Le monde de la nuit est mosaïque.
Il est le dernier espace de socialité, le dernier rempart avant la solitude, la peur, ou le « chez-soi », mais il est aussi le passage vers le travail.
Mamadou, en CDI mais sans papiers m'a montré les lieux de solitude et de peur où il allait trouver refuge la nuit, pour un peu de repos. Entrées de garage, banc de parc...
Un autre jeune, 17 ans, refusé par l'Aide Sociale à l'Enfance, m'a expliqué comment il somnolait dans les trams la nuit, en hiver, pour juste avoir moins froid et moins peur.
Il y a toutes ces ombres qui circulent pour un petit gagne-pain, un travail ou sans but, sans abri.
Le monde de la nuit, ce sont ces travailleurs, en boulangerie, à 3 h du matin, en hôpital,en magasins, à 5 h, en « nettoyeuses de bureaux ou de chambres d'hôtel », les poubelles, souvent corvéables à merci. Le monde des travailleurs et travailleuses de la nuit est un univers mosaïque invisible, furtif, timide mais courageux, et si on lui en laisse l'opportunité, compétent.
Des patrons et patronnes ont donc décidé de se battre, tant pour préserver leur outil de travail que pour défendre ces jeunes travailleurs qui sont devenus des partenaires incontournables dans l'entreprise.
Vous avez certainement entendu parler de Stéphane Ravacley, ce boulanger bisontin qui s'est mis en grève de la faim à Noël 2020, quand son apprenti Laye a eu à ses 18 ans, et pour Noël, une OQTF.
Les conséquences de cette décision administrative auraient été que Laye aurait rejoint le monde nocturne des sans abris, car plus de salaire, plus de logement, juste la précarité.
Les autres conséquences, outre que Stéphane a frôlé la mort, auraient été que la boulangerie aurait fermé, car ces métiers de nuit ne sont guère courus.
D'autres grèves de la faim ont suivi, dont celle de Patricia Hyvernat, boulangère paysanne, quand Yaya a eu, lui aussi, à ses 18 ans, une OQTF.
De là est née l'association Patron.nes Solidaires, dont voici le plaidoyer :
« Le travail est un droit fondamental pour tous, quelles que soient les origines, genres, cultures et religions.
Le travail est aussi un formidable outil d'intégration, de même que la scolarisation, l'apprentissage et la formation.
L’association Patron.nes Solidaires s’est créée pour faire respecter ce droit humain mais aussi pour permettre aux entreprises de développer leurs activités en ayant la LIBERTE de former et d’embaucher les personnes qu’elles estiment les plus compétentes.
Des jeunes étrangers mineurs qui ont pu suivre des formations notamment en apprentissage doivent interrompre ces contrats avec l’obligation de quitter le territoire français quand ils sont devenus majeurs.
De nombreux secteurs ne trouvent pas assez de main-d’œuvre dans ce que l’on nomme les métiers en tension, gérés dans une liste qui est complètement hors sol par rapport aux besoins réels. (métiers dits de bouche, restos, boulange...)
Et de nombreuses entreprises réduisent ou cessent leur activité car elles ne parviennent pas à recruter, y compris dans les métiers non considérés « en tension ».
Parallèlement certains en profitent pour exploiter une main d’œuvre non déclarée et sous-payée.
Patron.nes Solidaires considère ces situations inhumaines, absurdes administrativement et très préjudiciables au fonctionnement des entreprises.
Les entreprises participent à la richesse de l’État, à la force de son économie. Il est légitime qu’elles puissent embaucher les personnes compétentes et motivées nécessaires à la poursuite et au développement de leur activité ».
Margot Wolf
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