air de ne pas y toucher bien sûr, car Jacques Julliard n’est pas le premier éditorialiste venu et tient surtout à ne pas tomber dans la caricature en « insultant » ses adversaires… On a sa dignité tout de même !

Bien entendu, ce prérequis « bisounours »  étant posés, Jacques Julliard peut se lâcher et rabâcher encore et toujours les mêmes arguments : la sortie de l’euro est forcément synonyme de sortie de l’Europe, les gens qui souhaitent la sortie de l’euro sont forcément frileux, repliés sur eux-mêmes et, cerise sur le gâteau, l’Europe c’est forcément la paix…

De ces différentes affirmations récurrentes, on entend en creux les liens de conséquences, que les imams de l’Europe libérale en détresse nous assènent de  plus en plus ouvertement (voir la polémique sur Jacques Sapir, économiste « d’extrême droite »), à savoir que les gens qui critiquent l’euro et le traité de Lisbonne sont forcément anti-européens, s’ils sont anti européens c’est qu’ils sont forcément nationalistes, et enfin, puisque l’Europe c’est la paix, celles et ceux qui remettent en cause l’Europe sont susceptibles de favoriser, voire même de souhaiter, le retour à la barbarie, qu’elle soit nazie ou autre. Et pour appuyer cette dernière idée, Jacques Julliard n’hésite d’ailleurs pas à nous gratifier au passage de ses souvenirs de guerre, lorsque enfant, il fut le témoin terrifié des crimes nazis.

Bref ! Jacques Julliard ne veut insulter personnes mais il calomnie sans vergogne à peu près tout le monde.

Bien sûr, on pourrait objecter de nombreuses choses à Jacques Julliard.

On pourrait par exemple lui rappeler que son affirmation que c’est l’Europe qui a engendré la paix est hautement discutable, et que de nombreux historiens (ou analystes d’autres disciplines) défendent l’idée que c’est l’équilibre de la terreur entre l’est et l’ouest et le statu quo qui en a découlé, qui a permis à l’Europe de se faire et de vivre en paix depuis 1945. On pourrait d’ailleurs lui objecter également que l’Europe « qui protège » est aujourd’hui même en train de monter les peuples les uns contre les autres. Dans la droite ligne de ces réflexions on peut également lui faire remarquer que le procédé douteux qui consiste à instrumentaliser ses terreurs passées peut également se retourner contre sa propre cause : c’est justement parce qu’on ne souhaite pas un jour avoir à se retrouver alignés contre un mur sous la menace d’une arme que l’on souhaite que cette Europe qui entraîne tout le monde vers le bas n’aille pas à son terme.

On pourrait également lui objecter, qu’un système politique qui fixe dans le marbre de sa constitution des orientations politiques qui relèvent strictement  de la prérogative des peuples au travers d’instances démocratiques, se rapproche dangereusement du modèle que jacques Julliard lui-même entend très justement vouer aux gémonies.

On pourrait également lui rappeler (avec Hannah Arendt) que, lorsqu’un système politique commence à considérer tout opposant à sa doxa comme « ennemi du peuple », alors cela signifie que le système en question ne va pas bien du tout et qu’il prend un chemin totalitaire.

On pourrait lui rappeler également aussi que si les conditions et l’issue d’une sortie de l’euro sont effectivement incertaines, l’issue de l’Europe libérale ne fait quant à elle pas grand doute. La mise en concurrence des peuples,  la guerre de tous contre tous, le nivellement par le bas, l’absence de projet commun autre que monétaire nous amènent assurément à une catastrophe de grande ampleur, et pas seulement au niveau européen. Entre deux maux il faut donc savoir choisir le moindre, et refuser de monter dans le canot de sauvetage, aussi frêle soit-il, lorsque le bateau coule, est simplement stupide.

On pourrait enfin lui rappeler (encore, encore et encore) que les gens qui s’opposent à l’Europe de Lisbonne ne s’opposent pas au projet européen mais à son dévoiement par la technocratie. Et je ne doute pas un instant que la plupart de ces gens sont au moins aussi européens dans l’âme que Jacques Julliard, si ce n’est plus, car aucun d’eux ne consent à voir une si belle idée disparaître entre les mains des places financières.

Mais est-il réellement besoin d’objecter encore et encore, lorsque ce qui anime cette europhilie éditoriale relève plus de l’idéologie que de la politique au sens le plus noble. Il faut d’ailleurs s’attendre à devoir subir encore de nombreux éditos culpabilisateurs des Julliard, Duhamel, Guetta et autres Hérauts de l’Europe libérale avant les prochaines échéances électorales. Et plus ces dernières approcheront plus leur virulence augmentera. Mais ne nous laissons pas impressionner et mettons à bas ce qui est en train de nous entrainer vers le fond, quitte s’il le faut à sortir de l’euro !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.