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Billet de blog 2 juin 2025

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Ne plus mourir sur les routes vers l’Europe

Tout au long des parcours de migration, les personnes en mouvement sont confrontées à de nombreuses formes de violence de la part des États et de leurs agents. Le régime des frontières, qui force les personnes à emprunter des routes de plus en plus dangereuses, voire mortelles, s’allie à celui de l’enfermement.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Extraits d’un rapport du réseau d’alerte Alarm Phone en date du 6 mai 2025 .

« Vous n’êtes plus considérés comme des êtres humains » - L’enfermement des personnes en mouvement sur la route de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique.

Face à ces violences innombrables, des solidarités et des luttes se construisent et ne cessent de se renforcer.

Alors que nous avions écrit un rapport sur la criminalisation des personnes en mouvement il y a quelques temps déjà, nous souhaitions participer à ce mouvement qui tente de rendre visibles ces lieux que les États utilisent pour cacher à notre regard la répression qu’ils exercent sur celleux qui défient au quotidien les régimes frontaliers. Écrire sur l’enfermement, depuis notre travail au sein d’Alarm Phone, s’inscrit dans notre lutte pour la liberté de circulation pour toutes et tous. Les prisons, et tous les lieux d’enfermement, participent d’un continuum de la violence que nous dénonçons. Les frontières et les lieux d’enfermement se complètent au sein d’un système raciste, sexiste, homo/transphobe, validiste et classiste de contrôle des populations par les États.

Dans ce rapport, nous souhaitons aborder les violences liées à toute forme d’enfermement, en prison, en garde-à-vue, en camp humanitaire ou encore en centre de rétention. Ces lieux fermés ne cessent d’être construits et agrandis dans toutes les pays de la région de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique. Ces espaces clos arrêtent, temporairement ou longuement, les parcours des personnes. Outil du contrôle migratoire, l’incarcération sert tant à punir les personnes en mouvement qui ont défié les régimes frontaliers en usant de leur liberté de circulation, qu’à mettre à l’écart et invisibiliser les personnes qui sont considérées comme indésirables sur les territoires nationaux. Aux violences de l’enfermement, que les différentEs auteurices décrivent dans les paragraphes suivants, à celles du racisme s’exprimant dans les politiques et les pratiques d’arrestation, d’incarcération et d’expulsion, s’ajoutent celles de l’invisibilisation et de l’absence. Comme l’expriment de nombreux.ses membres d’Alarm Phone, il s’agit d’abord de savoir qui est enfermé, où, et comment la personne se sent. Quels sont ses besoins ? A-t-elle besoin de vêtements, d’argent, de médicaments, de livres ou de tout autre objet ? Souhaite-elle contacter des amiEs ou de la famille ? Au-delà des chiffres effarants de personnes enfermées, il s’agit de recréer un lien entre l’intérieur et l’extérieur des lieux d’enfermement. Un lien vital qui, souvent, est l’unique possibilité d’accéder au minimum (des vêtements, de l’argent pour cantiner ou appeler sa famille, un soutien légal…).

De nombreuses lois pénales ont été adoptées, principalement depuis les années 2000, afin d’enfermer toujours davantage et pour de plus longues durées parfois, les personnes en mouvement. Particulièrement, les lois de lutte contre les dits passeurs ont entraîné l’incarcération de milliers de personnes au Maroc, en Espagne, au Sénégal, en Algérie et en Mauritanie. En Espagne et au Maroc, par exemple une pratique des autorités s’est généralisées avec le soutien de l’Agence Frontex : deux personnes sont arrêtées arbitrairement sur les bateaux qui arrivent sur les côtes. Bouc-émissaires de la violence du régime frontalier des États, ces personnes risquent jusqu’à plusieurs dizaines d’années de prison. En Mauritanie, comme au Sénégal, de nouveaux centres d’enfermement des personnes étrangères sont construits : priver de liberté et punir avant d’expulser. Au Maroc encore, les arrestations arbitraires et rafles sont régulières : les personnes sont arrêtées, parfois enfermées et déplacées de force vers le sud du pays et du Sahara. En Algérie encore, les personnes en mouvement sont arbitrairement ramenées de l’autre côté de la frontière, au Niger ou au Mali, et abandonnées, au péril de leur vie, dans le désert.

Face à toutes ces violences, des solidarités et des luttes se construisent et ne cessent de se renforcer. Quotidiennement, nous, membres d’Alarm Phone et nos alliéEs essayons d’identifier les personnes incarcérées et enfermées et leurs apportons, avec les moyens disponibles, notre soutien : de la collecte de vêtements à la recherche d’un soutien juridique alternatif. Avec ce rapport, nous réaffirmons notre soutien à toutes les personnes qui subissent la violence des régimes frontaliers et carcéraux des États et continuons la lutte pour la liberté de mouvement de toutes et tous !

Résistances et solidarités

Aux îles Canaries, il existe plusieurs actions de solidarité et de résistances à la criminalisation des capitaines. Aux côtés d’avocat·e·s qui s’engagent dans la défense des capitaines ou qui ont travaillé à la collecte et à la systématisation des données, comme Daniel Arencibia, il existe des organisations ou des collectifs qui rendent visite et soutiennent les personnes emprisonnées: sur l’île de Lanzarote, l’organisation Derecho y Justicia, sur l’île de Tenerife, l’Assemblée de soutien aux migrants, et sur l’île de Grande Canarie, la Pastorale des migrations et la Fédération des associations africaines des Canaries (FAAC). Sans compter les nombreuses personnes anonymes qui hébergent chez elles des détenus durant leurs permissions ou les aident dans leur différentes démarches administratives, dans la recherche d’emploi, etc.

D’autre part, le « Proyecto Patrones » a débuté début 2025. Il vise à renforcer les capacités des avocat.e.s travaillant sur les îles, à rendre visible la réalité de la criminalisation des capitaines en Espagne et à renforcer les liens avec les réseaux de coordination existants. Le « Proyecto Patrones » fait partie du réseau Captain Support Network, composé d’organisations qui luttent contre la criminalisation des capitaines, principalement en Grèce, en Italie et dans la Manche.

Face à un système qui traite les personnes qui exercent leur droit de migrer comme des criminelles dès leur arrivée sur le territoire européen, qu’elles aient commis un délit ou non, la plus grande forme de résistance consiste à continuer à défier les frontières. Il reste quelques mois à Y. avant de sortir de prison. Son choix est clair face à la perspective d’être renvoyé au Sénégal dès sa sortie de prison : « Je prendrai une autre pirogue et je reviendrai ».

Voir ici une présentation du réseau Alarm Phone, et le rapport complet.

Informations transmises par Martine Vernier

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